par Plestin » 07 Oct 2023, 17:30
Ce ne sont que des élections, rien de plus. Il ne faudrait pas attendre d'une moyenne organisation comme LO flanquée d'une petite organisation comme le NPA-pas-Poutou, qu'une union ou, au contraire, qu'une présentation séparée modifie quoi que ce soit de significatif, sinon faire mieux connaître le NPA-pas-Poutou.
Les élections sont pour LO avant tout une tribune. La présentation séparée aurait l'intérêt de faire deux discours allant dans le même sens sur pas mal de sujets, donc serait peut-être plus visible ; mais elle nécessiterait que chacun parvienne à se présenter, pas seulement LO.
Une présentation en commun limiterait le tout à un seul discours, de même qu'une situation où seule LO arriverait à se présenter. Est-ce que les discours révolutionnaires seraient plus visibles qu'avec deux candidatures, sans doute que non.
Est-ce que, avec une liste commune, cela altérerait significativement le discours de chacun ? Là, la réponse est plus compliquée.
Si on se réfère uniquement à toute la liste de courses évoquée par le NPA-pas-Poutou en mettant chaque point au même niveau d'importance, alors il y aurait énormément de points communs et ça ne serait pas bien compliqué de faire liste commune (si on met de côté le déséquilibre des forces qui feraient campagne), précisément parce que le NPA-Poutou, qui incarnait un écart politique bien plus grand, avec une liste de courses beaucoup plus éloignée, serait absent. (Cette formule aurait quand même l'inconvénient de laisser croire que LO n'attendait que l'éclatement du NPA - alors que jamais LO n'a cherché à mettre de l'huile sur le feu - et que maintenant que c'est fait, que le NPA-Poutou et RP sont chacun de leur côté, alors c'est bon avec ceux qui restent, mais cela c'est un autre sujet).
Sauf que la prochaine campagne que LO souhaite faire aux Européennes ne sera peut-être pas si semblable que ça aux précédentes. On peut s'attendre il me semble à ce que LO mette cette fois-ci beaucoup plus en avant la question de la marche à la guerre impérialiste, du réarmement généralisé et de la façon dont les travailleurs pourraient s'y opposer et l'empêcher. Cela risque d'être central et donc, la différence de point de vue sur la guerre en Ukraine sera sous le verre grossissant.
Bien évidemment, la question du pouvoir d'achat et des salaires a une grande importance pour les travailleurs. Mais dans la période actuelle, ce n'est pas le terrain où il est le plus facile de se différencier des syndicalistes, de certains partis de gauche, sans parler du RN où même Bardella met l'accent sur le pouvoir d'achat, tandis que Macron explique tout ce qu'il fait pour le préserver... Il faut évidemment parler des salaires et du pouvoir d'achat, mais surtout pour insister sur la façon dont les travailleurs pourraient imposer les hausses de salaire par exemple.
Mais n'oublions pas que les concessions de la bourgeoisie après juin 36 suite à la grève générale finalement canalisée par les syndicats et partis de gauche, ont servi à lui laisser les mains libres dans la marche à la guerre. Pendant que bien des travailleurs se réjouissaient des congés payés mais que leur mobilisation retombait, l'essentiel était préservé : le mouvement ouvrier ne risquait plus d'entraver la marche à la guerre impérialiste qui approchait. Et deux ans plus tard, la bourgeoisie reprenait tout, puis l'économie de guerre remettait au goût du jour le travail forcé avec la pression morale de l'indispensable effort de guerre grâce au nationalisme.
Alors il serait certes très important que les travailleurs trouvent les moyens de s'organiser pour imposer des hausses de salaires et bien d'autres concessions à la bourgeoisie ; mais il serait encore beaucoup plus important que, ce faisant, un nombre significatif d'entre eux ait dès le départ dans la tête la conscience politique que l'on perdra tout si on ne va pas plus loin et que la classe ouvrière a la capacité d'enrayer la marche à la guerre, et même de renverser le système capitaliste pour mettre en place son propre État.
