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Douste Bla-Bla et son improbable fraudeur
A défaut de réforme de la Sécu, il brode sur les abus de la carte Vitale.
Dans la course à celui qui en fera le plus devant les caméras, Douste-Blazy a frappé fort. Lundi 3 mai, il annonçait à la télé ses premières mesures pour la Sécu, et, trente-six heures plus tard, son "plan canicule". Mais, faute d'avoir grand-chose de concret à proposer, le ministre de la Santé s'est pris les pieds dans le tapis.
Témoin ce malheureux cancéreux déniché pour illustrer les possibles fraudes qu'entraîneraient les quelque 10 millions de cartes Vitales indues en circulation. Douste-Blazy a brandi à la télévision le petit plastique vert censé appartenir à cet "homme de cinquante-cinq ans qui a un cancer (qui lui permet) d'être pris encharge à 100%". "Ce dernier mois, a affirmé le ministre de la Santé, elle a servi vingt fois à des frères, des soeurs, des cousins qui ont pu avoir droit au 100% alors qu'ils n'y ont pas droit."
Gros bluff
Un exemple spectaculaire qui a laissé perplexes les plus fins connaisseurs de la Sécu. Tel Claude Frémont, directeur de la caisse primaire de Nantes, connu pour ses vigoureuses actions anti-fraude. "Depuis une douzaine d'années, a-t-il indiqué au "Canard", le remboursement à 100% est limité à la maladie qui le motive. Un diabétique à 100% est remboursé comme un patient ordinaire s'il se casse la jambe."
La famille de fraudeurs citée par Douste n'a donc pu bénéficier de la carte du frère ou du tonton cancéreux que pour s'acheter des médicaments soignant les affections liées au cancer. S'ils ne souffrent pas de cette terrible maladie, on ne voit pas bien le but de la manoeuvre. Et, s'ils en sont atteints, ils peuvent eux-mêmes être pris en charge à 100%. Et n'ont nul besoin de frauder.
Chiffon vert
Au cabinet de Douste, on explique que le ministre a tiré cet exemple du rapport provisoire de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur "Les riques liés à la carte Vitale", qui lui a été remis le 23 avril dernier. Vérification faite, Douste a dû le lire entre les lignes : aucun cas de ce genre ne figure dans ce document que le ministre s'est plu à dramatiser. C'est dans ce même document que Douste a trouvé le chiffre de 10 millions de cartes Vitales en surnombre, parmi les 60 millions en circulation.
Mais en omettant de préciser, comme le fait l'Igas dans son rapport, que ces cartes surnuméraires sont en majorité détenues par des usagers qui n'ont pas pris la peine de les annuler après avoir changé de régime (tels plus de 3 millions d'étudiants) ou de région. Il s'agit donc essentiellement d'assurés négligents. "Les risques réels de fraude sont limités", écrit d'ailleurs l'Igas. Ainsi, seules 250 000 d'entre elles auraient été utilisées au moins une fois pour se faire rembourser une ordonnance. Chiffre d'ailleurs confirmé par le président (CFDT) de la Caisse nationale d'assurance-maladie.
Il faudra donc trouver autre chose pour expliquer le trou de la Sécu.
Hervé Martin.
"Le Canard enchaîné" du 12 mai 2004.
Compte-tenu des enjeux et des conséquences graves (droit d'accès pour l'ensemble de la population à des soins de qualité, quelque soit la pathologie, légère ou lourde) de la prochaîne pseudo "réforme" de l'assurance-maladie du gouvernement Chirac-Raffarin, la petitesse, enrobée de démagogie, de Douste-Blazy, me fait me demander si je dois en rire ou en pleurer.
