contre la menace d'expulsion de Samuel

Message par Valiere » 24 Déc 2004, 10:15

19 décembre 2004



DECLARATION DU RESEAU EDUCATION SANS FRONTIERES AU SUJET DE SAMUEL JOHNSON
Informé de la situation du jeune Samuel Johnson, élève du collège Jeanne d’Albret à Pau, le Réseau Education sans Frontières s'associe aux protestations de ses enseignants, de ses camarades, des syndicats et des associations indignés de la menace d'expulsion imminente qui pèse sur lui et des conditions détestables qui entourent cet événement.
Il est, en effet, inadmissible que cet élève mineur puisse être expulsé. Il est âgé de 16 ans et demi comme l’attestent le seul document d’identité en sa possession et le premier laisser-passer délivré par les autorités consulaires ghanéennes. L’âge osseux d’un individu n’est pas directement corrélé à son âge civil. Les autorités l’ignorent peut-être, mais les pédiatres le savent et le disent. Fonder une décision aussi grave qu’une expulsion sur un examen médical aussi aléatoire relève de l’arbitraire.
L’interpellation d’un élève au sein même de son établissement est tout aussi inconcevable. Et que cela se soit fait avec le consentement (éclairé ?) d’un chef d’établissement ne rend pas le fait plus glorieux. Au contraire. Nous invitons l’ensemble des fédérations de syndicats d’enseignants et de personnels de direction à joindre leur protestation auprès du Ministère de l’Education nationale à la nôtre.
Ces faits sont profondément traumatisants pour les adultes qui en sont les témoins. Ils le sont encore bien davantage pour les élèves dont ils ont la charge. Comment faire inculquer le respect de la loi aux élèves quand ceux qui sont chargés de son application utilisent des procédés aussi discutables pour s’en prendre à leurs camarades ? Quel crédit nos élèves peuvent-ils apporter aux valeurs de justice, d’équité, de solidarité que nous nous efforçons de défendre quand ils voient la simple humanité bafouée sous leurs yeux ?
Nous informons l'ensemble des collectifs d'établissements, les organisations syndicales et associatives qui constituent le réseau Education sans Frontières et les organisations politiques qui le soutiennent de la situation de Samuel Johson et des pratiques des services concernés. Nous les invitons à joindre leur protestation à la nôtre.
Nous demandons qu’il soit libéré du Centre de rétention où un mineur n’a pas sa place et qu’un titre de séjour lui permettant de poursuivre ses études dans des conditions décentes lui soit délivré.
Nous avons conscience, en nous élevant contre ces mesures, de remplir notre mission d'éducateurs.

Organisations membres du réseau « Education sans frontières» :
Syndicats et associations : ADN (Association pour la démocratie à Nice), AMF (Association des Marocains en France), Association « En-Temps » (service des mineurs étrangers isolés), Association Française Janusz Korczak (AFJK), Association Intercapa Solidarité Etudiants Etrangers, Association Sar-Phirdem, ATTAC-France, CIMADE, Cinquième zone, Club UNESCO Terre Bleue (Charenton –94), CNT, Collectif Cetace (Créteil), Comité de défense des droits des sans-papiers (59), Collectif des sans papiers de Seine Saint-Denis (93), Collectif des sans-papiers des Hauts de Seine (92), Collectif des sans-papiers kabyles de France (CSPK), 3ème Collectif des sans-papiers de Paris, Collectif Unitaire de Défense des Elèves, Etudiants et Enseignants étrangers (Académie de Créteil), Coordination nationale des sans-papiers, Droit Au Logement, Ecole Emancipée, Emancipation, FASTI, Faut qu’on s’active ! (Boulogne sur mer), FCPE, FERC-CGT, FSU, G10 Solidaires Paris, GISTI, Groupe contre la criminalisation des familles de l’AITEC (Association Internationale des Techniciens, experts et Chercheurs), Identité-Rom, Journal A Contre Courant politique et syndical (Mulhouse), LDH, MRAP, PAS 38, RAJFIRE, RCTS, Réseau Chrétiens Immigrés (RCI), Section Française de Défense des Enfants, SGEN-CFDT, SUB TERRA a.s.b.l., SUD Haute-Loire, SUD-Culture, SUD-Education, SUD-PTT, Syndicat de la Magistrature, UNL (Union Nationale Lycéens), UNSA-Education, UNSEN-CGT.
Collectifs d’établissement : Lycée Jean-Jaurès (Châtenay-Malabry - 92), Comité de soutien des enfants tchétchènes de l’école Baudelaire - Paris 12, Lycée Suger (St-Denis - 93), Lycée Jean-Macé (Vitry - 94), LP Gustave Eiffel (Massy - 91), LP Florian (Sceaux - 92), CISéé (Lycée Utrillo, Stains - 93).
Soutiens : PCF, LCR, Les Verts, Alternative Libertaire




