Science, pseudo-science et crise financière

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par luc marchauciel » 21 Mars 2009, 09:58

a écrit :
Science, pseudo-science et crise financière

par Bernard Guerrien - SPS n° 284, janvier 2009

Bernard Guerrien enseigne les mathématiques et la microéconomie à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne. Mathématicien devenu économiste, il dénonce depuis de nombreuses années l’absurdité scientifique de la plupart des utilisations des mathématiques en économie.


La crise sévère qui plane actuellement sur la plupart des pays du monde s’est traduite, entre autres, par un changement radical d’attitude des économistes – une partie d’entre eux se tenant dans un silence gêné, d’autres tournant casaque. Le discours sur l’action bienfaisante de la « main invisible » des marchés, omniprésent dans les manuels, n’est plus à l’ordre du jour. L’État, si décrié il y a peu encore, est sollicité de toutes parts. On exige de lui une « relance budgétaire » – c’est-à-dire, qu’il augmente ses dépenses, quitte à emprunter auprès des banques et des particuliers, qui ne demandent d’ailleurs qu’à lui prêter – alors qu’il y a quelques mois seulement on l’accusait de laisser, avec ses dépenses inconsidérées, un fardeau insupportable aux générations futures [1].

Ces brusques revirements conduisent à se poser, une fois de plus, la question : l’économie est-elle une science ou une pseudo-science ? La réponse à cette question ne peut qu’être nuancée. Les économistes sont des personnes qui raisonnent – par déduction – et de ce point de vue on peut dire que leur démarche est scientifique. Mais, en même temps, leurs déductions sont faites à partir de prémisses basées sur des croyances a priori, qui se fondent sur ce qu’ils peuvent observer, mais aussi sur l’opinion qu’ils ont de ce qui est le mieux pour la société dans laquelle ils vivent. Les crises ébranlent ces croyances, ou même les remplacent par d’autres, si la crise est très sévère. Les vérités d’hier n’étant plus, brusquement, celles d’aujourd’hui, et n’étant pas plus fondées que les précédentes, on peut considérer qu’on est en présence d’une pseudo-science.

Le cas des subprime
Il est fascinant de voir que le poids de l’idéologie ambiante (des croyances a priori) est tel que même des personnes ayant une formation scientifique de très haut niveau peuvent se laisser prendre par elle. Le cas des fameux crédits hypothécaires subprime en donne un exemple frappant. Avant qu’ils ne deviennent des « produits toxiques », on expliquait que, grâce aux innovations faisant appel à des techniques mathématiques très compliquées et à des ordinateurs très puissants, les « petits génies de la finance » étaient parvenus à trouver le moyen de diffuser uniformément le risque. Il était donc devenu possible, disait-on et en dépit du bon sens, d’obtenir des rendements élevés sans véritable contrepartie. Tout cela grâce à de nouveaux instruments financiers, tels les CDS, les CDO (au carré, puis au cube !) et à leur combinaison dans le cadre de ce qu’on a appelé la « titrisation ». De nouveaux organismes spécialisés, qui échappaient aux contraintes imposées par la réglementation, s’occupaient de mener ces opérations complexes et d’en écouler le produit auprès des banques – dont ils étaient parfois des filiales – et de divers organismes qui collectent l’épargne.

La grande majorité des responsables de ces montages compliqués étaient sans doute persuadés de leur validité ; pour eux, la réglementation était obsolète et ne pouvait donc qu’être contournée. Sans cette conviction de leur part, le phénomène n’aurait pas eu l’ampleur qu’il a connu. Il a fallu attendre la crise pour comprendre que le risque n’était pas diffusé plus ou moins uniformément, mais qu’il était au contraire concentré dans les maillons les plus faibles d’une longue chaîne. Si ces maillons lâchaient, comme cela est arrivé, alors toute la chaîne suivrait. Dans le cas des crédits immobiliers, le maillon faible se situait au niveau des ménages les plus pauvres. La chaîne des « titrisations » était construite sur l’hypothèse que le prix des maisons allait continuer à monter ; les ménages pourraient donc continuer à emprunter, en gageant leurs maisons, pour rembourser leurs emprunts passés, et ainsi de suite, indéfiniment.

Tout le monde s’accorde maintenant pour dire que cette hypothèse était absurde – et contraire au vieil adage boursier selon lequel « les prix ne montent pas jusqu’au ciel ». Il n’est pas nécessaire d’avoir un diplôme en mathématiques pour le comprendre [2]. On trouve maintenant sur Internet des explications « pour les nuls » sur ce qui s’est passé. Mais il n’en était rien avant la crise, quand tout le monde se pâmait devant les « innovations » des petits génies de la finance, qui devaient permettre une croissance sans fin.

On retrouve un des traits propres à l’économie : l’explication a posteriori, qui vient contredire ce qui a été avancé ou cru a priori, sur la base d’hypothèses erronées. Science ou pseudo science ?



Suite de l'article sur :

http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article1079



luc marchauciel
 
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