La face cachée du "Monde"

Rien n'est hors-sujet ici, sauf si ça parle de politique

Message par tristana » 25 Fév 2003, 09:37

(rojo @ mercredi 19 février 2003 à 23:37 a écrit :Et Plenel à un parcours interessant, et il tutoie certains camarades ...

J'entends souvent, cahin caha, que Plenel est une ordure, et je ne comprends pas du tout pourquoi, j'ai peut être loupé un épisode, vivant loin des mondainités parisiennes...
En revanche, j'ai lu son bouquin, et je l'ai trouvé très bon.
Jusqu'à présent, je ne considérais pas le camarade Plenel comme un renégat, style Geismar, Dray, Weber, Field, et consorts.
Quelqu'un peut-il me faire changer d'avis?
En attendant, longue vie au camarade Plenel!
tristana
 
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Message par ianovka » 25 Fév 2003, 13:09

La riposte n'a pas tardé :

a écrit :La direction du Monde dénonce
un "livre-réquisitoire"


Edwy Plenel, directeur de la rédaction du Monde, répond aux accusations du livre de Pierre Péan  et Philippe Cohen, et annonce que "la justice sera saisie".
De son côté, l'association Beuve-Méry regrette que le débat sur l'évolution du journal n'ait toujours pas été ouvert au sein de celui-ci.


 
Le journal Le Monde répond, dans son édition datée mercredi 26 février, aux attaques contenues dans le livre de Pierre Péan et Philippe Cohen "La Face cachée du Monde", en le qualifiant de "livre-réquisitoire", habité par la "haine", dont "évidemment la justice sera saisie".
"Qu'il s'agisse de la vie interne du Monde, de sa diffusion, de ses comptes, de ses relations avec les partenaires économiques ou sociaux, des fréquentations ou du train de vie de ses dirigeants, le livre accumule erreurs, mensonges, diffamations et calomnies -dont évidemment la justice sera saisie", écrit Edwy Plenel, directeur des rédactions du groupe dans un long article intérieur.
En encadré, le journal affirme qu'"attaché à une large liberté d'expression", il se refuse à une procédure de référé d'heure en heure. Mais il "a demandé à ses avocats d'engager des poursuites sur les diffamations les plus flagrantes au nom du Monde, de Jean-Marie Combani, d'Alain Minc et d'Edwy Plenel.
"Elles devraient viser les deux auteurs, les éditions Mille et une nuits, l'éditeur Claude Durand, L'Express et son directeur Denis Jeambar".

"Une menace pour la démocratie"

Un appel en Une, intitulé "Le Monde menace-t-il la France?", estime que ce livre vise à "mettre en évidence que Le Monde est une menace pour la démocratie et la France".
Un éditorial, par tradition anonyme, affirme que "la critique du Monde n'est pas seulement légitime, mais elle est bienvenue", mais que "la haine habite le livre" qui lui est consacré.
Une chronique titrée "Fierté" de Pierre Georges, qui a connu "cinq directeurs", complète cette réponse: "Des milliers de chroniques et des milliers de réunions me permettent d'affirmer que ce journal, s'il n'est pas toujours admirable ou infaillible, loin de là, n'est pas plus la dictature décrite d'une rédaction aux ordres que l'imposture débusquée dans un livre colportant à pleins égouts la leptospirose du temps".
L'ouvrage a provoqué une réunion de la Société des Rédacteurs, qui se tiendra mercredi, jour de la parution du livre.

