Des pratiques discriminatoires

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Message par red » 02 Avr 2004, 21:34

/ODSE (Observatoire du droit à la santé des étrangers)/


Lettre ouverte à madame
la directrice de la CPAM de Paris


Des pratiques discriminatoires
à la caisse de sécurité sociale de Paris ?



**Depuis quelques semaines, certains assurés sociaux reçoivent des
services de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris des
courriers commençant par « /Les organismes de sécurité sociale ont
désormais obligation de vérifier la conformité de l'état civil des
personnes immatriculées/ » et leur demandant « /pour permettre de
procéder aux opérations visant à cette vérification/ » de transmettre la
copie intégrale du livret de famille ou, à défaut, la photocopie du
titre de séjour, de la carte d'identité, du passeport, d'une pièce
d'état civil établie par le consulat du pays d'origine ou d'un extrait
d'acte de naissance.

Le seul point commun qui paraît unir les différents destinataires des
courriers dont nous avons eu connaissance, c'est un patronyme à
consonance non européenne.

Ces courriers suscitent de notre part quelques interrogations.

*1. De quel droit la CPAM effectue-t-elle des vérifications d'état civil
auprès d'assurés déjà immatriculés ?*

Les courriers commencent par « /Les organismes de sécurité sociale ont
désormais obligation de vérifier la conformité de l'état civil des
personnes immatriculées/ ».

Le code de sécurité sociale prévoit bien que la CPAM est chargée de
procéder à l'immatriculation - opération administrative qui intervient
une seule fois dans la vie d'une personne et qui permet de disposer du
numéro de sécurité sociale. Dans le cadre de cette opération unique, la
CPAM est amenée à connaître l'état civil de la personne concernée[1]
.

En revanche, une fois l'immatriculation prononcée, il n'existe à notre
connaissance aucune disposition légale prévoyant de demander de nouveau
de telles informations. Pourriez-vous nous indiquer sur quel texte se
fonde la CPAM ?

*2. Quel est le nouveau texte qui autorise « désormais » cette nouvelle
pratique de la CPAM ?*

Même s'il existait un fondement légal à une telle demande, aucune
disposition légale n'a, à notre connaissance, été modifiée récemment au
point que « /les organismes de sécurité sociale (auraient) désormais
obligation/ » d'effectuer de telles opérations auprès de personnes déjà
immatriculées. Pourriez-vous nous indiquer quel est donc ce nouveau
texte qui n'existait pas auparavant mais qui permettrait « désormais »
cette pratique ? Et à défaut de nouveau texte, quel est donc le motif
d'un tel changement de pratique ?

*3. Est-ce qu'une campagne systématique de contrôle de tous les assurés
sociaux sans exception a été lancée ?*

Dans l'affirmative, pouvez-vous nous communiquer les textes précisant
les fondements et les modalités de mise en oeuvre de cette campagne ?

*4. Quels sont les critères utilisés pour sélectionner les assurés
interrogés ?*

Nous n'avons pas connaissance de nouveau texte juridique et l'opération
de vérification n'a visé jusqu'à présent qu'une petite partie des
quelques 50 millions d'assurés sociaux du régime général. Aussi, nous
souhaiterions connaître quels ont été les critères objectifs utilisés
par la CPAM de Paris pour déterminer les assurés sociaux auprès desquels
une telle vérification a été effectuée.

Serait-ce le critère du patronyme à consonance non-européenne ?

Le critère de la nationalité ? Dans l'affirmative, nous souhaiterions
savoir comment les CPAM pourraient connaître la nationalité de tous
leurs assurés sociaux puisque le numéro de sécurité sociale à 13
chiffres n'indique pas la nationalité.

Le critère du lieu de naissance qui lui, en revanche, figure bien dans
le numéro de sécurité sociale ?

*5. Une simple concomitance avec les mesures inquiétantes actuellement
en projet ?*

Notre inquiétude s'explique par le climat globalement assez délétère
vis-à-vis des étrangers. En particulier, nous nous étonnons de la
concomitance de cette vérification ciblée sur certains assurés sociaux
avec :

*

d'une part, le projet de décret relatif à la connexion de fichiers
sécurité sociale/préfecture en vue de la vérification de la
régularité du séjour - et non de l'état civil - des assurés
étrangers lors de l'affiliation, du versement de prestations ou du
recouvrement des cotisations (connexion prévue par l'article
L.115-7 du code de sécurité sociale mais non mise en oeuvre à la
suite des nombreuses réserves de la CNIL).

*

d'autre part, l'avant projet de loi sur la prévention de la
délinquance qui menace profondément le principe fondamental de
secret professionnel des intervenants dans le champ social.

*6. Toute pratique discriminatoire est susceptible de poursuites pénales*

Le climat de suspicion de fraude et de répression qui pèse actuellement
sur les étrangers, ou encore ceux simplement perçus comme étrangers, ne
suffirait pas à justifier cette nouvelle pratique. Pour décider de
contrôler l'identité ou l'état civil d'assurés sociaux, la nationalité,
l'origine, le lieu de naissance ou le patronyme ne sont pas des critères
légitimes.

En l'absence de justification légitime fondée sur des critères précis,
procéder à une demande superfétatoire à l'égard des assurés à patronyme
étranger, ou des assurés étrangers, ou encore des assurés nés à
l'étranger, constituerait une discrimination susceptible d'être
pénalement réprimée (articles 225-1 et 225-2 du code pénal). Ce délit
fait l'objet d'une répression aggravée lorsqu'il émane d'une personne
chargée d'une mission de service public et qu'il consiste à refuser le
bénéfice d'un droit accordé par la loi, comme pourrait l'être la remise
en cause d'une immatriculation acquise (article 432-7 du code pénal). Si
l'auteur de la discrimination est une personne physique chargée d'une
mission de service public, il encourt une peine maximale de 5 ans de
prison et/ou une amende de 75.000 EUR ainsi que les peines
complémentaires prévues à l'article 432-17 du code pénal. Cette sanction
pénale vise la personne physique délinquante mais une personnes morale,
telle une caisse de sécurité sociale, qui seraient reconnues auteur ou
complice des même faits n'est pas exclue d'éventuelles sanctions
(articles 121-2 et 225-4 du code pénal).

Pour conclure, nous voudrions rappeler que, selon nous, les organismes
de protection sociale ont une mission exclusivement sociale qui ne doit
jamais les conduire à procéder à des contrôles d'identité, a fortiori
intempestifs.

Dans l'attente de votre réponse, nous vous prions Madame la directrice
de la CPAM de Paris, de recevoir nos salutations les plus distinguées.

Paris, le 1er avril 2004



*Signataires :* ACT UP Paris, AFVS, AIDES, FTCR, CATRED, CIMADE, COMEDE,
GISTI, MÉDECINS DU MONDE, MRAP, PASTT, SIDA INFO SERVICE, SOLIDARITE SIDA


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Note

[1] Ainsi,
le formulaire cerfa n° 12044*01 de « /demande d'immatriculation d'un
travailleur/ » précise que les renseignements concernant l'état civil
doivent être « /conformes à un document officiel d'identité, par exemple
: extrait d'acte de naissance, livret de famille régulièrement tenu à
jour, carte nationale d'identité ou passeport en cours de validité,
titre de séjour/ ».

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Ce document est téléchargeable* *en 4 pages au format A4 (pdf, 119 ko)
ici >
red
 
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