Révolution culturelle en Chine...

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par com_71 » 29 Mai 2006, 19:20

C'était le sujet de l'éphéméride du 3 juin. Mais tout laisse prévoir que la fête de LO va priver les lecteurs du FALO de leur site préféré les 3, 4 et 5 juin 2006. Alors, quelques jours avant la date, ce qui devait apparaître samedi prochain :
a écrit : 3 juin 1966 : Début de la révolution culturelle en Chine

Extraits de l'exposé du Cercle Léon Trotsky : La Chine à l'heure de la Révolution Culturelle, 18 décembre 1967


Pendant plus d'un an, de violents conflits secouèrent la société chinoise. Plusieurs dizaines de millions de jeunes, étudiants et lycéens pour la plupart, ont fait la loi ou ont semblé la faire à travers tout le pays. Ils l'ont faite au nom du socialisme et ils déclarèrent vouloir détruire tous vestiges de la société ancienne, fussent-ils culturels ou moraux. C'est encore au nom du socialisme qu'ils occupèrent le pavé des plus grands centres industriels de la Chine, c'est au nom du socialisme qu'ils se heurtèrent, parfois violemment, au prolétariat des villes. […]

Mais l'hypothèse d'une fraction maoïste écartée du pouvoir et mobilisant les Gardes Rouges pour le reconquérir est d'une incroyable ineptie, dès que l'on se rappelle ce que représente une telle mobilisation. Un communiqué de l'Agence Chine Nouvelle faisait état à l'époque de cinquante millions de «Gardes Rouges et autres étudiants et professeurs révolutionnaires». Ils étaient, nous l'avons dit, onze millions à se rendre à Pékin par vagues successives. Pour ce faire, ils avaient à leur disposition des trains, des bateaux, des autocars. Il fallait une puissante organisation pour les rassembler, les encadrer, les transporter, les loger, les nourrir. Il fallait en un mot toute l'organisation de l'État, toute la puissance logistique de l'armée.
Ce sont là des faits. Ils prouvent deux choses. Ils prouvent d'abord que la mainmise de Mao et de Lin-Piao sur l'appareil de l'État et de l'armée était totale au moment de la mobilisation des Gardes Rouges. […]

Le fait est, répétons-le, primordial. Quelles qu'aient pu être les péripéties au sein de l'équipe dirigeante, quels qu'aient pu être les affrontements fonctionnels par l'intermédiaire de Lin-Piao et de Mao, c'est l'ensemble du régime qui a pris la décision de mobiliser les Gardes Rouges.

Un deuxième fait est tout aussi primordial. Ces millions de jeunes ne furent pas mobilisés pour obtenir la tête de quelques malheureux Pen-Chen ou Liu Shao-shi, ou pour scander des slogans contre les dirigeants déjà liquidés, à des meetings monstres. Pendant des mois ils ont fait la loi ou tenté de la faire à travers tout le pays dans toutes les grandes villes. Ils ont eu des rapports, pacifiques ou violents, avec les différentes couches de la société, avec des dizaines, sinon des centaines de millions de personnes.

Directement ou indirectement, le mouvement a concerné l'ensemble de la société chinoise. Il s'agit là incontestablement, d'un mouvement de masse. Il a une signification sociale. Et, outre la question : qui a mobilisé les Gardes Rouges, il s'en pose d'autres : qui sont les Gardes Rouges quelle force sociale représentent-ils, contre qui furent-ils mobilisés et pourquoi ? Quels sont les protagonistes des heurts sociaux qui secouent la Chine, et quelle est la dynamique des antagonismes qui, à cette ampleur, sont des antagonismes de classe ?

Les faits, tout au moins ceux qui nous sont parvenus au compte-gouttes, apportent quelques éléments de réponse.

La presse chinoise elle-même rapporta en son temps les heurts qui opposèrent les étudiants Gardes Rouges à des ouvriers à Canton, à Shanghaï et à Tien-tsin. Elle reconnut elle-même, dès septembre, «qu'un petit nombre d'ouvriers, paysans et soldats furent trompés et prirent part à la lutte contre les étudiants». Elle publia de véritables bulletins de victoire après la «reconquête» (le mot est d'elle!) de Shanghaï puis de Canton, hauts lieux du prolétariat chinois.

Manifestement, l'activité des Gardes Rouges s'est heurtée à des résistances. Manifestement, cette résistance n'était pas le fait d'individus isolés, car alors pourquoi les milliers de Gardes Rouges n'ont-ils pas suffi à certains endroits à l'affaire, pourquoi fallait-il que l'armée elle-même intervienne pour leur prêter main forte ? Manifestement encore, c'est dans les centres industriels que la résistance fut la plus vigoureuse.