L'Association Beuve-Méry , "touchée" et "navrée"

François Soulage, président de l'Association Hubert Beuve-Méry, s'est dit lundi "touché" par le contenu des extraits du livre de Pierre Péan et Philippe Cohen "La Face cachée du Monde", parus dans L'Express, et "navré" par les imprécisions.
Précisant ne pas avoir lu l'ouvrage mais seulement L'Express, François Soulage a déclaré: "Nous sommes évidemment touchés par ce qui est dit dans ces extraits, étant les deuxièmes actionnaires de ce journal (11,77%), et nous sommes navrés des imprécisions, notamment sur le rôle qu'on nous fait jouer en 1994 (lors de l'avènement de Jean-Marie Colombani) qui a été fait en parfaite clarté".
En outre, M. Soulage n'est "pas d'accord du tout" sur la présentation des comptes, jugée opaque dans le livre. "Notre société n'est pas cotée, affirme-t-il. Les financeurs sont des financeurs internes, représentés au Conseil de surveillance. Nous avons toujours eu les informations mais qui n'ont pas été portées sur la place publique. Il y a eu transparence. Les 12,5 millions de pertes, je le sais depuis fort longtemps".

"Un journal de référence, ça se préserve"

"Il y a indiscutablement un débat qui n'est pas nouveau sur Le Monde, sur ce qu'il est devenu au fil des années", poursuit François Soulage. "Si ce livre permet de développer un débat qui peut-être n'a jamais eu lieu, on y sera présent".
"Nous avions attiré l'attention du journal en disant : 'attention, à une certaine dérive grand public'. Un journal de référence, ça se préserve. Le débat n'a pas eu lieu", ajoute-t-il.
"Si à la lecture du livre, des choses nous paraissent poser problème, nos premiers interlocuteurs seront la direction mais aussi nos partenaires traditionnels de la Société des Rédacteurs", poursuit François Soulage.
"C'est à eux que nous ferons nos remarques et c'est avec eux, que nous réagirons", affirme-t-il.
L'Assocation Beuve-Méry, du nom du fondateur historique du Monde, regroupe quinzepersonnes ayant "pris la suite des fondateurs quand ceux-ci se sont retirés". Elle s'est réunie lundi à Paris au sujet du livre de Pierre Péan et de Philippe Cohen. Elle est convenue de se revoir "dans une huitaine de jours", face à cette "offensive qui ne nous fait pas plaisir".

Des remous à L'Express

La publication de bonnes feuilles de "La face cachée du Monde", n'a pas été sans provoquer quelques remous colatéraux au sein de la rédaction de L'Express.
Vincent Hugeux, président de la société des rédacteurs, a en effet regretté, dans un communiqué diffusé en interne, le fait qu'un cahier publi-rédactionnel consacré au Congo soit inséré au beau milieu des bonnes feuilles en question dont l'objet consistait, entre autres choses, à mettre les dirigeants du Monde le nez dans leurs contradictions déontologiques.
Pour mieux comprendre, on indiquera que, pour des raisons... déontologiques, les rédactions n'aiment guère les "publi-rédactionnels", textes présentés sous une typographie et une maquette d'allures journalistiques mais en réalité commandités et payés par des annonceurs.
"Le capital est une force internationale. Il faut, pour la vaincre, l'union internationale, la fraternité internationale des ouvriers." Lénine
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Message par emma-louise » 25 Fév 2003, 13:52

(tristana @ mardi 25 février 2003 à 10:37 a écrit :
(rojo @ mercredi 19 février 2003 à 23:37 a écrit :Et Plenel à un parcours interessant, et il tutoie certains camarades ...

J'entends souvent, cahin caha, que Plenel est une ordure, et je ne comprends pas du tout pourquoi, j'ai peut être loupé un épisode, vivant loin des mondainités parisiennes...
En revanche, j'ai lu son bouquin, et je l'ai trouvé très bon.
Jusqu'à présent, je ne considérais pas le camarade Plenel comme un renégat, style Geismar, Dray, Weber, Field, et consorts.
Quelqu'un peut-il me faire changer d'avis?
En attendant, longue vie au camarade Plenel!

