Brésil, La question de la terre

Message par faupatronim » 02 Avr 2003, 14:27

Brésil
La question de la terre



Nous reproduisons ici des extraits d'une interview donnée par Miguel Rossetto à la "Folha", un journal de São Paulo, le 16 mars 2003. Miguel Rossetto est le ministre brésilien du Développement agraire. Il est membre du Parti des travailleurs et de la tendance Démocratie socialiste (au sein de laquelle militent nos camarades de la IVe Internationale).

- Pensez-vous que le demi-tour à gauche de votre ministère contribue au désarmement des esprits, à un moment où les propriétaires terriens organisent des actions armées ?
Miguel Rossetto - Nous condamnons la violence exercée par les propriétaires terriens. Les tensions doivent être réglées par le dialogue. Des secteurs réactionnaires de droite, minoritaires, ne réussissent pas à vivre avec la République. La majorité des producteurs n'est pas d'accord avec ce type de comportement.
Ceux qui produisent en ayant le sens de la responsabilité sociale seront respectés et soutenus. Mais nous ne ferons aucune concession aux propriétaires de terres improductives, destinées à la spéculation. Il y a des aires où le "grilage (1)" est une réalité. Ceci est inacceptable et relève de la barbarie. Notre mission est d'arriver à vaincre cela.

- Vous avez produit une note affirmant que le pillage du bâtiment de l'Incra au Mato Grosso (2) par des militants du Mouvement des sans-terre (MST), "a outrepassé les limites démocratiques de la manifestation". L'invasion de terres privées est-elle contraire au respect de la Constitution ou se situe-t-elle dans le cadre démocratique de l'exercice de la manifestation ?
M. Rossetto - L'occupation des terres est une vaste question. Nous parlons de propriétés privées dans des aires publiques. La caractérisation d'illégalité ou pas est de la responsabilité du pouvoir judiciaire. Il n'y a pas de possibilité d'une réponse théorique. Les décisions des tribunaux varient en fonction du type de propriété.
Selon la jurisprudence, l'occupation des terres n'est pas jugée comme ne respectant pas la Constitution, quand ces terres ne sont pas exploitées. La Constitution établie clairement que la propriété rurale est liée à la question de la productivité. La notion de propriété est liée à l'idée de fonction sociale. C'est pour cela que théoriquement la réponse est difficile. Les manifestations sociales sont une conquête démocratique. Quant au MST, c'est une organisation de travailleurs victimes du processus d'exclusion, qui accomplit un rôle très important pour le développement de la société.

- La violence est associée à l'invation de terres ?
M. Rossetto - Elle est aussi associée à l'exclusion sociale. Elle existe parce qu'il y a de la misère, de l'exclusion. Elle est le fruit de l'abandon, du manque de perspectives.

- Quelle est votre opinion sur la réforme agraire du précédent gouvernement, celui de F. H. Cardoso et qu'entendez-vous faire de différent ?
M. Rossetto - Cardoso a fait une réforme du XIXe siècle. Il s'est limité à donner de la terre. Il a promu les installations des paysans sans permettre les conditions fondamentales pour la production. Les paysans sont nombreux à ne pas avoir d'habitation, d'éléctricité, d'accès au réseau routier. Nous devons changer cela. Nous allons faire la réforme du XXIe siècle, dont l'élément central sera la transformation des sans-terres en agriculteurs producteurs, qui disposent de connaissances, de l'assistance technique et de crédit. Nous allons stimuler un modèle collectif des occupations (assentamentos) paysannes.
Nous allons aussi éliminer la Banque de la terre, mise en place par Cardoso. Nous y avons trouvé beaucoup d'irrégularités : fausse factures, pots de vin... Elles seront signalées au Ministère public. Mon souhait est que le nouveau ministère identifie et punisse les responsables, comme je le ferai.

