procès Saddam

Message par Serp i Molot » 03 Fév 2006, 13:37

a écrit :Le procès de Saddam, justice coloniale

Le procès de Saddam Hussein, qui s’est ouvert à grand renfort de publicité internationale, constitue une tentative désespérée de justifier et de conférer quelque légitimité à l’invasion et l’occupation criminelles de l’Irak par les États-Unis. Ces efforts tendent à criminaliser et diviser la résistance à l’occupation et n’ont rien à voir avec la justice ou la vérité.
Toutes les forces politiques qui, au niveau international, se sont opposées à cette guerre américaine de quinze années contre l’Irak – avec les sanctions qui ont affamé la population, sans oublier les bombardements et l’invasion – devraient également s’opposer à toutes les tentatives visant à justifier la poursuite de l’occupation, y compris le présent procès de l’ancien dirigeant irakien et de sept membres de son gouvernement.
Sans tenir compte du large éventail de considérations politiques sur les caractéristiques du gouvernement de Saddam Hussein, il est essentiel de s’opposer à la justification de cette guerre par les Américains. Se taire à ce propos ne fait qu’apporter du crédit au faux tribunal instauré par les États-Unis dans ce gigantesque centre de commandement qu’est la fameuse Zone verte. Le gouvernement américain n’a le droit, en Irak, ni d’imposer un gouvernement colonial ni d’installer quelque tribunal que ce soit. Pas plus qu’il n’a le droit de décider du sort de Saddam Hussein ou de contrôler le pétrole et les ressources de l’Irak.
La détention de Saddam Hussein et de ses coaccusés, de même que celle de dizaines de milliers d’autres Irakiens, repose tout entière sur une guerre illégale et criminelle d’agression. Le Tribunal spécial pour l’Irak et le procès de Saddam Hussein constituent également une violation des lois internationales. La Convention de Genève, dont Washington est l’un des signataires, interdit explicitement à une puissance occupante d’instaurer des tribunaux. En outre, le procès même, ainsi que l’isolement complet dans lequel se trouvent les accusés et le refus d’accorder la moindre visite et de respecter les droits juridiques, représentent une violation de la Convention internationale sur les droits civils et politiques.
Les avocats de la défense qui se sont présentés ont subi menaces et intimidations. Deux avocats de l’équipe chargée de la défense ont déjà été assassinés. Aujourd’hui, en Irak, il n’y a pas de système judiciaire. Pas plus qu’il n’y a de codes, de lois, de tribunaux. Ni d’accord sur la constitution. La totalité de la structure de l’État irakien a été détruite. En lieu et place n’existe que la forme la plus brutale d’une domination essentiellement militaire.
Dès sa création, le Tribunal spécial pour l’Irak a été illégal. C’est une création de l’Américain L. Paul Bremer III, ancien chef de l’Autorité provisoire de la coalition – le pouvoir occupant illégal. Bremer avait commencé par désigner Salem Chalabi, le neveu du vice-Premier ministre irakien Ahmad Chalabi, afin qu’il organise et dirige ce tribunal.
Chalabi a quitté son exil en avril 2003 pour regagner l’Irak avec l’aide des chars américain. Il a ouvert un bureau juridique afin de rédiger les nouvelles lois qui ont réouvert l’Irak aux capitaux étrangers et ce, en collaboration avec la société juridique de l’ancien sous-secrétaire à la Défense Douglas Feith, un profiteur de guerre, un idéologue de la cabale Bush-Cheney-Rumsfeld et l’un des principaux architectes de la guerre. Bremer a également désigné les juges du tribunal. Financement et personnel sont totalement sous contrôle des forces américaines. Le Congrès des États-Unis a libéré 128 millions de dollars pour financer ce tribunal. Il va de soi que celui-ci ne s’est pas vu attribuer la moindre compétence sur le plan des crimes de guerre commis par les forces américaines lors de l’invasion et de l’occupation !