:bounce: :bounce: :bounce: viva krasny!!! :bounce: :bounce: :bounce: bravo tristana! sachons surmonter nos désaccords passagers pour défendre inconditionnellement(ggg c'est dur à écrire!) notre Edwy :emb: :blink: :ph34r: :bounce: :sygus: :sygus: :sygus: :halalala: ben quoi on l'aime :wavey: :wavey: :wavey: :wavey: :wavey: Et en plus,c'est vrai! Emma-Louise
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Message par emma-louise » 25 Fév 2003, 13:57

OUI longue vie à Krasny , et Field? (jeunesse et révolution _ pitite coullection MASPERO) :-P plus sérieux OUI lisez "boléro" de Michelle Lesbre ( la LCR peut engendrer parfois de bonnes choses chez ses ex_ :roll:
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Message par emma-louise » 25 Fév 2003, 17:14

(tristana @ mardi 25 février 2003 à 10:37 a écrit :
(rojo @ mercredi 19 février 2003 à 23:37 a écrit :Et Plenel à un parcours interessant, et il tutoie certains camarades ...

J'entends souvent, cahin caha, que Plenel est une ordure, et je ne comprends pas du tout pourquoi, j'ai peut être loupé un épisode, vivant loin des mondainités parisiennes...
En revanche, j'ai lu son bouquin, et je l'ai trouvé très bon.
Jusqu'à présent, je ne considérais pas le camarade Plenel comme un renégat, style Geismar, Dray, Weber, Field, et consorts.
Quelqu'un peut-il me faire changer d'avis?
En attendant, longue vie au camarade Plenel!

Lequel as tu lu " l'épreuve" ( belle riposte littéraire à RDebray et les nouveaux républicains ) ou " secrets de jeunesse" ???...et puis avec ARollat " mourir à ouvéa"...qui n'a pas du plaire à l'honorable :06: " FMiittl'algériec'estlafrance" éclaboussé du sang des camarades kanak de la grotte et de celui d'Eloi Machoro ( "...là , fleurit le corail à la fleur vivante ,là nagent de grands poissons..." LouiseMichel ,légendes et chants de gestes canaques)
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Message par pelon » 25 Fév 2003, 17:27

la réponse de Plenel dans le monde:
a écrit :"Le Monde" est-il un danger pour la démocratie  ?
Dans "La Face cachée du "Monde"", Pierre Péan et Philippe Cohen entendent "dénoncer les méthodes" d'un journal tenté par "l'abus de pouvoir permanent". Ils s'en prennent surtout à son équipe dirigeante qui, selon eux, serait animée par "le dénigrement et la détestation de la France".
Il y a deux ans, deux journalistes, Pierre Péan et Philippe Cohen, ont séparément décidé d'écrire sur Le Monde. En septembre 2002, un éditeur, Claude Durand, les a convaincus de fusionner leurs manuscrits. Le résultat est un livre-réquisitoire, en librairie mercredi 26 février, une semaine après avoir été lancé par L'Express qui, jugeant le sujet de haute importance et d'extrême urgence, a avancé d'un jour sa date de parution, en a fait sa "une", a publié douze pages de bonnes feuilles et les a fait précéder d'un éditorial de son directeur, Denis Jeambar.

Ces extraits n'ont donné qu'un aperçu partiel d'un ouvrage de 634 pages dont la quatrième de couverture donne le ton : "Usant de son pouvoir d'intimidation, Le Monde a insidieusement glissé de son rôle de contre-pouvoir vers l'abus de pouvoir permanent... Le danger est devenu d'autant plus grand pour la démocratie que Le Monde bénéficie encore de l'aura de son passé et qu'il demeure un média influent, voire dominant..."

La Face cachée du "Monde" s'attache à mettre en évidence ce danger qui menace la démocratie française, un journal donc : Le Monde. MM. Péan et Cohen le confient dès l'introduction : là où d'autres, trop modérés ou circonspects, s'en tiennent, dans leurs critiques du Monde et de ses dirigeants, "au domaine des goûts et des idées", ils vont, eux, s'efforcer d'en "dénoncer les méthodes". Ils ne s'en tiendront pas à l'apparente réalité, ils dévoileront l'imposture cachée.

Et c'est peu dire que leur tableau est sombre. Là où les salariés et les lecteurs du Monde pensent être les acteurs ou les témoins d'une aventure collective, menée au nom du professionnalisme et de l'indépendance, ils n'ont trouvé que l'équipée d'un "redoutable trio", une "équipe dirigeante" qui n'est pas ce qu'elle prétend ou paraît être, qui n'est en rien ce qu'elle écrit, dit ou fait publiquement.