1. Possession illégale de terres à partir de faux documents.
2. Il s'agit de l'Institut national de la colonisation et de la réforme agraire du Mato Grosso, l'un des Etats fédérés du Brésil.
faupatronim
 
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Message par magdalene » 02 Avr 2003, 15:50

a écrit :L'occupation des terres est une vaste question. Nous parlons de propriétés privées dans des aires publiques. La caractérisation d'illégalité ou pas est de la responsabilité du pouvoir judiciaire. Il n'y a pas de possibilité d'une réponse théorique. Les décisions des tribunaux varient en fonction du type de propriété.


:blink: et :ohmy:

est-ce que l'interview est commentée dans Rouge ?... parce que moi je reste sans voix.
magdalene
 
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Message par reval71 » 02 Avr 2003, 15:58

a écrit :Ceux qui produisent en ayant le sens de la responsabilité sociale seront respectés et soutenus. Mais nous ne ferons aucune concession aux propriétaires de terres improductives, destinées à la spéculation.


Parce que maintenant les propriétaires terriens qui exploitent les travailleurs agricoles dans les exploitations sont considérés comme des producteurs... j'ai vraiment rien compris au communisme.

:bleu-vomi:
reval71
 
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Message par Andreas » 02 Avr 2003, 16:07

a écrit :est-ce que l'interview est commentée dans Rouge ?...


Il y a ce court texte associé à l'interview, mais j'ai peur que ça ne te redonner pas de la voix:


a écrit :A propos du Brésil
notre avis
La situation brésilienne est aussi marquée par la guerre contre l'Irak. Les manifestations comme les prises de positions du Parti des travailleurs (PT) et du gouvernement Lula contre la guerre dominent la situation politique actuelle. Après l'Irak, les menaces contre le Venezuela et la Colombie rappellent que les objectifs de guerre des Etats-Unis ne se cantonnent pas au Moyen-Orient.
Mais les questions sociales et économiques occupent aussi le devant de la scène politique, en particulier les problèmes de la réforme agraire et ceux de la politique économique du gouvernement. Sur le plan de la réforme agraire, les réponses données par Miguel Rossetto, ministre de la Réforme agraire, donnent les grandes lignes de la politique du PT et du gouvernement. Il s'agit de stimuler un vaste mouvement de réforme agraire en s'attaquant au système féodal qui domine les rapports de propriété de la terre au Brésil.
Pour Rossetto, les occupations de terre réalisées par le mouvement des sans-terre (MST) doivent être soutenues. Mais c'est sur les grandes lignes de la politique économique que s'ouvre un large débat au sein même du Parti des travailleurs. Selon Palocci, ministre de l'Economie et des Finances, la politique économique actuelle du gouvernement est "une politique de transition, une première étape dans la politique de transformation du Brésil". Une politique de transition qui reste "marquée par une grande continuité avec la politique libérale de Fernando Henrique Cardoso" (le chef du gouvernement de droite sortant), selon nos camarades de la Démocratie socialiste, une tendance du PT au sein de laquelle on retrouve les membres de la IVe Internationale. Ces désaccords dans la direction du PT et au gouvernement ont conduit nos camarades à déposer, lors de la dernière réunion de la direction du Parti des travailleurs, une résolution défendant "un autre modèle économique", un modèle de rupture avec la politique libérale. La majorité a obtenu 54 voix, une résolution défendant une position intermédiaire en a obtenu treize, contre huit pour la résolution de la Démocratie socialiste.