Chronologie de l’affaire Samuel Johnson


Jeudi 18 novembre, à 9 heures 45, trois policiers de la Police Aux Frontières se présentent au collège Jeanne d’Albret à Pau. Un quart d’heure auparavant, ils ont pris contact par téléphone avec le principal du collège pour l’informer qu’ils allaient se présenter pour arrêter un de ses élèves de la classe dite de « non francophones », Samuel Johnson, de nationalité ghanéenne, âgé de 16 ans et demi, comme l’indique l’extrait de naissance qu’il possède comme unique pièce d’identité (né le 10 mai 1988 à Korlé au Ghana).
Le principal acquiesce, reçoit les policiers, envoie une jeune CPE chercher Samuel en classe sans rien lui dire.
Quand la jeune femme demande au jeune homme de la suivre avec ses affaires, un de ses camarades de classe lui lance « Samuel, tu es expulsé ! ». Les élèves de cette classe sont en effet originaires de plusieurs pays où règnent la guerre ou des troubles divers, et sont très sensibles aux diverses menaces qui troublent leur existence.
J’ajoute qu’un hasard très fâcheux fait que, l’après-midi même, les élèves de cette classe participaient à Pau à une manifestation de solidarité avec l’Afrique….

Aussitôt les policiers partis avec Samuel, la nouvelle fait le tour de l’établissement, la section SNES rédige une pétition de protestation signée par tous les enseignants et la portent au principal en s’indignant de cette intervention et l’autorisation qu’il en a donnée. Ils préviennent le collectif des associations qui s’occupe de tenter de régler les problèmes des personnes étrangères en difficulté avec les autorités françaises, et la FSU.
Le collectif informe une avocate, membre de la LDH, Me Marie-Pierre Massou dit Labaquère ; elle entreprend les démarches en vue de la libération de Samuel qui est mineur, qui a été confié à un foyer d’accueil de Gelos près de Pau par un juge des enfants et qui travaille très bien et avec beaucoup d’assiduité.
Le 19 novembre un juge des « libertés » et des détentions au TGI de Bayonne signe un arrêté d’internement au Centre de Rétention Administrative d’Hendaye où Samuel a été embarqué. Le 22 novembre, l’avocate présente au tribunal administratif une demande en référé d’annulation de la procédure d’internement en CRA en arguant de la minorité de Samuel. Le 18 novembre, la police avait fait passer des radiographies osseuses des poignets de Samuel pour tenter de prouver qu’il était majeur, de façon à pouvoir l’expulser.
Le 25 novembre, elle envoie une télécopie au consulat du Ghana pour obtenir des renseignements sur Samuel.
Le 26 novembre, le S1 de Jeanne d’Albret demande une audience au préfet pour dire la colère et le refus des collègues, exiger la libération du jeune homme. Je les accompagnerai en tant que secrétaire départemental de la SD FSU. J’envoie un communiqué aux journaux locaux. Ils en publient une bonne partie. Je l’envoie au Monde, à l’Huma. L’Huma me rappelle, m’interroge et fait un bon papier, même s’il contient quelques inexactitudes.
Le 30 novembre, Samuel est envoyé à Paris au consulat du Ghana, en voiture, accompagné de policiers, pour se faire identifier et lui faire délivrer un laisser-passer qui permettrait aux policiers de l’envoyer au Ghana.
Le 1er décembre, nous sommes reçus à trois (la camarade Isabelle Larrouy, le camarade Serge Dumont du S1, et moi-même), par M. Imbert, secrétaire général de la préfecture, pendant plus de deux heures. Il nous promène, tente de nous émouvoir en évoquant l’humanité déchirée de son subordonné, chef du bureau des étrangers à la préfecture, M. Larroque Laborde, rappelle son passé de responsable du centre de Sangatte, expose qu’il faut bien que la France résiste à l’envahissement par des milliers de personnes qui se pressent à ses frontières, rappelle les quelques fois précédentes où il nous a reçus, les uns ou les autres, pour tenter de régler un problème d’étrangers, met en doute la vérité de mon communiqué.
-Et pourquoi donc ?
-Parce que vous dites qu’il est mineur.
-Mais son document d’identité l’atteste !
-Oui, mais les radiographies le contestent et disent le contraire.
-Depuis quand une radiographie fait pièce à un document d’identité officiel pour démonter un âge ? N’avez-vous pas besoin qu’il soit majeur pour pouvoir l’expulser ?
-En effet, mais ce n’est pas le préfet qui est responsable !
-Qui donc ?
-Le procureur.
-Et pour quelle raison ?
-Parce que M. Johnson est poursuivi pour violences à Boulogne.
-C’est faux : Notre avocat a vérifié, il n’y a aucune plainte de déposée !
-Le procureur peut se saisir tout seul s’il le veut. Nous n’y sommes pour rien. Etc., etc.
