Concentration du capital en France

Tout ce qui touche de près ou de loin à l'actualité politique en France

Message par Zorglub » 02 Avr 2012, 17:57

Loin des balivernes sur l'importance des PME-PMI dans l'économie, un article du Monde intéressant donnant des chiffres sur la concentration des entreprises, et du capital sur la période 1992 à 2010. On passera évidemment la naïveté du rédacteur.
a écrit :Le contrôle de l'influence des très grandes entreprises est une question récurrente en temps de crise. A la fin du XIXe siècle, l'émergence de conglomérats dans l'industrie américaine avait conduit aux lois antitrust, dont le fameux Sherman Act de 1890.

Dans les années 1930, l'opinion dénonçait les nouvelles entreprises de masse, véritables Frankenstein, Incorporated (I. Maurice Wormser, 1931). Pour tenter de les contrôler, le président Roosevelt fit voter le Security Act Exchange en 1934, instaurant un minimum de droits pour les petits actionnaires et créant un gendarme des marchés boursiers, la Securities and Exchange Commission (SEC).

Dans les périodes de dépression, délimiter le pouvoir des grandes entreprises permet de réguler et de renouveler le capitalisme.

Curieusement, cette idée ne semble pas présente dans les débats actuels en France. Certes, les salaires des grands dirigeants sont régulièrement dénoncés, parce qu'ils produisent un déséquilibre social injustifié. Mais, isolés de leur contexte, ils sont traités comme un problème et non comme un symptôme. Or, l'accroissement des revenus de certains dirigeants est parallèle à celui de la taille des entreprises qu'ils dirigent.

UN ACTIONNAIRE DE RÉFÉRENCE

En 2010, l'Insee a montré que 242 grandes entreprises assurent à elles seules 34 % du produit intérieur brut (PIB) et 27 % de l'emploi salarié français (Vincent Hecquet, Insee Première n° 1321, novembre 2010).

Dans une recherche récente, l'Institut français de gouvernement des entreprises (IFGE) confirme et accentue ces chiffres ("Le Grand décrochage", Preuve à l'appui n° 1, http://www.ifge-online.org). Analysant l'évolution de 664 entreprises cotées entre 1992 et 2010, l'étude prouve que la Bourse a permis une concentration sans précédent de la puissance économique dans un très petit nombre d'entreprises géantes, dont le chiffre d'affaires dépasse 7,5 milliards d'euros. Elles étaient seulement 37 en 1992 et 58 en 2010.

Mais l'étude montre qu'en vingt ans leur chiffre d'affaires moyen a doublé, lorsque celui des autres entreprises est resté stable ; leur effectif moyen a augmenté de 68 %, atteignant 106 000 salariés par entreprise, quand celui des autres entreprises a légèrement baissé. Elles ont assuré 90 % des investissements entre 1992 et 2010 et 90 % de l'ensemble des dividendes versés.

Cette concentration économique a une logique financière : l'épargne, captée par les fonds et les investisseurs institutionnels, est placée dans les entreprises les moins risquées et dont le capital est liquide. Ce mécanisme prudentiel a orienté systématiquement vers les entreprises géantes des ressources qui leur ont permis... de grossir davantage.

LEUR CAPITALISATION REPRÉSENTE 80 % DE LA PLACE DE PARIS

Leurs capitaux propres ont augmenté de 265 %, trois fois plus que celui des PME. Leur capitalisation boursière, multipliée par quatre entre 1992 et 2010, représente désormais 80 % de la place de Paris. Depuis vingt ans, grâce à la Bourse, l'épargne des ménages a été utilisée pour accroître la taille de quelques entreprises géantes qui, devenues mondiales, échappent de plus en plus au contrôle des politiques.

Or, qui tient la barre de ces entreprises ? L'étude montre que, à l'exception de quatre d'entre elles, les entreprises géantes ont toujours un actionnaire de référence, qui possède en moyenne 24 % du capital.

Contrairement à une idée reçue, ce n'est donc pas la main invisible des marchés qui les gouverne, mais bien celle de leurs propriétaires et de leurs managers. Au final, un millier de personnes décident de la stratégie des firmes géantes et, par ricochet, d'une grande partie de la politique économique de la France.


Que ces faits n'interviennent pas dans le débat politique signifie qu'ils sont soit ignorés, soit négligés, faute de réponse adaptée. Ils sont pourtant têtus.

Car, sans prise en compte des lieux de pouvoir réel dans le capitalisme actuel, les discours sur la régulation des marchés ou la réindustrialisation de la France n'exprimeront rien d'autre que l'inquiétante impuissance du politique.


Article Le Monde
Zorglub
 
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Message par luc marchauciel » 02 Avr 2012, 18:23

a écrit :
Contrairement à une idée reçue, ce n'est donc pas la main invisible des marchés qui les gouverne, mais bien celle de leurs propriétaires et de leurs managers. Au final, un millier de personnes décident de la stratégie des firmes géantes et, par ricochet, d'une grande partie de la politique économique de la France.

Que ces faits n'interviennent pas dans le débat politique signifie qu'ils sont soit ignorés, soit négligés, faute de réponse adaptée. Ils sont pourtant têtus.


Manifestement l'auteur de l'article éteint le poste chaque fois que Nathalie y passe....
luc marchauciel
 
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Message par Blondin » 02 Avr 2012, 18:43

merci pour cet article fort intéressant qui pose les prémisses d'une radiographie du pouvoir réel. A lire sur le meme sujet l'ouvrage La Finance imaginaire, sous-titré: Anatomie du capitalisme : des « marchés financiers » à l'oligarchie, écrit par Geoffrey Geuens qui bosse à l'université de Liège.

ce livre présente donc ces mystérieux marchés financiers en tentant une sociologie, quelque peu dans l'esprit des sociologues Pinson Charlot (dont une citation ouvre l'ouvrage...) tout en montrant la collusion avec le monde politique. Un outil qui peut être utile...
Blondin
 
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Message par redspirit » 02 Avr 2012, 19:13

Cet article fait relativiser l'argument systématiquement utilisé contre une augmentation du SMIC selon lequel "les PME n'auraient pas les moyens de payer une hausse du SMIC".
redspirit
 
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