Le rôle de la diabolisation

Le procès en cours actuellement fait partie de l’effort soutenu par les États-Unis en vue de diaboliser totalement Saddam Hussein. Telle a été une composante essentielle des quinze années de guerre contre l’Irak. Inlassablement, la propagande américaine a présenté Saddam sous les traits d’un fou maléfique, d’un dictateur brutal et d’une menace pour la planète entière, à deux doigts d’utiliser à tout moment des armes nucléaires, chimiques ou biologiques. Il a été accusé d’avoir joué un rôle dans les attentats du 11 septembre et d’être associé à al-Qaïda.
Tant les républicains que les démocrates savaient qu’il s’agissait d’une supercherie. Les bombes américaines ont détruit entièrement les capacités industrielles de l’Irak. Mais pas un seul politicien n’a fait mine de vouloir protester contre cette diabolisation.
Chacune des guerres des États-Unis contre des nations et des peuples opprimés a débuté en saturant l’ensemble de la population civile d’une propagande de guerre qui a tellement diabolisé le dirigeant de la population visée que le moindre crime a fini par être perçu comme acceptable, sans qu’il soit besoin de le remettre sur le tapis. Il en est ainsi depuis les guerres contre les nations amérindiennes et la diabolisation des Sitting Bull, Crazy Horse, Geronimo et bien d’autres chefs amérindiens, et le processus s’est poursuivi avec les dirigeants de toute lutte progressiste ou révolutionnaire de ces 50 dernières années.
Qu’importe que ce dirigeant soit modéré ou partisan de la non-violence. Prenons le cas de l’ancien prêtre que l’on a kidnappé, le président Jean-Bertrand Aristide, de Haïti. On a accusé cet homme de corruption, de trafic de drogue et de violences organisées. Aujourd’hui, le président Hugo Chávez du Venezuela et le président Mahmoud Ahmadinejad de l’Iran sont décrits de même comme des fous dangereux, des dictateurs, des réincarnations du mal.
Depuis l’époque de l’Empire romain, la justice du vainqueur n’a cessé d’humilier, d’avilir les dirigeants vaincus et de les traîner sur le banc d’opprobre afin d’établir un ordre nouveau. Elle cache en elle la brutalité de la force toute-puissante et elle confère leur légitimité aux nouveaux dirigeants.
Les procès de Denmark Vesey et de Nat Turner dans le Sud d’avant la guerre de Sécession ont illustré la façon dont les propriétaires d’esclaves masquaient la violence et la brutalité avilissante de l’esclavage derrière des droits de propriété de type « divin ». L’enlèvement et le procès du président yougoslave Slobodan Milosevic, après 78 jours de bombardements sur la Yougoslavie des œuvres des États-Unis et de l’Otan, au cours desquels des centaines de civils avaient été tués, constituait un cas semblable de justice du vainqueur.

Les Etats-Unis et les ADM (armes de destruction massive)

