(nouvel Obs a écrit :Ianoukovitch refuse
de concéder sa défaite
Alors que Viktor Iouchtchenko, crédité de 52,01% des suffrages, fêtait lundi sa victoire à la présidentielle ukrainienne, le Premier ministre sortant, Viktor Ianoukovitch, affirme qu'il ne reconnaîtra "jamais une telle défaite, parce que la Constitution et les droits de l'homme ont été violés".
Une militante de l'opposition, lundi 27 décembre place de l'Indépendance (AP)
e chef de l'opposition Viktor Iouchtchenko fêtait lundi sa victoire décisive à l'issue du "troisième tour" de la présidentielle ukrainienne. Mais son adversaire, Viktor Ianoukovitch, a refusé de concéder sa défaite, annonçant son intention de contester les résultats du scrutin devant la Cour suprême, ce qui pourrait déclencher une nouvelle bataille juridique.
"Je ne reconnaîtrai jamais une telle défaite, parce que la Constitution et les droits de l'homme ont été violés dans notre pays et que des gens sont morts", a-t-il affirmé devant la presse à Kiev, faisant référence à huit personnes qui seraient mortes pendant l'élection.
5.000 réclamations
Il a précisé que son équipe de campagne avait près de 5.000 réclamations concernant la façon dont le troisième tour de dimanche s'était déroulé. Mais il a ajouté qu'il ne demanderait pas à ses partisans d'organiser des manifestations.
"Nous allons faire appel de la falsification du scrutin", a déclaré pour sa part le député Nestor Choufritch, un de ses alliés, en faisant état de diverses fraudes.
Parallèlement, le ministre ukrainien des Transports Heorhï Kirpa, qui soutenait Viktor Ianoukovitch, a été retrouvé mort lundi. Il pourrait avoir été tué par balles, mais il pourrait aussi s'être suicidé.
Selon des membres de l'opposition, Heorhï Kirpa, 58 ans, avait fait mettre en place des trains spéciaux pour acheminer des électeurs de Viktor Ianoukovitch jusqu'aux bureaux de vote lors du "premier" deuxième tour de l'élection.
Lundi, les tentes dressées par les partisans de Viktor Iouchtchenko sur la principale avenue de Kiev après le deuxième tour du 21 novembre, entaché de fraudes, et qui a ensuite été annulé, restaient en place. Ce qui semble montrer que ses partisans sont prêts à rester mobilisés en cas de nouvelles tensions.
Selon les résultats officiels portant sur 99,89% des bulletins dépouillés, Viktor Iouchtchenko a remporté 52,01% des suffrages, contre 44,18% au Premier ministre sortant Viktor Ianoukovitch, candidat du pouvoir et favori du Kremlin. La participation au scrutin est estimée à 77,2%.
Viktor Iouchtchenko, qui dispose de 2,3 millions de voix d'avance, ne peut plus être rattrapé: moins de 100.000 bulletins restaient à compter dans 75 bureaux de vote. Une fois que la commission électorale a dévoilé ses premiers résultats officiels, les deux candidats ont sept jours pour faire appel.
Viktor Iouchtchenko a félicité ses partisans pour leur mobilisation au cours des journées de la "révolution orange", notamment pour avoir passé, pour certains, plusieurs semaines à camper dans les rues de la capitale malgré le froid.
12.000 observateurs
Quelque 12.000 observateurs au total étaient présents en Ukraine, dont ceux de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et du Conseil de l'Europe, pour essayer d'empêcher la répétition de fraudes comme celles qui avaient marqué le second tour.
C'est de là qu'était née la révolte populaire, cette "révolution orange", dont l'ampleur a conduit à l'annulation du scrutin, remporté alors par Viktor Ianoukovitch, et à l'organisation du "troisième tour" de dimanche.
Les observateurs ont cette fois accordé leur satisfecit aux opérations du 26 décembre: les élections "se sont considérablement rapprochées des critères de l'OSCE et des autres normes internationales" définissant un scrutin libre et équitable, a déclaré à Kiev Bruce George, chef de la délégation.
"Nous jugeons que le peuple de ce grand pays a fait un grand pas vers des élections libres et équitables en élisant leur futur président", a-t-il ajouté au cours d'une conférence de presse.
"Aujourd'hui le peuple ukrainien a gagné. Je vous félicite", a lancé pour sa part le leader de l'opposition devant une foule en liesse sur la place de l'Indépendance, théâtre de manifestations massives après le second tour.
"Nous sommes indépendants depuis 14 ans, mais nous n'étions pas libres", a souligné Iouchtchenko. "Aujourd'hui, nous pouvons dire que c'est du passé. Nous sommes une Ukraine indépendante et libre".
A Bruxelles, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso s'est félicité de l'issue du scrutin, "une bonne journée pour l'Ukraine et la démocratie". Avant de souligner l'importance que l'UE attache à "l'intégrité territoriale de l'Ukraine", et d'estimer que la "tenue d'élections libres et équitables (...) ouvre la voie à un renforcement de la coopération avec l'Ukraine".
De Washington, le secrétaire d'Etat américain Colin Powell a quant à lui estimé qu'il s'agissait d'un "moment historique pour la démocratie en Ukraine", félicitant les Ukrainiens pour leur "courage" à défendre leur droits, et les exhortant à "oublier leurs divisions, et à éviter la violence, le séparatisme ou les provocations".
(AP)