a écrit :Enjeux des élections européennes
La Constitution et l'adhésion turque
Suite aux changements politiques en Espagne et en Pologne, la ratification du traité constitutionnel Giscard d'Estaing pourrait aboutir le 17 juin prochain. L'élargissement de l'Union européenne (UE) à dix nouveaux pays, le 1er mai, relance le débat sur l'adhésion de la Turquie.
Après la déroute de la droite de José Maria Aznar en Espagne et la démission annoncée du Premier ministre polonais, Leszek Miller, la Constitution européenne est à nouveau à l'ordre du jour. Les 12 et 13 décembre derniers, lors du Conseil européen de Bruxelles, la Pologne et l'Espagne avaient été à la tête de la fronde contre le traité constitutionnel issu de la Convention présidée par Giscard. Leur veto n'était pas un rejet d'un texte constitutionnalisant le militarisme et le libéralisme, mais manifestait la volonté de conserver une capacité de blocage acquise lors du traité de Nice en 2000 : leur nombre de voix au Conseil des ministres et le nombre de sièges au Parlement européen.
La nouvelle donne politique dans ces deux pays, combinée aux traumatismes des attentats de Madrid, a donc permis de dépasser les égoïsmes des nations sans pour autant répondre aux attentes des citoyens sur l'Europe politique, sociale et démocratique. Lors du sommet européen des 25 et 26 mars derniers, les chefs d'Etats et de gouvernement ont donc convenu de conclure les négociations sur la Constitution au plus tard au sommet européen de clôture de la présidence irlandaise des 17 et 18 juin prochains. Mais aucun échéancier de négociation n'a été établi pour résoudre les points qui font encore divergence.
Le Luxembourg, le Danemark, l'Irlande ont été rejoints par la Grande-Bretagne dans leur volonté de voir adopter la Constitution européenne par voie référendaire. Pour le reste de l'Europe, rien n'est vraiment arrêté. En France, alors que 74 % des citoyens sont en faveur d'un référendum, le gouvernement Chirac-Raffarin n'a, pour l'instant, pas officiellement pris position. Chirac préférerait l'adoption de la Constitution après les élections européennes mais sans en préciser les modalités d'adoption. Mais la proximité des européennes avec une possible ratification de la Constitution risque de transformer les prochaines échéances électorales en pseudo-référendum de fait "pour ou contre la constitutionnalisation du marché et du militarisme". Aux forces progressistes de faire émerger l'exigence d'un référendum comme la nécessité de voir opposer un "non" de gauche à ce traité institutionnel.
Le 1er mai, l'Union européenne (UE) s'élargira à dix nouveaux pays, essentiellement originaires de l'Europe centrale et orientale. Cet élargissement se poursuivra en 2007 avec l'intégration de la Roumanie et de la Bulgarie. Reste la Turquie, le mouton noir de l'élargissement. Membre du Conseil de l'Europe et de l'Otan, la Turquie reste l'éternel recalée. La perspective de voir adhérer ce pays à l'UE dans un proche avenir ravive les pires fantasmes, leçons de géographie et de d'histoire du christianisme à l'appui. L'UDF et l'UMP alliées aux courants souverainistes et nationalistes se sont lancées dans une croisade antiturque. Les sociaux-démocrates ont ajourné leurs divisions sur cette question. Pour les Verts, seule compte la mécanique institutionnelle.
Cependant, au travers de l'adhésion de la Turquie, c'est la question de l'avenir de l'Europe qui se pose. L'UE est-elle une simple zone de libre-échange ou est-elle un objet politique commun à 450 millions de citoyens ? Dans la première hypothèse, rien ne justifie le rejet de la Turquie. Dans la seconde, les fondements de l'actuelle UE devront radicalement être revus. La démocratie, les services publics, le respect des minorités, la paix et les droits sociaux et environnementaux devraient être les bases de cette autre Europe portée lors des forums sociaux notamment. La Turquie devra alors se conformer aux critères politiques de Copenhague, à savoir l'Etat de droit, le retrait des militaires de la vie politique, le respect des droits des Kurdes - à commencer par la libération de Leyla Zana (1) - et la liberté d'expression.
Patrick Auzende
La campagne commune devra se concentrer sur les attaques anti-ouvrières du gouvernement !