a écrit :Adecco et L'Oréal relaxés dans un procès pour discrimination à l'embauche
LEMONDE.FR | 01.06.06 | 18h04 •
La justice a innocenté, jeudi 1er juin, le fabricant de produits de beauté Garnier, appartenant au groupe L'Oréal, la société de travail temporaire Adecco et une de ses filiales, poursuivis pour discrimination raciale à l'embauche. Tous étaient poursuivis pour "discrimination en raison de l'origine, de la nationalité ou de l'ethnie" et "refus d'embauche" dans le cadre de recrutements au cours de l'année 2000.
L'association SOS-Racisme, partie civile à l'origine de la plainte, a immédiatement annoncé son intention de faire appel du jugement. Le parquet avait requis "des peines d'amende de principe" contre tous les prévenus, dont l'ancien patron de Garnier, Laurent Dubois : les cadres encouraient trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende et leurs sociétés 220 000 euros d'amende.
L'accusation estimait qu'elle disposait d'une preuve matérielle : une mention sur un fax du 12 juillet 2000, envoyé par la société de communication Districom à des agences d'intérim. Ce document précisait les exigences requises pour les animatrices commerciales chargées de promouvoir la ligne de produits Fructis Style en magasin : être âgée de 18 à 22 ans, faire une taille de vêtements comprise entre 38 et 42 et avoir le type "BBR". Pour le parquet, cette mention, qui signifie"bleu-blanc-rouge", est un code connu des agences d'intérim pour exclure les candidats de couleur.
L'auteur de ce document interne avait expliqué à l'audience du 18 mai qu'il s'agissait d'une "initiative personnelle" mais avait réfuté le moindre racisme. Il s'agissait simplement d'une consigne pour recruter des personnes sachant "s'exprimer correctement" en français, avait expliqué la directrice adjointe de Districom, Thérèse Coulange.
DÉCISION "INIQUE", POUR SOS-RACISME
SOS-Racisme avait au contraire fait venir à la barre des employés de Districom, selon lesquels "la consigne 'BBR' signifiait 'pas d'étranger'". L'association avait également fait état de relevés statistiques montrant qu'entre deux opérations promotionnelles en mai et septembre 2000, le pourcentage d'animatrices "non BBR" était passé de 38,7 % à 4,65 %.
Dans sa décision, le tribunal a toutefois jugé que les faits de discrimination n'étaient pas établis. "Aucune parmi les personnes entendues n'avait, en définitive, assisté personnellement à une sélection ayant pu être discriminatoire" et "les poursuites ont été engagées à partir de suppositions et d'approximations ne pouvant caractériser l'élément matériel devant soutenir la culpabilité des prévenus", ont estimé les juges.
L'avocat de SOS-Racisme, Me Dominique Tricaud, a déploré "un double discours de plus en plus lourd, celui du président de la République qui fait de la lutte contre les discriminations une priorité et celui du parquet, qui soutient l'accusation comme la corde soutient le pendu".
Le vice-président de SOS-Racisme, Samuel Thomas, a dénoncé une décision "inique" et "extrêmement inquiétante qui engendre le désespoir par rapport à la justice". Dans un communiqué, le groupe L'Oréal a estimé s'être "trouvé injustement impliqué dans ce procès" et l'avocat de Garnier, Me Jean Veil, s'est réjoui que "le droit (ait) rejoint le bon sens".
Avec AFP et Reuters