Ces trois hommes – Jean-Marie Colombani, directeur, président du directoire, Alain Minc, président du conseil de surveillance et de la Société des lecteurs, et le signataire de ces lignes, directeur de la rédaction – sont doubles, ils avancent masqués, ils cachent des secrets inavouables, ils servent des intérêts douteux, pis, "ils ne croient guère aux valeurs défendues dans les colonnes" du Monde. Ce sont des "pirates du journalisme", des voleurs d'héritage que Péan et Cohen accusent de leur avoir "subtilisé Le Monde", journal qui a "accompagné leur éducation civique et politique" et dans lequel ils confient tous deux "avoir rêvé de travailler".

Malgré des itinéraires différents, "le trio Colombani-Minc-Plenel" partagerait un goût du pouvoir pour le pouvoir au point de mettre Le Monde au service de ses intérêts plutôt que de la vérité. "L'imposture du "nouveau Monde", écrivent Péan et Cohen, n'est-elle pas justement d'abriter, derrière sa distance affichée à l'égard du pouvoir politique, un nihilisme d'époque, un cynisme refondateur dont le seul moteur serait l'accroissement de l'influence de ses dirigeants ?"

Irresponsable, en ce sens qu'il échapperait à tout contrôle – des divers actionnaires tout comme des salariés d'une entreprise dont ceux-ci sont pourtant l'actionnaire principal –, le "trio" aurait surtout fait du Monde le cheval de Troie d'une obsession que les deux auteurs ont tôt fait de démasquer : "le dénigrement et la détestation de la France".

Adhérant au "sansfrontiérisme du temps", il serait animé d'"une phobie foncière : celle de la France et de son Etat", "xénophilie" qu'illustrerait une politique éditoriale axée sur l'investigation et la révélation, caractérisée par l'obsession de "la malédiction nationale", notamment dans l'instruction des périodes qui "ont pour dénominateur commun de présenter l'Etat français sous son jour le plus défavorable", c'est-à-dire Vichy et la guerre d'Algérie. Bref, "ils n'aiment pas la France", comme l'indique le titre d'un chapitre qui ajoute : "... ni le monde, d'ailleurs", nos deux auteurs ne craignant pas l'incohérence en soupçonnant le même "trio" de "provincialisme" et d'"internationalisme factice", comme en témoignerait la place réduite faite dans nos colonnes à l'actualité mondiale – constat dont tout lecteur sensé aura mesuré la pertinence.

Le mot "trahison", asséné dès l'introduction pour résumer le propos du livre, n'est donc pas employé à la légère : en enquêtant sur ces trois hommes, il s'agit bien de démasquer une nouvelle figure de cette anti-France dont, pour ceux qui la fantasment, l'arme secrète a toujours été la duplicité. Celle d'Alain Minc est, dans leurs préjugés, tellement évidente que les auteurs ne s'y attardent guère : symbole du capital et de la finance mondialisés, le président de la Société des lecteurs du Monde ne serait pas pour rien dans le fait que "Le Monde adopte le point de vue des élites internationales". Aussi MM. Péan et Cohen vont-ils plutôt s'attacher à dévoiler chez les deux journalistes du "trio" les ressorts cachés de "leur francophobie latente ou explicite".

Portraituré en "Chirac du journalisme", homme de manœuvres et d'opportunités grâce auxquelles il serait passé "de l'état de "plumitif" à celui de manager", Jean-Marie Colombani est corse, et ne s'en cache pas. Pire qu'un crime, une faute : cette "dévorante passion corse", accusent les deux auteurs, a amené le directeur du Monde à "sacrifier" rien moins que "la déontologie professionnelle et le goût de la vérité". Sous sa direction, Le Monde aurait joué contre l'Etat français, légitimé des pratiques criminelles et, par des révélations inopportunes, permis à des assassins de se soustraire à la traque policière.