Ces faits-là, incontestables — et personne ne les conteste — sont d'une importance autrement plus grande que des spéculations sur ce qui peut opposer Mao à l'hypothétique fraction Liu Shao-shi. Ils soulignent qu'il ne suffit pas de commenter ce que disent les uns et les autres, d'autant moins qu'on n'entend guère d'autre son de cloche que celui du gouvernement, transmis et déformé par les commentateurs occidentaux. […]


Il s'agissait donc de tuer dans l'oeuf la possibilité d'une telle évolution, de mettre au pas le prolétariat, d'étouffer ses aspirations, de prévenir ses revendications, de l'embrigader. Cette mise au pas n'était pas spécialement destinée à être violente. Il s'agissait plutôt d'exercer une pression morale, de façonner la vie quotidienne au nom de l'intérêt de la défense de la patrie. Une telle pression moléculaire de tous les jours ne peut être le fait d'un organe de répression, sauf dans les dictatures les plus féroces et les plus équipées, et ce n'est pas le cas de la Chine. Pour effectuer cette gigantesque mise au pas de la population urbaine et du .prolétariat, pour la soumettre à une pression constante, pour l'encadrer, le régime a effectué une véritable mobilisation de masse. Il pouvait le faire parce qu'il était populaire, parce qu'il était sûr d'avoir la majorité du peuple derrière lui. Mais de toute manière, il a pris soin de mobiliser la partie la plus encadrée, la plus embrigadée de la population. […]

Non ! Le rôle dévolu aux Gardes Rouges ne fut pas d'éliminer les bourgeois. Ce fut, encore une fois, d'agir au niveau moléculaire où les aspirations populaires se manifestèrent. Ce fut d'exercer une pression telle que personne n'osât revendiquer quoi que ce soit de peur de passer, de ce fait même, pour un allié des Américains. […]

Pour conclure, ce qu'on peut affirmer avec certitude, c'est que la Révolution Culturelle n'est pas un approfondissement de la révolution chinoise, dans le sens prolétarien et socialiste du terme. Tout au contraire, elle vise à diminuer la part du prolétariat dans la vie sociale, elle vise à affaiblir le rôle du prolétariat comme force organisée.[…]

N'oublions pas le contexte : la Chine de Mao est depuis sa naissance entourée de la menace impérialiste, menace qui depuis la nouvelle guerre du Vietnam devient de plus en plus précise. […]

L'étouffant étau de l'impérialisme ressoude l'unité nationale derrière Mao, et légitime devant le peuple les mesures d'austérité de celui-ci.

Aussi, le prolétariat chinois a besoin du prolétariat international. A courte échéance pour desserrer l'étau de la menace impérialiste sur la Chine. A longue échéance enfin, si le prolétariat chinois est faible en nombre par rapport à l'énorme masse de la paysannerie, il est fort de ses alliés, c'est-à-dire du prolétariat international. La renaissance politique du prolétariat chinois se fera dans le cadre d'une remontée du mouvement révolutionnaire prolétarien à l'échelle du monde.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par Combat » 29 Mai 2006, 19:59

D'accord avec le texte en gros mais pourrait on parler un peu de la commune de shanghai dans ce contexte. Il semble que les masses travailleuses aient commence a prendre l'initiative en voulant instaurer un pouvoir politique base sur la commune de paris, ce qui a effraye mao et les soi disants ultra gauchistes. Ceux la prefererent a la commune, donc au pouvoir direct des travailleurs meme sous controle du PCC, une triple alliance Armee-garde rouge-"travailleurs(en fait PCC)", le soi disant comite revolutionnaire. Je n'arrive malheureusement pas a retrouver un document precis sur la question.
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Message par com_71 » 29 Mai 2006, 21:00

L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par Combat » 29 Mai 2006, 21:19

Effectivement:

"De véritables batailles rangées auraient opposé, par exemple, les ouvriers d'une verrerie de Canton aux Gardes Rouges, bataille dont le bilan se mesure par plusieurs centaines de blessés. A Shangaï, des ouvriers du textile ont édité des tracts réclamant des sanctions contre les Gardes Rouges, et d'après les informations officielles chinoises, les désordres dans cette ville ont fait une quarantaine de morts et plusieurs centaines de blessés. A Tien-tsin, des milliers d'ouvriers ont assisté aux obsèques d'une des victimes des Gardes Rouges. A Nankin, 6 000 personnes auraient été arrêtées à la suite d'une véritable bataille rangée. A Canton encore, des milliers d'ouvriers auraient arrêté le travail et l'armée serait intervenue pour prêter main forte aux Gardes Rouges".
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Message par Combat » 29 Mai 2006, 21:53

Donc la classe ouvriere serait incapable de lutter sans se faire manipuler?
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Message par com_71 » 29 Mai 2006, 21:58

(El convidado de piedra @ lundi 29 mai 2006 à 22:48 a écrit :
Au Chili ceux qui ont donné le coup de grace à Allende ont été les miniers du cuivre qui ont mené une grève avec marche sur Santiago quelques semaines avant le coup, quand tout le monde voyait les efforts de la grande bourgeoisie et de l'impérialisme pour se defaire du gouvernnement Allende.

