a écrit :LO : «Notre terrain, c’est la rue, l’usine, les grèves»
A Fécamp, «ancienne ville de pêcheurs», une caravane d’été de Lutte ouvrière tente d’accrocher les passants, en rêvant de sursaut populaire.
Par Laure Equy
samedi 11 août 2007
"Tracter pendant les grandes vacances, en attendant «le grand soir». Des affichettes sont placardées sur les murs de Fécamp (Seine-Maritime) : «Lutte ouvrière, le parti d’Arlette Laguiller, dans votre ville pour discuter avec vous.» D’un côté, les plages bondées où les jeunes UMP offrent aux touristes des gadgets portant le sigle du parti présidentiel ; de l’autre, des villes industrielles où les militants de LO vont à la rencontre des «gens du coin qui n’ont pas forcément les moyens de partir l’été». Contraste.
«Coup de main». Fécamp, où une dizaine de militants faisaient escale jeudi «c’est une ancienne ville de pêcheurs où plusieurs conserveries ont licencié ces dernières années», remarque Christian, de Caen, venu «donner un coup de main aux camarades». Comme chaque été, depuis 1974, plusieurs caravanes de LO sillonnent les régions pour prendre le pouls des «travailleurs» et des «travailleuses», faire connaître les idées de la formation trotskiste, voire préparer les «combats» à venir. «Après la victoire de Sarkozy, certains sont contents de voir des militants qui ne baissent pas les bras», résume Amélie, 26 ans, l’une des «caravanières».
Dans une rue piétonne, sous un soleil timide, ils vendent Lutte ouvrière, l’hebdo du parti, et tentent d’ «accrocher» les passants. Sous un chapiteau, quelques chaises et une télévision qui diffuse en boucle des interventions de l’ex-candidate à la présidentielle. «On a une notoriété et une légitimité avec la constance d’Arlette», juge Chantal Cauquil, ex-députée européenne, qui n’a jamais raté une caravane LO. «Mais déjà en 1974, elle a crevé l’écran et cet été-là, on nous connaissait», dit-elle.
«Vous savez que c’est fini les élections?», s’amuse un vieil homme. En s’arrêtant sur les places des marchés ou à la sortie des usines, les militants de LO veulent, selon Chantal Cauquil, «écouter les inquiétudes et les réactions du monde du travail» après les deux scrutins du printemps. Objectif : établir un diagnostic du moral et des attentes des classes populaires. «Il n’y a pas que les urnes. Notre terrain c’est la rue, l’usine, les grèves.»
Il y a les passants qui prennent le tract avec un petit «merci», ceux qui pressent le pas, ou qui lancent un commentaire à la volée. Bienveillant : «Faudrait pas qu’il vous tombe une averse!», «Elle va nous manquer, Arlette». Agacé : «Vous êtes déjà allés en Russie ? Moi je veux pas de ce régime». Ou pessimiste : «Ils sont foutus ces gens…» Et puis il y a ceux qui se lancent dans de longues discussions à côté de la tente.
Josiane, 61 ans, s’étend, moins sur le dernier projet de loi du gouvernement que sur les soucis quotidiens, le remboursement des médicaments et la hausse du prix du pain. Elle a voté «Arlette» au premier tour de la présidentielle , s’est abstenue au second. «Je suis d’accord avec eux pour l’inflation et les travailleurs qui sont traités comme des pions par leur patron. Ils devraient se mettre un bon coup en colère.» Mickaël, ouvrier, voudrait bien une mobilisation mais «sans y croire plus que ça ». Un ancien des usines Renault, socialiste, raconte à une militante «son» Mai 68, assure que «c’est ça qu’il nous faudrait».
A LO, on rêve de ce sursaut populaire et on tâte le terrain pour un «troisième tour» social. «On dit aux gens qu’il y aura des occasions de descendre dans la rue, qu’il faut que ça réagisse», raconte Jean-Luc, militant depuis les années 70. Réagir à quoi ? «On ne peut pas le dire à l’avance. Ça peut partir d’un rien, une grève qui fera tache d’huile.» Il expose certaines de leurs revendications, comme l’interdiction de licencier pour les entreprises qui font des profits. «On en parle pour plus tard», pour être prêts «quand il y aura un coup de colère».
«Décalage». Rita, elle, est sceptique : «Certaines idées sont faciles à lancer quand on n’est pas aux manettes», juge cette Parisienne, d’ «extrême gauche, tendance Charlie Hebdo». Dommage, dit-elle que LO «parle seulement aux ouvriers au lieu de s’adresser plus largement aux salariés : c’est en décalage avec la réalité». Philippe, préretraité, qui a voté PS, se dit «dans l’attente» pour juger Sarkozy. Mais pour lui, le parti de Laguiller a pris des rides : «Les gens veulent des solutions pratiques. Le prolétariat, la lutte des classes, c’est dépassé tout ça.»
Pour une fois , ils sont assez corrects