Alors que les États-Unis diabolisent Saddam Hussein, il conviendrait de se rappeler que le Pentagone a utilisé des armes de destruction massive, non seulement en Irak, mais également contre d’innombrables autres populations sans défense, de la Corée aux Philippines, en passant par le Vietnam, le Laos, le Cambodge, le Nicaragua, Grenade, la Libye, le Liban et la Yougoslavie. C’est la machine de guerre américaine qu’il faudrait avant tout traîner devant les juges pour avoir utilisé les armes les plus horrifiantes : la bombe atomique, le napalm, le phosphore blanc, les armes antipersonnel, les bunker-busters (perce-bunkers) et les armes radioactives à l’uranium appauvri.
En Irak, on a intentionnellement calculé, programmé, photographié et étudié de près les destructions civiles. C’est consciemment, qu’on a ciblé les infrastructures. Les réservoirs, les stations d’épuration, les sites de traitement des eaux usées, les stocks de chlore et les stations de pompage des eaux, tout cela a été bombardé. Les réseaux de l’électricité et des communications ont été détruits. La production alimentaire a été visée, depuis l’irrigation, les fertilisants, les pesticides, jusqu’aux industries de transformation, la réfrigération, les entrepôts. Lors des bombardements de 1991, plus de 150 000 Irakiens ont perdu la vie. Du côté américain, 156 soldats ont été tués.
Année après année, des délégations internationales se sont rendues en Irak, y compris bon nombre organisées par l’International Action Center (IAC) et dirigées par l’ancien attorney général des États-Unis, Ramsey Clark, et ces délégations ont rédigé des rapports sur l’impact des bombardements de 1991 et des années de sanctions imposées par les États-Unis et les Nations unies. Ces sanctions ont provoqué une famine artificielle et ont barré les importations de nourriture, de médicaments et de produits de première nécessité pour la population civile.
Selon les propres estimations des Nations unies, plus d’un million et demi d’Irakiens sont morts de maladies faciles à prévenir. Un demi-million d’enfants de moins de cinq ans sont morts entre 1991 et 1996. Tant les sanctions que les bombardements, initiés sous George H. W. Bush (père), se sont poursuivis au cours des huit années de l’administration Clinton. Les bombardements américains se sont répétés 12 années durant, au rythme moyen de 25 raids par jour.
En sa qualité de conseiller juridique de Saddam Hussein, Ramsey Clark, fondateur de l’IAC, a courageusement remis en question la légitimité et la légalité du Tribunal spécial pour l’Irak.
En tant que juriste international spécialisé dans les droits de l’homme, la position de Ramsey Clark est en concordance parfaite avec ses quinze années d’opposition à la guerre des États-Unis contre l’Irak – et ce, depuis sa visite de 1991 en Irak, à l’époque où les Américains avaient lancé des bombes toutes les 30 secondes et durant six semaines entières, puis tout au long des 12 années de sanctions visant à affamer le pays, jusqu’au moment où il s’est encore opposé à l’invasion de 2003. Cette prise de position concorde également avec son opposition de principe aux autres guerres et interventions américaines au Vietnam, au Nicaragua, à Grenade, en Iran, en Libye, au Liban et à Panama.
Se dresser contre la diabolisation participe de la même démarche que se dresser contre la guerre des États-Unis et sa machine de propagande.

La cible n’est autre que la souveraineté irakienne

Les agents de l’impérialisme américain ont installé des dictatures corrompues et brutales, entraîné et financé le pouvoir de l’armée d’un bout à l’autre du globe – de l’Indonésie au Chili, en passant par le Congo.
Leur problème, avec Saddam Hussein, ce n’est pas qu’il ait été un dictateur. Mais qu’il a refusé de renoncer à la souveraineté de l’Irak. Il a refusé de céder aux sociétés américaines le contrôle du pétrole irakien, nationalisé au début des années 60. Son pire crime, à leurs yeux, c’est d’avoir refusé de se soumettre au nouvel ordre mondial.
Ce sont Bush, Cheney, Rumsfeld et Blair qui devraient être sur le banc des accusés pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Le mouvement mondial qui s’oppose à l’occupation américaine de l’Irak doit sérieusement peser sa responsabilité et s’opposer au moindre aspect de la guerre menée par les États-Unis – et plus particulièrement à propos des faux tribunaux et des mises en scène électorales qui cherchent à légitimer et légaliser ces actes de piraterie. Ce qui est implicite aujourd’hui dans l’appel en vue de ramener les troupes dans leurs foyers, c’est que l’exigence interpelle tout le processus de recolonisation brutale. Cela signifie ni plus ni moins que l’annulation de tous les contrats des sociétés qui ont privatisé et pillé les ressources irakiennes, la fermeture des centaines de bases américaines et des milliers de points de contrôle américains, l’annulation des missions « search & destroy » (chercher et supprimer) et la fermeture des prisons secrètes où l’on torture et humilie des dizaines de milliers d’Irakiens.
Et, tant qu’on y est, la fermeture des tribunaux illégaux instaurés par les États-Unis.

Sarah Flounders
Serp i Molot
 
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Message par Serp i Molot » 03 Fév 2006, 13:39

a écrit :Irak : « La résistance grandit de jour en jour ».


