a écrit :Une journaliste de l’AFP frappée d’ « interdiction professionnelle »
(Saj-Unsa)
Publié le samedi 28 octobre 2006
Nous publions ci-dessous un communiqué du Syndicat autonome des journalistes
(SAJ-UNSA) - (Acrimed)
Notre consœur Raphaëlle Picard, pigiste permanente de l’AFP dans le
département des Yvelines, est frappée depuis trois semaines d’ «
interdiction professionnelle » par la police et la justice du département,
après la diffusion de son reportage sur l’opération de police, le 4 octobre,
dans le quartier des Musiciens aux Mureaux.
Dans cette dépêche, Raphaëlle, jeune journaliste de l’AFP depuis 2004, a
décrit - en se conformant avec la plus parfaite rigueur et honnêteté aux
règles déontologiques de la profession - « La colère des "perquisitionnés
par erreur" dans une cité des Mureaux ».
Ce reportage a valu à l’AFP de très importantes reprises dans la presse
nationale et régionale, écrite et audiovisuelle.
Ce témoignage rigoureux, parfaitement sourcé et ponctué de nombreuses
citations incontestables, est évidemment exempt de tout commentaire de
l’auteure, comme l’exigent les règles rédactionnelles de l’AFP. Il a jeté un
éclairage nécessaire sur les coulisses des opérations de police à grand
spectacle, mises en scène par le locataire de la place Beauvau, par ailleurs
candidat à la présidence de la République.
Mais « l’arroseur arrosé », qui ne tolère, semble-t-il, qu’une presse aux
ordres et à sa bottine, a violemment réagi par l’intermédiaire de ses
services départementaux :
Ce fut d’abord le directeur adjoint de la police départementale qui à la
sortie d’une conférence de presse, a étrillé notre consœur, l’accusant de «
malhonnêteté intellectuelle ».
Ce fut ensuite le directeur de la sécurité publique, a qui Raphaëlle avait
demandé un entretien, qui l’a accusée d’avoir « produit des faux témoignages
qu’elle n’avait pas pris soin de vérifier... auprès de la police » (sic). «
Notre collaboration va s’arrêter là », lui a-t-il
signifié.
Ce fut encore (côté Justice), le procureur adjoint du parquet de Versailles
qui lui a également signifié que sa porte était désormais
fermée et qu’il « ne voulait plus jamais collaborer » avec elle. « On a
toute la direction sur le dos... », a-t-il avoué.
Enfin, last but not least, le directeur de la police judiciaire des Yvelines
est monté d’un cran : « On va porter plainte... ». Menace
gratuite, fanfaronne et vide de sens, puisque, à ce jour, aucune espèce de
plainte n’a été déposée devant une quelconque juridiction.
Raphaëlle et par voie de conséquence l’AFP, se trouve désormais coupée de
toutes les sources « officielles et institutionnelles »,
indispensables pour couvrir de façon rigoureuse, honnête et complète,
l’actualité dans ce département.
Le but poursuivi par le ministère de l’Intérieur est limpide : interdire à
Raphaëlle Picard de faire son travail de journaliste et pousser la direction
de l’AFP, au pire, à mettre fin à sa collaboration, au mieux, à procéder à
sa mutation.
L’AFP avait obtenu il y a une quinzaine de jours, du procureur adjoint du
parquet de Versailles, un rendez-vous à déjeuner, prévu le mercredi 25
octobre. Mais au dernier moment, le mercredi matin, d’une façon pour le
moins cavalière et méprisante, le magistrat à signifié à l’Agence, par la
voix de son assistante ou secrétaire, que le rendez-vous était annulé « pour
raisons d’agenda ».
Cette affaire est très grave et ne doit pas en rester là.
La carrière professionnelle de Raphaëlle est objectivement menacée par un
tenant de l’exécutif qui bafoue, avec le plus intolérable aplomb, les règles
élémentaires de la République et de la démocratie et piétine la liberté de
la presse.
Ce chantage pèse aussi sur l’ensemble des journalistes de l’Agence dans
l’exercice de leur activité professionnelle et plus particulièrement dans
les domaines police-justice et politique, en cette période très sensible
d’échéances électorales et alors que la situation dans les banlieues est de
plus en plus instable.
Le SAJ-UNSA demande avec instance à la Direction Générale, d’affirmer
publiquement sa défense de notre consœur et de condamner fermement les
menaces et l’ostracisme dont elle est injustement victime.
Il lui demande également de saisir le Premier ministre -voire plus haut si
nécessaire- de cette affaire qui constitue une grave entorse à la liberté de
la presse, l’un des piliers de notre démocratie républicaine.
Le SAJ-UNSA appelle l’ensemble des syndicats et le personnel de l’AFP à
soutenir Raphaëlle Picard et à envisager toutes modalités d’action - et
elles sont nombreuses - pour faire cesser cette invraisemblable atteinte au
droit d’informer.
Ce communiqué d’information, tant sur le fond que dans sa forme, et
notamment en ce qui concerne les sources qui ont permis sa rédaction, est de
l’entière et unique responsabilité du Syndicat Autonome des Journalistes de
l’Agence France-Presse.
PARIS, 27 octobre 2006
SYNDICAT AUTONOME DES JOURNALISTES (SAJ-UNSA)