Il manquait cependant à ce verdict sans appel une circonstance aggravante, illustrant la fourberie foncière, voire héréditaire, du "trio". MM. Péan et Cohen l'ont dénichée dans des rapports de gendarmerie, transmis à la Sûreté au milieu des années 1930, sur le père de Jean-Marie Colombani, Jules Antoine. Sollicitant au-delà du raisonnable ces documents de vague et basse police, qui rapportent les convictions "irrédentistes" d'un jeune Corse très pauvre de 19 ans, parti poursuivre ses études dans un séminaire italien sur les conseils du curé de son village, ils en déduisent que Jules Colombani "a milité pour le rapprochement de la France avec l'Italie mussolinienne, manifestant même une coupable inclination pour le Duce au point de devenir un agent appointé de la Rome fasciste".

Le procès idéologique tourne au procès d'espionnage, et ce n'est qu'un début. Dirigé par le fils d'un "agent fasciste" d'hier, Le Mondeaurait aussi pour directeur de la rédaction un agent d'aujourd'hui, "pigiste pour la CIA". Recopiant sans précaution aucune la ligne de défense de certains des responsables de la "cellule de l'Elysée" sous François Mitterrand, poursuivis dans l'affaire des écoutes, dont l'auteur de cet article fut, parmi d'autres, la victime en 1985-1986, MM. Péan et Cohen s'appuient sur des confidences posthumes mises dans la bouche du président disparu.

Cette invention donne des phrases imagées : ""Tout cela, c'est Plenel !, s'écrie François Mitterrand depuis sa tombe. Il faudra tout de même un jour qu'on sache qui est vraiment ce M. Plenel... Il parlera moins haut quand on saura qu'il travaille pour une puissance étrangère."" Témoins tardifs de ces propos, cités par les auteurs : Gérard Colé, l'un des communicants de l'ancien président, ses deux fils, Jean-Christophe et Gilbert, et, surtout, Roland Dumas, qui affirme avoir entendu François Mitterrand lui dire : "J'ai la preuve qu'il s'agit d'un agent et que Le Monde est devenu un organisme de déstabilisation de notre République et de notre société". L'ancien ministre des affaires étrangères ajoute : "Je me demande si George Bush ne le lui avait pas dit en confidence."

Au Corse francophobe, fils d'un agent fasciste, on ajoutera donc un agent américano-trotskiste, les deux auteurs ne se privant pas d'invoquer à charge la jeunesse trotskiste trop connue du directeur de la rédaction du Monde. En cette matière, leur logique du soupçon les amène à ne pas changer de registre, celui de l'espionnage, de l'infiltration et du double jeu : avec l'embauche au Monde de l'intéressé, en 1980, "commence sans doute la plus importante opération d'"entrisme" de l'histoire du trotskisme français, conduite au sein de l'une des institutions françaises les plus influentes".

Pour terminer le tableau, ce procès policier ad hominem associe les deux généalogies familiales, celle de Jean-Marie Colombani et celle de son directeur de la rédaction, en croisant l'irrédentisme corse du père du premier et l'engagement anticolonialiste du père du second. Résultat, selon Pierre Péan et Philippe Cohen : "Si la France sait parfois unir ceux qui l'aiment ou simplement l'adoptent, elle sait aussi rassembler ceux qui la méprisent ou la combattent. Plenel comme Colombani, le guévariste et le démocrate-chrétien, paraissent unis par un même ressentiment à l'endroit d'un pays avec lequel leurs pères sont entrés en conflit. (...) Que leur francophobie soit aujourd'hui en phase avec la détestation d'une grande partie des élites françaises pour leur pays n'ôte rien à la responsabilité des deux hommes. Qu'il s'agisse de la guerre d'Algérie, de la mémoire de la seconde guerre mondiale, du racisme et de l'antisémitisme aujourd'hui, de la prégnance des idées d'extrême droite, ou encore de l'Europe, Le Monde, depuis une dizaine d'années, opte toujours pour l'interprétation la moins généreuse à l'égard de ce pays et de ses habitants."