Subhi Toma, qui a connu l’emprisonnement durant le règne de Saddam Hussein, n’a pas accepté que les Etats-Unis aillent renverser les autorités de son pays. Il se bat aujourd’hui pour réclamer le départ des troupes d’occupation, alerter l’opinion sur les graves violations des droits humains et appeler le monde à soutenir la résistance patriotique irakienne. S.C.

S.C.- Les Irakiens ont-ils tout perdu ?

Subhi Toma : Oui, ils ont tout perdu. Leur pays est dans une situation effroyable. La majorité des Irakiens ressentent cette guerre comme un crime abominable. Un crime qui a détruit une nation, démantelé un pays, la Mésopotamie dont ils étaient si fiers. Il n’y a plus d’Etat, il n’y a plus rien. Les Américains ont réduit la Mésopotamie à un magma de tribus, de milices, de communautés religieuses, ils ont démantelé les structures de l’Etat, réduit à néant l’administration. Il y a des maladies que les Irakiens ne peuvent plus soigner, alors qu’avant il y avait en Irak un système de santé très performant. Les médecins sont assassinés, contraints de s’exiler. Les gens n’ont plus accès qu’à 4 heures d’électricité par jour. L’environnement a été totalement pollué par l’usage, par l’armée anglo-américaine, d’armes interdites, comme l’uranium appauvri, les bombes au phosphore blanc. Les stations d’épuration ont été bombardées et seulement 40 % de l’eau est encore potable. L’occupation a jeté les enfants dans la rue. 40 % des enfants irakiens ne fréquentent plus l’école. Ils sont exposés à toutes sortes d’abus, surtout aux abords des bases américaines, où les soldats ont amené drogues et prostitution.

S.C.- Etes-vous retourné en Irak ?

Subhi Toma : Je suis entré en Irak le 3 mai 2003. Bagdad venait d’essuyer trois semaines de bombardements. Le 1er mai Bush a déclaré : « Voilà la guerre est finie ». J’ai vu des bandes de pilleurs s’attaquer aux banques. C’était des gangs d’Arabes de toutes origines qui avaient été entraînés dans des bases militaires américaines - en Hongrie, en Roumanie, en Pologne - et que l’armée avait embarqués en Irak à cet effet. J’ai vu les soldats qui depuis les tanks leurs faisaient des signes pour les encourager à continuer d’aller piller et casser. C’est ainsi qu’ils ont pillé tous les trésors dans les musées, vidé tous les coffres de banques. Ce que je vous raconte, d’autres que moi l’on vu, l’ont rapporté, je n’invente rien.

S.C.- Ce sont ces bandes que les télévisions ont montrées en train de s’attaquer aux symboles du régime de Saddam Hussein pour nous faire croire qu’il y avait des Irakiens qui applaudissaient l’arrivée des troupes américaines ?

Subhi Toma : Ce sont ces gangs qui ont démantelé toutes les usines, renvoyé l’Irak à l’âge préindustriel. L’Irak était un pays industrialisé ; dans les années 70 il était parmi les pays du sud émergents. L’usine de Massara qui produisait 30% des médicaments à l’usage des Irakiens, a été vendue en pièces détachées aux Jordaniens et aux Koweitiens. Aujourd’hui 80 % des Irakiens n’ont plus d’emploi. 55 % entre 18 et 55 ans, sont au chômage. Le seul emploi qui leur reste est de s’enrôler comme mercenaires auprès des politiciens Kurdes, Chiites et les armées occupantes. Outre les mercenaires arabes, il y a actuellement 50'000 mercenaires Français, Allemands, Anglais, Polonais, Roumains, latino américains, formés par les Américains pour travailler dans ces « armées privées ».

S.C.- Qui sont les poseurs des bombes qui ensanglantent le pays ?

Subhi Toma : Nous pensons que tous les attentats qui visent les mosquées, les écoles, les marchés, sont imputables à ces mercenaires. Les attaques de la résistance patriotique visent les troupes d’occupation et les Irakiens qui collaborent avec elles La résistance est constituée de soldats et d’officiers de l’armée de Saddam Hussein.

S.C.- Chez nous, les médias ne parlent pas de résistance mais d’Al Quaida et de Zarkaoui !

