par Vérié » 08 Mai 2008, 10:51
Les velleités autonomistes de la bourgeoisie de Santa Cruz n'ont bien évidemment rien à voir avec le droit des peuples à disposer d'eux-memes. En l'occurence, il s'agit du droit de la bourgeoisie bolivienne compradore à profiter des miettes que lui laissent les pétroliers.
Ce référendum est la dernière étape du bras de fer qui oppose la droite, les pétroliers et la bourgeoisie de "l'Oriente" (4 provinces pétrolières : Santa Cruz, Beni, Tarija, Pando, soit 30 % de la population) au gouvernement Morales.
Morales ne cesse de reculer voire de capituler devant la droite, ce qui l'encourage :
-Acceptation de la majo des deux tiers à l'assemblée constituante, ce qui donne à la droite une minorité de blocage des réformes,
-Réforme agraire toujours bloquée (pas votée par l'AC)
-Nationalisation des pétroles adoptée en Juin 2006 toujours sans effet, malgré la création d'un office national (YFPB) qui ne controle rien.
Parmi les pouvoirs que s'arrogerait la bourgeoisie de Santa Cruz, il y a notamment la fiscalité, qui permettrait d'empecher le gouvernement de taxer lourdement les pétroliers. Et les lois sur la propriété des terres.
Morales annonce qu'il ne reconnait pas ce référendum et va lancer un référendum national révocatoire. De son coté, les oligarques de Santa Cruz annoncent l'élection prochaine d'un parlement régional de 28 membres. (Quand les résultats définitifs du référendum seront connus. En Bolivie, c'est long ! Pour le moment, c'est officiellement 71 % des participants.)
Il y a aussi un aspect ethnique sur lequel joue beaucoup la bourgeoisie de SC : la majorité de la population est blanche et le racisme anti-indien est très fort. Pour la bourgeoisie et la petite bourgeoisie de Santa Cruz, les Indiens andins sont des pouilleux, pas question de prendre de l'argent aux pétroliers pour assurer le développement des régions misérables. Santa Cruz ressemble à une ville du Texas, avec des avenues rectangulaires, des immeubles en verre et acier, des villas luxueuses, des armadas de 4 X 4, alors que le niveau de vie de la Bolivie est proche de celui des pays africains - seule Haiti est encore plus bas dans cette région du monde.
Le problème de Santa Cruz et du pétrole est exacerbé par la hausse des prix. Les camionneurs indépendants, les chauffeurs de taxis collectifs etc se sont mis en grève : ils paient l'essence au prix international, plus cher que les Brésiliens, alors que le pétrole et le gaz bolivien sont exportés vers le Brésil, l'Argentine etc.
Difficile de prévoir l'avenir : les capitulations répétées de Morales ont découragé une bonne partie de la population, de meme que la corruption ultra rapide du MAS. Un ministre vient encore d'être incarcéré ces jours-ci. De plus Morales a toujours refusé de s'appuyer fermement sur la population pour contrer les manoeuvres de la droite. Il semble plutot compter sur l'hostilité de l'armée (très nationaliste évidemment) à la sécession et aussi, paradoxalement, sur les pays voisins comme le Brésil qui ne voit pas d'un bon oeil un projet de sécession, d'une part car il craint pour la stabilité de la production des produits pétroliers, d'autre part parce que ça pourrait servir d'exemple en Amérique du Sud où les particularismes régionaux et les veilleités d'autonomie ne manquent pas.
Il est donc probable, sauf intervention massive de la population, que ça va se conclure par un nouveau compromis-recul devant la droite...