Cela, c'est, il me semble, l'objectif prioritaire de LO pour la période qui vient (un terrain absolument pas concurrencé par la gauche, nationaliste indécrottable) et le sujet principal sur lequel LO ne ferait pas la moindre concession s'il devait y avoir une liste commune.
Après, il reste à côté de cela toute une série de petites choses qui ne sont pas des obstacles absolus, mais qui font que les militants de LO n'auront pas forcément très envie d'une liste commune. Ceci a toujours été vrai depuis la dernière alliance LO-LCR.
- Il y a un passif avec la LCR, de ces "campagnes communes" où la LCR considérait un peu qu'elle-même était "la tête" et que LO c'était "les jambes"et les militants LO d'une certaine époque ont quand même été un peu échaudés par l'expérience. En gros, "nos idées avec vos forces militantes et votre capacité à faire campagne, qu'est-ce que ça serait bien." Ce n'est pas une vue de l'esprit, ceux qui ont déjà participé à de telles campagnes se souviennent comme il était difficile d'associer des militants de la LCR, dans beaucoup d'endroits, à une campagne commune sur le terrain. LO se levait de très bon matin, mais presque toujours toute seule, pour faire campagne pour deux. J'ignore si ce serait le cas encore aujourd'hui avec le NPA-pas-Poutou, sans doute que ce serait un peu différent en matière de comportement, mais vu l'écart d'implantation entre les deux organisations dans bien des endroits, cela reviendrait au même : LO ferait campagne pour deux dans des tas d'endroits où seule LO existe.
- Les seules têtes connues du grand public au NPA étaient Poutou et Besancenot. Après l'éclatement, "l'autre NPA" n'a personne de connu - encore moins que RP, par exemple, car Anasse Kazib est au moins connu dans un petit milieu - et il a un besoin de se faire connaître. Qu'il le fasse en faisant campagne pour ses propres candidats afin de les présenter à la population, serait dans la logique des choses. Qu'il le fasse en bénéficiant de la notoriété de LO qui lui ferait une sorte de courte-échelle, ce serait différent et ça ressemblerait trop à certains mauvais souvenirs avec la LCR.
- Enfin et surtout, dites-moi si je me trompe, le NPA-pas-Poutou ne semble pas avoir fait de bilan critique de la "stratégie NPA" des origines, ni des raisons de son échec. Et les courants qui ont décidé de participer au NPA n'ont pas fait la critique de leur stratégie à eux, qui est toujours supposée avoir été la bonne : il fallait faire le NPA, cela reste pour eux une vérité incontournable et si cela a mal tourné par la suite, c'est la faute des autres. Mais RP dit que c'est de leur faute à eux aussi. Et tous expliquaient il n'y a pas si longtemps - et le NPA-pas-Poutou un peu plus longtemps que ce qui est devenu RP - qu'il fallait faire campagne pour Philippe Poutou, un bon candidat, un candidat ouvrier. Eh bien, il fallait tellement le faire que maintenant Poutou met sa petite notoriété au service de LFI. Quelle clairvoyance politique d'avoir défendu cette idée auprès des travailleurs ! Comme si son évolution n'était pas déjà perceptible !
- De son côté, LO a considéré que l'expérience NPA correspondait à un éloignement politique, à une prise de distance avec les idées communistes révolutionnaires - enlever le vilain mot communiste qui sentait le pâté dans LCR - et ce fut une raison suffisante pour que, s'il a pu y avoir des alliances LO-LCR, il n'y ait jamais eu d'alliance LO-NPA. Là où certains voyaient dans le NPA un regroupement de révolutionnaires prometteur, LO voyait une évolution opportuniste vers la droite. Ce que la suite de l'histoire a montré.
Mais bon, évidemment, tout cela ne veut pas dire qu'aucune action commune n'est possible, jamais, dans aucune circonstance, entre LO et d'autres groupes. Ce serait absurde. Tout dépendra de leur évolution, de leur comportement et surtout, de la situation politique et sociale. S'il y avait une énorme montée des luttes, la question d'un regroupement des révolutionnaires se poserait différemment.