François Sabado
Andreas
 
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Message par EZRAROX » 02 Avr 2003, 16:09

Bonjour,

Il y en a qui vont devoir sérieusement mettre un parachute parce qu'à tomber de si haut cela fait de sérieuses fractures aux illusions. :hinhin:
EZRAROX
 
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Message par ianovka » 02 Avr 2003, 16:12

(EZRAROX @ mercredi 2 avril 2003 à 17:09 a écrit :Bonjour,

Il y en a qui vont devoir sérieusement mettre un parachute parce qu'à tomber de si haut cela fait de sérieuses fractures aux illusions. :hinhin:

Il y en a qui devront tomber de bien plus haut pour se rendre compte des énormes fractures de leurs illusions.
"Le capital est une force internationale. Il faut, pour la vaincre, l'union internationale, la fraternité internationale des ouvriers." Lénine
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Message par magdalene » 02 Avr 2003, 17:56

Andreas, merci pour le supplément : contre toute attente, j'ai retrouvé ma voix !

propriété féodale ou propriété bourgeoise ?... sabado est-il malhonnête ?... :blink:

a écrit :Il s'agit de stimuler un vaste mouvement de réforme agraire en s'attaquant au système féodal qui domine les rapports de propriété de la terre au Brésil. (...)une résolution défendant "un autre modèle économique", un modèle de rupture avec la politique libérale.


Quelle que soit la misère des paysans, et aussi ressemblante soit-elle avec celle des serfs du moyen âge, aussi violent soient les pouvoirs des propriétaires terriens, la propriété privée du brésil d'aujourd'hui ne s'explique pas par un régime féodal de propriété ! Au lieu de souhaiter le ralliement des paysans aux revendications des travailleurs, en parlant de " système féodal " il fait des paysans un groupe si ce n'est autonome, en tout cas aux intérêts distincts de ceux du prolétariat brésilien. (Faut-il voir là un lien avec les orientations guévaristes de besancenot-sabado ? ;) ) sabado parle de féodalisme pour exploiter le filon de l'indignation et justifier la participation au gouvernement lula : il faut quand même améliorer de sort des paysans, participons donc de la réforme !
magdalene
 
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Message par Louis » 02 Avr 2003, 18:10

a écrit : propriété privée du brésil d'aujourd'hui ne s'explique pas par un régime féodal de propriété

dit Magdeleine N'étant pas un spécialiste de la question agraire, je me garderais bien de trancher ! Et si quelqu'un a des lumières particulière sur le sujet..

De toute façon, le brésil (sans etre un spécialiste) comme beaucoup de pays du "deuxieme cercle" conjugue des formes de dominations bourgeoise moderne et des formes arrièrées. Dans ce cas, cela devrait passer sans affrontement direct avec ladite bourgeoisie moderniste On verra bien

Mais dans ce cas, les paysans pauvres risquent d'etre les dindons de la farce ! Parce que la bourgeoisie "moderniste" va réussir a reccueillir les lauriers (et les paysans pauvres se piquer en arrachant la mauvaise herbe)

Se pose déja la question de l'affrontement avec cette bourgeoisie "moderniste" et la politique suivie par le pt (et les membres de DS au gouvernement l'appliquent) ne peut que désarmer les forces populaires
Louis
 
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Message par Barnabé » 03 Avr 2003, 07:35

Au Brésil comme dans bien d'autres pays du tiers monde, les formes de propriété agricole reste empreinte du modèle féodal: l'essentielle des terres cultivables est possédé par un nombre assez réduit de grands propriétaires, et en effet la tâche qui est à l'ordre du jour c'est bien la réforme agraire. Mais on sait depuis un bon moment (en particulier depuis que :trotsky: a élaboré ce qu'on appelle la théorie de la révolution permanente), les tâches de liquidation des formes féodales de propriété agraire, la réforme agraire, qui avait été une tâche "classique" des révolutions bourgeoises en leur temps incombent à la classe ouvrière organisée. Les occupations de terre (comme les révoltes paysannes en Russie en 17) doivent être un point d'appuie pour les révolutionnaires, car eux seules peuvent lui donner une expression politique.
D'où le caractère profondément éronné à se placer à la remorque d'un gouvernement bourgeois sous prétexte que les formes de propriété garde des aspects féodaux. Au contraire ce n'est qu'une politique indépendant de la classe ouvrière qui peut offrir des perspectives, y compris aux paysans sans terre.
Barnabé
 
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