Telle est, répétée à satiété, la thèse centrale de La Face cachée du "Monde", servie par un ton vindicatif. Sous la plume des auteurs, Le Monde n'est plus un journal – une collectivité humaine avec sa diversité et ses débats, ses forces et ses faiblesses –, mais un Etat dans l'Etat, qui plus est, un Etat "totalitaire", où la rédaction ne compte pas, mise au pas et réduite au silence, sans indépendance intellectuelle ni autonomie professionnelle.

Comparé à une "république mafieuse", Le Monde serait surtout "un mauvais rêve orwellien" ; il régnerait, "au sein de la rédaction, un climat de peur", sous la férule d'un "chef d'une police de la pensée"qui y sèmerait "l'inquiétude et la peur" ; et il leur faut confesser un "dissident" anonyme pour que la réalité soit enfin dévoilée : "Il y a au Monde toutes les caractéristiques de fonctionnement d'une institution totalitaire."

L'enquête, cette longue "investigation sur l'investigateur" dont se prévalent MM. Péan et Cohen et que cautionnent leurs promoteurs, Claude Durand et Denis Jeambar, est à la mesure de cet usage inconsidéré des mots et des concepts, à tel point qu'on en vient à douter de la réputation acquise en ce domaine par l'un des deux auteurs.

Qu'il s'agisse de la vie interne du Monde, de sa diffusion, de ses comptes, de ses relations avec ses partenaires économiques ou sociaux, des fréquentations ou du train de vie de ses dirigeants, leur livre accumule erreurs, mensonges, diffamations et calomnies – dont, évidemment, la justice sera saisie. Conversations "reconstituées" sur la foi d'un unique témoignage, sources, citations, voire entretiens entiers totalement anonymes, inexactitudes factuelles innombrables, compilation des mille bruits de couloirs qui accompagnent la vie d'une rédaction, interprétation systématiquement malveillante des actes les plus ordinaires de la vie d'une entreprise : on est loin des règles élémentaires de la "bonne foi" en matière d'enquête, fût-elle lourdement à charge.

Ce roman d'espionnage est une machine à discréditer, où l'animosité fait litière du sérieux. Son objectif est explicite : provoquer une crise interne au Monde (le livre s'ouvre par un rappel des crises des années 1970 et 1980, au cours desquelles Le Monde a failli sombrer) et empêcher qu'il ne réussisse à fédérer autour de lui un groupe de presse indépendant (l'ouvrage se termine par un appel aux rédactions des publications partenaires du Monde à résister à ce "dangereux prédateur").

Car, pour les auteurs, il ne fait pas de doute que ce journal est une "pieuvre" d'un nouveau genre, un "hypermédia" qui incarnerait "un tiers-état médiatique se substituant de plus en plus au suffrage populaire". La plus dangereuse des "pieuvres", insistent-ils : "Colombani, Plenel et Minc disposeront sous peu de l'armada médiatique sinon la plus puissante, du moins la plus influente, susceptible de renforcer l'impunité dont ils jouissent déjà."

On aura compris que le paradoxe de ce réquisitoire est qu'il est aussi un hommage à l'indépendance reconquise du Monde dont Pierre Péan et Philippe Cohen soulignent qu'il "n'a plus vraiment d'identité politique" et qu'il a "réussi à s'extraire du système". Mais, chargés de sonner l'alarme, ils ne sont pas à une contradiction près : cette réussite cacherait "un Enron à la française", et la stratégie de groupe serait une fuite en avant, permettant au Monde de "piller les autres journaux regroupés sous sa bannière" tout comme "la Rome antique vivait sur le dos des provinces conquises".