Subhi Toma : Qui est derrière le nom d’Al Quaida ? Qui est Zarkaoui et où est-il ? Quel est le service secret qui agit en utilisant son nom ? Nous pensons que Zarkaoui n’existe pas. Les gangsters qui commettent ces attentats pour des services secrets occidentaux ont un salaire mensuel de 5 000 dollars. L’objectif de ces massacres est de faire croire à l’opinion que ceux qui résistent en Irak sont « des barbares » et que les Américains sont en Irak pour protéger les Irakiens. Et pour fabriquer ces « barbares », Bush a envoyé l’ambassadeur Negroponte en Irak et l’a chargé de former ces escadrons de la mort. C’était Negroponte lui-même qui avait été envoyé en Amérique centrale pour organiser les escadrons qui ont entraîné la mort de dizaines de milliers de personnes. Ces milices privées sont là pour commettre des actes barbares que les occupants attribuent ensuite à la résistance patriotique pour la discréditer et diviser les Irakiens.

S.C.- Pourquoi la résistance ne dément-elle pas ?

Subhi Toma : Il y a chaque jour des communiqués de la résistance, diffusés via Internet, qui dénoncent les massacres de civils qu’ils attribuent aux services spéciaux liés à l’occupation. Mais les médias occidentaux n’en parlent pas.

S.C.- Il n’en demeure pas moins difficile d’expliquer que des Etats démocratiques puissent financer des groupes pour massacrer des innocents !

Subhi Toma : Pourquoi est-ce difficile ? Il est devenu parfaitement clair que des services secrets d’Etats occidentaux infiltrent et manipulent des groupes locaux pour leur faire faire ce qu’ils appellent « le sale boulot ». C’est la démarche du colonialisme. C’est de la barbarie. Les Etats-Unis veulent faire croire que les résistants irakiens sont des tarés. Ils ont fait la même chose au Vietnam. La force des Etats-Unis réside dans le fait que leur propagande passe dans les médias et que leurs atrocités sont acceptées par l’opinion. Leur démocratie est une véritable escroquerie. Leurs actes dégoûtent les Irakiens de la démocratie. Aujourd’hui tout le monde sait que les services secrets américains avaient organisé en 1973 le coup d’Etat qui avait porté Pinochet au pouvoir au Chili. Au Vietnam avec l’opération Phénix, l’armée américaine a coupé la tête de paysans vietnamiens et les a ensuite exposés aux photographes pour faire croire au monde que les résistants communistes étaient des barbares. C’est la même stratégie. Pourquoi serait-il difficile de croire que les Etats-Unis et la Grande Bretagne fomentent ce même genre d’atrocités pour justifier leur agression en Irak et faire croire qu’il n’y a pas de résistance, qu’il n’y a que des « terroristes » ?

S.C.- Le fait que l’Irak est dévasté et le peuple ruiné ne semble pas affecter Bush. N’a-t-il pas déclaré à mi décembre que son armée est en train de gagner ?!

Subhi Toma : Si nous avons tout perdu, eux ils n’ont pas gagné. C’est terrible, c’est terrible. L’Irak était un pays moderne, organisé et structuré. Un pays sécularisé. En 1930 il y avait des femmes juges, en 1950 des femmes ministres. Ils en ont fait un désastre…ce n’est plus un pays. Toutes les provinces sont dévastées, soumises à des bombardements depuis trois ans. Ils ont tout détruit. Mais ils n’ont pas réussi à atteindre leurs objectifs. Paul Wolfowitz, un des douze architectes de « la guerre préventive », disait que l’armée américaine avait atteint un niveau de compétence technologique qui permettait aux Etats-Unis de mener plusieurs guerres en même temps. Avec l’Irak, ils ont connu un revers total. Leur stratégie d’envoyer des troupes et des chars est un échec. Ils ne feront plus jamais la même erreur. Ils ne pourront plus occuper l’Iran ni la Syrie.

S.C.- N’ont-ils réalisé aucun de leurs objectifs ?

