Zorglub:
Les plus anciens confirmeront mais il y avait une indexation des salaires, très retardataire, qui existait aussi en France dans les années 70, non ?1. Tu sais c'qu'ils te disent les plus anciens? Pourquoi les
plus anciens…
2. Franchement, Zorglub, je ne me souvenais pas de ça, une indexation des salaires. Ça ne semblait pas aider beaucoup les salariés quand on voit que com_71 se souvient «
avoir découvert l'indexation... lors de sa suppression».
J'ai cherché pour 1982 et début 1983 où apparaissait le mot "index". J'ai trouvé quelques trucs dans la revue Lutte de Classe. Bizarrement, je n'ai pas trouvé le mot "index" dans Lutte ouvrière de 1982 et 1983. J'ai peut-être mal cherché? Si y'a mieux...
Lutte de classe n°96 - septembre 1982 :
L'heure n'était déjà plus aux mesures sociales mais aux sacrifices. Le gouvernement entend démontrer qu'il saurait faire payer les travailleurs et Mauroy précisait le 21 mai devant les militants d'entreprise du Parti Socialiste : « les hausses nominales excessives de revenus et de salaires entretiennent l'inflation et privent notre économie des moyens de créer des emplois. Le gouvernement est décidé à agir pour modérer davantage l'évolution des salaires » […]
Et le 13 juin, Pierre Mauroy explicitait ce que signifiait cette deuxième phase : c'était le blocage des salaires. Le gouvernement prenait une mesure anti-ouvrière que Barre lui-même n'aurait pas osé prendre. Les patrons obtenaient un blocage complet des salaires jusqu'au 31 octobre. Les augmentations prévues pendant cette période (nombreuses sont celles qui sont habituellement prévues début juillet ou au 1 er octobre) resteront dans les trésoreries des entreprises. (Cela fait 3, 4, 5 %, voire plus d'économisés sur des mois). Or, un seul pour cent de la masse salariale totale représente 13 milliards : c'est dire qu'en bloquant ainsi l'ensemble des salaires sur plusieurs mois, c'est plusieurs dizaines de milliards dont le gouvernement laisse la disposition aux patrons.
Évidemment, cela n'a pas empêché ces derniers de protester vigoureusement contre le blocage des prix. Alors, le gouvernement en a débloqué bon nombre : entre juin et août, la liste s'est allongée toutes les semaines. Mais cela ne suffit pas encore aux patrons, ils voudraient des prix libres et des salaires bloqués. Et finalement, c'est bien vers cela que le gouvernement s'achemine en se prononçant contre toute indexation des salaires. « II ne faut plus indexer les salaires sur les prix car cela entraîne l'inflation » , a déclaré Mauroy au Club de la Presse d'Europe 1 début septembre. […]
Ainsi, le gouvernement s'emploie à faire accepter par les travailleurs, après la sortie du blocage, une baisse continue de leur pouvoir d'achat.
Lutte de classe n°97 - novembre 1982 :
Oh, bien sûr, au tout début, il y a eu quelques mesures en faveur des salariés, gouvernement de gauche oblige. II y a eu une augmentation des allocations familiales. II y a eu un petit coup de pouce sur le SMIC... accompagné de réduction de cotisations sociales pour les patrons mis en situation de l'appliquer. II y a eu la réduction à 39 heures de la semaine de travail... pour laquelle il a néanmoins fallu se battre pour qu'elle ne s'accompagne pas d'une réduction de salaire. II y a eu la cinquième semaine de congés payés... récupérée en partie sur les ponts et sur les jours d'ancienneté. II y a eu la retraite à 60 ans... mais on ne sait trop sur quelles bases financières et en attendant, avec une amputation de la pension des préretraités de 60 à 65 ans par l'instauration d'une cotisation à la Sécurité sociale.
Mais là s'est bornée « l'avancée sociale » selon l'expression chère au PCF. Et nous sommes entrés depuis le mois de juin dernier, dans une phase où le gouvernement oeuvre ouvertement à faire reculer le niveau de vie des travailleurs. La pièce maîtresse de sa politique est le blocage des salaires. II devait être provisoire et limité à un délai de quatre mois. II est maintenant relayé par une vigoureuse incitation gouvernementale - exemple à l'appui dans le secteur public - à ne pas rattraper le pouvoir d'achat et à supprimer toute indexation sur les prix. […]
II est vrai qu'en ce qui concerne le blocage des salaires, la masse des travailleurs n'a pas réalisé immédiatement, ni au même moment ce qu'il impliquait. Au début, bon nombre de travailleurs pensaient que le blocage ne durerait que quatre mois et qu'à la sortie, non seulement le retard serait rattrapé, mais que les indexations - qui soit existaient de fait, soit résultaient de conventions ou d'accords - continueraient à jouer et ajusteraient à nouveau approximativement les salaires au niveau des prix. II est certain qu'une fraction des travailleurs n'a réalisé qu'à la mi octobre, en entendant Mauroy et le ministre du Travail Auroux déclarer que l'échelle mobile était illégale. Mais si les travailleurs n'ont entendu que ce qu'ils voulaient bien entendre, n'est-ce pas parce que tout ce qui leur semblait possible de faire, c'était d'espérer, malgré tout ?
Et il faut croire que la fin de l'indexation était dans l'air du temps. Y'a un article intitulé "Belgique : La grève trahie par les syndicats" dans Lutte de classe n°105 - octobre 1983 :
Le cinquième gouvernement Martens, coalition des Chrétiens Sociaux et des Libéraux, avait déjà réussi à imposer des mesures draconiennes ayant conduit, depuis décembre 1981, à une baisse considérable du pouvoir d'achat des travailleurs. II avait demandé des pouvoirs spéciaux au Parlement pour prendre des mesures supprimant l'indexation des salaires sur les prix et pour augmenter les cotisations sociales et supprimer des emplois dans le but, disait-il, de réduire les coûts de production. Ce qui, d'après les chiffres syndicaux cités par le quotidien Le Soir du 2 septembre 1983, s'est traduit en 1982 par une perte cumulée, équivalente en moyenne à un mois de salaire, et à deux mois pour 1983.