-Oui, mais, Monsieur le secrétaire général, et l’intervention de la police dans un établissement scolaire pour de tels motifs ?
J’ai dû poser la question quatre fois pour que M. Imbert ne finisse par lâcher : « ce n’est pas l’usage et ça ne sera pas l’usage. » « Si le principal s’était opposé à l’entrée des policiers dans son établissement, ils ne seraient pas entrés. »
Le 4 décembre, M. Alain Laville, juge des « libertés » et des détentions, vice président du tribunal de grande instance de Bayonne signe une ordonnance de maintien en détention.
Le 9 décembre, le consulat du Ghana a fait parvenir son laisser-passer aux autorités. Les camarades du collège l’appellent du secrétariat du collège et mettent le son, entendu par plusieurs témoins : « Nous avons établi un laisser-passer au nom de Samuel Johnson, né en 1988 ». Les collègues prennent aussitôt langue avec les services préfectoraux pour s’assurer qu’ils ont bien reçu le document. La Cimade télécopie un certificat des camarades au sujet de ce document au juge des libertés de Bayonne en demandant une mise en liberté de Samuel.
Le 10 décembre, la procédure d’expulsion est suspendue, le juge des libertés ayant accepté d’étudier la saisine.
Nous apprenons que la police est très mécontente car cela bat en brèche leur méthode radiographique d’évaluation de l’âge.
Le 11 décembre, Samuel est discrètement déménagé par la police au centre de rétention administrative du Mesnil Amelot, dans la Seine et Marne, près de l’aéroport de Roissy.
Samuel, qui donnait de ses nouvelles grâce à son téléphone ambulatoire, ne donne plus signe de vie. Il me dit le mardi 14 quand je vais le rencontrer au centre qu’il avait alors revendu son téléphone, persuadé d’être très rapidement expulsé.
Le 13, les enseignants, inquiets de l’absence de nouvelles, appellent le CRA d’Hendaye qui leur apprend que Samuel est parti au Mesnil Amelot. Ils téléphonent à la préfecture (M. Laborde Larroque) qui leur dit « IL Y A EU UNE ERREUR DE LA PART DU CONSULAT SUR LE LAISSEZ-PASSER DE SAMUEL JOHNSON. NOUS LUI DEMANDONS DE LE REFAIRE POUR QU’IL SOIT CONFORME AUX RESULTATS DES EXAMENS RADIOGRAPHIQUES QUE NOUS LUI AVONS FAIT SUBIR » !!!
Je suis informé de cela pendant que je suis au CDFN de la FSU. Je décide aussitôt de me rendre au CRA pour rencontrer Samuel, ce que je peux faire le lendemain matin 14 décembre.
Tout le monde est un peu sidéré de la manœuvre : la date sur le certificat ne convient pas, on fait pression sur le représentant consulaire pour qu’il établisse un nouveau document avec une date qui convienne à la police.
Le représentant de la Cimade que je rencontre au CRA du M. A. me confie qu’il est très inquiet, qu’il craint que la police n’expulse Samuel avec ou sans certificat.
Au bout de quelques minutes d’entretien, Samuel me montre un document qu’il vient de recevoir. Un tampon indique qu’il lui a été transmis le jour même à 8 heures 30, alors qu’il est parvenu au CRA la veille à 17 heures 39 comme l’indique le compte rendu sommaire d’envoi de télécopie en tête du document. Or, je me suis présenté à la porte du CRA à 8 heures 30 en donnant ma qualité. Je n’ai été admis à entrer qu’à 9 heures comme le veut le règlement (il faisait –5° devant la porte !)… Ce document est l’ordonnance de rejet de la demande de mise en liberté signée par Mme Marie-Catherine Robert, juge de la « liberté » et des détentions au TGI de Bayonne. Une fois encore, ce document se fonde sur les examens radiologiques et le juge prétend que ces examens « établissent la majorité {du requérant} au regard de la loi française. »
Le 15 décembre, nous apprenons que le consulat a cédé aux pressions. La représentante de la CIMADE, pourtant blasée devant les turpitudes administratives, dit que c’est monstrueux. Elle évoque de nouveau le peu de crédibilité à porter à ces examens radiographiques qui sont contestés même par une magistrate française de haut niveau dont j’aurai le nom demain jeudi, et par l’Etat belge qui, par un arrêt récent dont j’aurai également les références demain, dénie toute valeur probante à ces examens.
Le jeune Samuel m’a dit mardi avoir lu son nom sur un tableau en face de la date du 20 décembre. Il craint que ce ne soit la date de son départ.

Nous avons décidé d’informer au maximum sur cette situation : SNES, FSU, LDH, MRAP. Nous organisons samedi matin une conférence de presse intersyndicale à laquelle nous avons invité les journaux écrits, parlés, filmés.


Jean-Jacques Le Masson
Valiere
 
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Inscription : 07 Mars 2004, 22:35

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