Subhi Toma : Economiquement ils n’ont pas rentabilisé ce qu’ils ont investi. Ils n’ont pas encore signé le contrat pour exploiter le pétrole. Et ils se retrouvent avec 30’000 à 40'000 tués et blessés. Nous croyons que les Etats-Unis vont perdre la guerre, qu’ils sont aujourd’hui otages de cette guerre. Toutes leur manœuvres politiques – élections, Constitution - visent à installer un gouvernement local qui sera prêt à signer les contrats et à leur confier l’exploitation du pétrole et du gaz irakien, à accepter qu’il y ait des bases militaires américaines en Irak, pour contrôler 80 % du Moyen-Orient. S’ils obtiennent cela ils vont partir.

S.C.- N’y a-t-il pas un gagnant, tout de même, Israël qui a toujours affiché sa volonté d’affaiblir l’Irak ?

Subhi Toma : Oui, on peut dire qu’Israël est stratégiquement gagnant. Il n’acceptait pas l’existence d’un Etat organisé comme l’Irak. Il y a des Israéliens qui sont présents en Irak sous diverses formes. Il se peut qu’Israël ait atteint un de ses objectifs. Mais ce qu’Israël fait au Moyen-Orient - s’imposer par la brutalité et le mépris - n’est pas une solution. Cinquante ans de coercition contre les Palestiniens, n’ont pas réussi à en finir avec eux. Et cela ne marchera pas non plus avec les Irakiens. Tant que cette logique de guerre prévaut, nous allons tous souffrir, car cela dépasse le cadre du Moyen-Orient.

S.C.- Cette guerre aurait-elle été possible si les dirigeants arabes avaient fait front pour la condamner? En la facilitant n’ont-ils pas participé à l’oppression de leurs peuples ?

Subhi Toma : Bien sûr. Lorsqu’il y a un désastre de cette importance il n’y a pas qu’un seul facteur. La dégénérescence des régimes arabes a abouti à cela. Je suis tout à fait d’accord. Ces régimes arabes sont les alliés stratégiques des Etats-Unis.

S.C.- La soumission des leaders arabes à Washington ne se retournera-t-elle pas contre eux ? Leurs peuples ne se vengeront-ils pas ? Et vous, que ressentez-vous ?

Subhi Toma : Il y a une pensée orientale qui dit : « Si la bêtise gifle l’intelligence il ne faut pas que l’intelligence se comporte comme la bêtise ». La haine n’apporte pas de solution. Nous devons œuvrer pour amener l’Occident à avoir une attitude d’égalité avec nous. Si ce n’est pas cela, alors c’est l’idéologie de la violence.

S.C.- Comment ces victimes de la guerre que l’Occident a humiliées, atteintes dans leur dignité, vont-elles pouvoir se relever ?

Subhi Toma : Quand j’étais là bas, j’ai vu dans la rue les soldats américains frapper des Irakiens, les jeter au sol, les écraser de leurs bottes, les encagouler avec des sacs de plastique. J’ai compris que, par ces actes humiliants et brutaux, les Américains étaient en train de pousser les Irakiens à la résistance. Je reviens de Damas. Les Syriens sont, eux aussi, désespérés. J’ai eu le sentiment qu’ils sont, comme vous le suggérez, profondément atteints par ces humiliations permanentes des Etats-Unis et d’Israël. Ils sont convaincus que leur tour va venir et qu’ils doivent se préparer à résister.

S.C.- Il est difficile de se convaincre – malgré ce que vous venez d’étayer - qu’il y a en Irak une résistance bien organisée. Si tel était le cas pourquoi les Irakiens auraient-ils participé aussi massivement à des élections servant les intérêts de l’occupation ?