Et les auteurs de proposer une autre stratégie économique où, loin de se développer, l'entreprise Le Monde se concentrerait sur l'activité du seul quotidien qui aurait le grand tort de "vivre au-dessus de ses moyens". Aussi suggèrent-ils aux personnels du Monde, qui en sont actionnaires, "de réaliser au bas mot 15 % à 20 % d'économies sur nombre de dépenses, en sorte de remettre le quotidien sur de bons rails". En somme, une gestion que ne dédaignerait pas le libéralisme économique le plus sauvage et qui n'a pas grand rapport avec les valeurs sociales qui soudent cette entreprise.

"Le Monde hait beaucoup", affirment MM. Péan et Cohen. Pourquoi tant de haine ?, est-on tenté de leur retourner. Les contentieux personnels de chacun des trois auteurs – le troisième étant Claude Durand, éditeur-marieur des deux autres – avec Le Monde y ont sans doute leur part, tout comme l'animosité de certains cercles mitterrandistes ou la vindicte de milieux ultrasouverainistes. Mais ces explications, liées à d'authentiques différends ou divergences, ne sauraient justifier la violence de la charge où une large collectivité humaine est réduite au rang de marionnette de trois hommes – un Corse francophobe, un financier international, un trotskiste cosmopolite –, décrits comme des génies du mal, incarnations vivantes de la duplicité.

Dans l'histoire du Monde et des campagnes lancées contre lui, on ne trouve qu'un précédent similaire : les attaques contre le déjà "nouveau Monde" – c'est ainsi que ses ennemis l'appelaient – incarné par le désormais seul Hubert Beuve-Méry au début des années 1950, dont l'indépendance farouche dérangeait tous ceux qui avaient cru, un instant, avoir prise sur ce journal né en décembre 1944. On se rassurera donc en supposant que MM. Péan et Cohen se sont trompés d'époque. A moins que, emportés par leur passion, ils ne témoignent des dérives et des confusions de notre temps.

Edwy Plenel

La Face cachée du "Monde", Pierre Péan et Philippe Cohen, Mille et une nuits, 634 p., 24 euros.


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Des actions judiciaires sont en préparation


Attaché à une large liberté d'expression, Le Monde s'est refusé à engager contre l'ouvrage de Pierre Péan et Philippe Cohen une procédure en référé d'heure en heure qu'aurait pu justifier la gravité des atteintes à l'honneur et à la probité du journal et de ses dirigeants que contient leur livre.

Il a cependant demandé à ses avocats d'engager des poursuites sur les diffamations les plus flagrantes, au nom du Monde, de Jean-Marie Colombani, d'Alain Minc et d'Edwy Plenel. Elles devraient viser les deux auteurs, les éditions Mille et une nuits, l'éditeur Claude Durand, L'Express et son directeur, Denis Jeambar.

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 26.02.03
pelon
 
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Message par pelon » 25 Fév 2003, 17:34

Ca me donne envie de leur écrire pour leur témoigner toute ma solidarité:
a écrit :Là où les salariés et les lecteurs du Monde pensent être les acteurs ou les témoins d'une aventure collective, menée au nom du professionnalisme et de l'indépendance, ils n'ont trouvé que l'équipée d'un "redoutable trio", une "équipe dirigeante" qui n'est pas ce qu'elle prétend ou paraît être, qui n'est en rien ce qu'elle écrit, dit ou fait publiquement.


là où les militants et l'immense majorité des travailleurs voient une organisation révolutionnaire, Le Monde voit une "secte" dirigée "d'une main de fer" par un "gourou" autocrate qui règne "sans partage" sur des "petits soldats".

a écrit :Le Monde n'est plus un journal – une collectivité humaine avec sa diversité et ses débats, ses forces et ses faiblesses –, mais un Etat dans l'Etat, qui plus est, un Etat "totalitaire", où la rédaction ne compte pas, mise au pas et réduite au silence, sans indépendance intellectuelle ni autonomie professionnelle.

LO n'est plus une collectivité humaine avec sa diversité et ses débats, ses forces et ses faiblesses mais une organisation "totalitaire", où les militants comptent pas, mis au pas et réduits au silence, sans indépendance intellectuelle ni autonomie.


Et oui Edwy, les gens sont méchants des fois!!! :cry: :cry: :cry:
pelon
 
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