Effectivement, mais quel rapport avec la révolution culturelle ?

Ces bureaucrates du syndicat du cuivre n'avaient pas été mobilisés par Allende quand même ?
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par quijote » 30 Mai 2006, 17:22

(El convidado de piedra @ mardi 30 mai 2006 à 19:01 a écrit :
(com_71 @ lundi 29 mai 2006 à 22:58 a écrit :
(El convidado de piedra @ lundi 29 mai 2006 à 22:48 a écrit :
Au Chili ceux qui ont donné le coup de grace à Allende ont été les miniers du cuivre qui ont mené une grève avec marche sur Santiago quelques semaines avant le coup, quand tout le monde voyait les efforts de la grande bourgeoisie et de l'impérialisme pour se defaire du gouvernnement Allende.

Effectivement, mais quel rapport avec la révolution culturelle ?

Ces bureaucrates du syndicat du cuivre n'avaient pas été mobilisés par Allende quand même ?

Le rapport se trouve dans la comparaison.

Les dirigeants des miniers n'avaient pas été mobilisés par Allende mais par la Démocratie Chretienne. Qui, en proftant de la situation qu'eux memes avaient largement créé en organisant la penurie (el desabastecimiento), ont profité du mécontentement des ouvriers, mais surtout des techniciens et des cadres pour boycotter la ressource principale du chili, le cuivre.

Ainsi comme les ouvriers chiliens se sont fait avoir à moyen terme, les quelques ouvriers chinois qui se sont attaqués à l'aile gauche du parti, se sont fourrés aussi le doigt dans l'oeil. Et ceci ce n'est pas une question théorique mais factuelle.

D'ailleurs le vraie centrage vers la droite de la politique du groupe qui dirigait de la gauche du parti la révolution culturelle c'est fait après les Comunes de Shangai et de Canton, qui étaient justement l'unité du mouvement révolutionnaire de la jeunesse et du prolétariat, ouvriers bien à leur tête . Huao yen guang (rappel plus si c'était son nom exact, ou si c'était lui ou un autre) qui a fait partie de la bande des quatre, venait directement de la commune de shangai et était ouvrier.

La révolution a pris fin quand l'aile de Chou-en-lai a passé du coté de Deng-siao-ping pour contrer les communes proletaires.

Une révolution c'est un processus. Et le fait que les masses, lancées à la critique et au combat par Mao, soient arrivées au meme point que les ouvriers de Paris montre, sauf aux aveugles par "trotskysme"mal compris, qu'ils s'agissait d'une vrai révolution.

Comme disait Trotsky, la caractéristique d'une révolution est que les masses se mettent à mettre tout en jugement et à agir. Et à tirer leurs propres conclusions politiques. C'est le cas à n'en pas douter de la révolution culturelle. Qu'elle n'a pas réussie? Le problème est toujours le meme; les secteurs le plus avancés ont trouvé trop fort à qui parler, et les masses d'un pays encore fondamentalement paysan n'ont pas poussé la révolution à ses dernières conséquences.

Ce sera pour une autre fois. Je vous signale que la contestation au sein du parti, de l'armée, de l'état ezt parmi les masses aujourd'hui se rappele parfaitement, comme les anciens "maoistes" que Mao disait qu'il faudrait au moins 10 révolutions culturelles pour balayer les étables d'Augias du révisionisme (capitalisme pour ce qui ne comprenent pas ce langage) au grand étonnement de plusieurs (moi inclus).

Ce sera la perspective idéologique du début de la prochaine révolution chinoise. Voir les très intéressants articles sur la Chine ainsi que leur analyse qui publient les Grant/woods. En anglais malheureusement.

Stupéfiant de lire ça ..
d 'abord , nous n 'étions pas sur place . Donc , comment le convive peut aussi allégrement , juger et trancher ..

" la bande des quatre " Voila une terminologie qui traduisait la lutte de fractions de l 'appareil .. et qui sent la vindicte , non pas l 'analyse

Parler de" processus" ? Facile .. sauf que ça peut durer à l 'infini et j 'appelle ça du graduallisme , pas de la lutte de classe ..

Enfin , que diable , l 'utilisation de la petite bougeoisie intellectuelle a une signification ou je me pend !

Dernier point !: que fait notre Convive des exactions des " brigades rouges " , très culturel , ce terrorisme intellectuel ou terrorisme tout court, très "révolutionnaire " de s 'en prendre aux profs , aux arts , entre autres , à tout ce qui relève de la culture de la vraie et non pas la caricature qu'en ont donné avec leurs "art"" réaliste" , leur dazibao , leurs outrances .. ces "gardes rouges" !
quijote
 
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