Subhi Toma : Les dirigeants irakiens savaient que face aux bombardements, ils ne pouvaient pas tenir. Mais ils savaient qu’une fois que les troupes américaines entreraient dans les villes, les choses se compliqueraient pour elles. La résistance grandit de jour en jour. Les engins artisanaux que les Irakiens utilisent contre les chars américains tuaient au début un soldat par jour, maintenant cinq. S’il n’y avait pas une résistance forte, pourquoi, malgré leur ampleur les troupes américaines, ne sont-elles pas arrivées en trois ans à limiter les attaques ? C’est la preuve qu’il y a un soutien populaire à la résistance. L’Irak est un pays vaste. La population est épuisée mais elle a encore un potentiel. Quant aux élections, a participation des Chiites et des Kurdes était acquise. Il y a eu l’idée, aussi, que de contribuer au processus politique pouvait contribuer à accélérer le départ des Américains. La résistance n’est pas seulement armée, elle est aussi politique.

S.C.- Quand Bernard Kouchner attribuait encore récemment à Saddam Hussein la mort de 2,5 millions d’Irakiens dit-il la vérité ?

Subhi Toma : Non. Il y avait une répression politique qui éliminait ses opposants politiques. J’ai fait de la prison en Irak. J’ai été torturé. Je peux comparer ce qui se passait sous Saddam Hussein avec ce qui se passe aujourd’hui. Monsieur Bernard Kouchner exagère les crimes de Saddam Hussein, amplifie ses défauts, pour justifier son adhésion à l’embargo et à la guerre abominable des Etats-Unis. Monsieur Kouchner et ses amis de gauche ont soutenu l’embargo qui a causé la mort d’un demi-million d’enfants et ruiné toute la société. Pour justifier sa participation à un tel crime Monsieur Kouchner continue de faire de Saddam Hussein un personnage bien plus monstrueux qu’il n’était.

S.C.- Voulez-vous dire que les troupes américaines en Irak commettent des actes bien plus abominables que du temps de Saddam Hussein ?

Subhi Toma : Bien sûr. Ce qui se passait sous Saddam Hussein, quantité de régimes latino américains l’ont fait. C’était aux Irakiens de régler leurs problèmes. Cela ne pouvait justifier d’aller détruire un pays, un peuple. Tous ceux qui voulaient que cette guerre se fasse ont menti. Ils se sont servis de la religion pour diviser les Irakiens. Ils ont prétendu que le régime de Saddam Hussein était contre les Chiites. Comment Saddam pouvait-il être l’ennemi des Chiites alors que 80 % des membres du parti Baath et de l’armée irakienne étaient Chiites ? Autre exemple : sur les 55 personnalités dont la tête a été mise à prix par les Etats-Unis, 35 d’entre-elles étaient Chiites ! Faire croire que les Chiites étaient les victimes de Saddam est une escroquerie.

S.C.- Quand, dans les années quatre vingt-dix, des politiciens progressistes appelaient à intervenir, au nom du « droit d’ingérence humanitaire » dans la partie Kurde de l’Irak, n’ouvrait-ils pas la porte à la guerre ?

Subhi Toma : Le droit d’ingérence humanitaire était une proposition douteuse. Le ministre des affaires étrangères Hubert Védrine avait reconnu que ce « droit d’ingérence » était une nouvelle forme de colonisation. Je suis allé en Irak durant l’embargo. J’ai vu les enfants mourir. Quand j’ai vu des démocrates soutenir l’embargo, j’ai alors pris conscience que la politique et la démocratie n’étaient pas cette chose noble que je croyais ; j’ai compris que tous ces politiciens – tous partis confondus - qui ne faisaient rien pour empêcher l’embargo, participaient à un crime impardonnable. On pouvait éviter la guerre. Les promoteurs de la guerre avaient un parti pris. Ce n’était ni le parti de la paix ni de la démocratie. Quand on leur demandait de faire un geste en faveur des enfants irakiens qui mouraient à cause de l’embargo, ces « démocrates » répondaient : « Nous aiderons les démocrates ». Comment peut-on demander à des victimes si elles sont démocrates ?

S.C.- Faut-il considérer les responsables politiques et médiatiques qui ont appuyé cette guerre, complices de crimes ?

Subhi Toma : Bien sûr. Il y a participation active, il y a participation passive. Je pense que tous ceux qui ont justifié l’embargo et soutenu la guerre contre le peuple irakien ont participé d’une façon ou d’une autre aux crimes contre le peuple irakien.
Serp i Molot
 
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