par Barikad » 24 Mars 2006, 12:14
Dans la derniere livraison de Débat Militant:
Aux camarades du Parti communiste
Se déroule aujourd’hui un moment important de la vie de votre parti, son congrès. La mobilisation en cours contre le CPE et la généralisation de la précarité, les mobilisations contre le gouvernement et le patronat posent les exigences des salariés et des jeunes et donnent toute leur importance à la question de l’alternative, son contenu, qui est au centre de vos débats.
La question qui se pose à tous ceux qui entendent œuvrer à la défense des intérêts du monde du travail, au progrès social et démocratique, à l’émancipation politique et sociale, est de savoir comment permettre aux luttes sociales et politiques de ces derniers mois de déboucher sur une victoire concrète des salariés, des chômeurs, des jeunes et des femmes, des travailleurs immigrés, des classes populaires.
Après les grandes manifestations du 10 mars et du 4 octobre 2005, celles du 7 février et de mars 2006 combinées à la victoire du Non au référendum du 29 mai indiquent les potentialités nouvelles. Une victoire contre Villepin serait un premier pas important pour commencer une contre offensive du monde du travail, inverser le rapport de force. Elle aiderait au renouveau du mouvement ouvrier qui commence à s’opérer.
L’un des éléments de ce renouveau, qui y contribue, renvoie aux relations entre votre parti et la LCR. Nous nous retrouvons au coude à coude dans les luttes et la campagne unitaire contre le TCE a été un moment fort de ce renouveau démocratique.
Cela nous donne d’importantes et nouvelles responsabilités vis-à-vis du mouvement populaire.
Une nouvelle page s’est ouverte dans les relations entre nos courants politiques. Discuter de nos actions et interventions communes nécessite la clarté politique et donc essayer de définir nos points de convergence ainsi que nos divergences et désaccords. C’est l’objet de nos discussions.
Nous convergeons dans la même volonté de définir, pour reprendre l’expression du projet de base de votre congrès, “ l’actualité du communisme ” après que se sont effondrées les bureaucraties issues de la contre-révolution stalinienne.
Nous convergeons dans la volonté d’agir pour donner corps aux exigences sociales et démocratiques du monde du travail, pour construire une Europe sociale, démocratique, une Europe de la paix. Nous convergeons dans la même conscience que, par delà les frontières, les travailleurs et les opprimés du monde entier ont les mêmes intérêts.
Nous divergeons sur les moyens d’y parvenir et cette question est au centre des débats qui traversent l’ensemble des forces politiques, des militantes et militants qui ont contribué à la victoire du Non.
Nous divergeons sur les moyens de “ changer la vie ”.
Dans le texte 4 du projet de base commune majoritaire après le vote des militants, vous avancez trois propositions principales :
(1) “ travailler à une Union populaire autour d’un projet de profonde transformation sociale antilibérale ”.
(2) Pour les élections présidentielles et législatives, vous proposez un rassemblement sur “ le projet de société et le programme de gouvernement ” élaboré “ dans le débat populaire ”.
(3) “ Dans ce cadre, nous mettons en débat notre conviction qu’une candidature communiste à l’élection présidentielle sera la plus efficace pour porter cette union en témoignant de sa diversité, de son ancrage populaire, de sa représentativité à gauche et dans le pays, du contenu précis d’un projet politique permettant une véritable rupture avec les logiques libérales ”.
Nous ne pensons pas que ces trois axes qui définissent votre politique répondent aux besoins nés de “ la dynamique unitaire populaire et antilibérale du 29 mai ” et surtout aux exigences portées par le mouvement contre le CPE.
Nous avons un premier désaccord sur l’antilibéralisme. Il ne s’agit pas d’une simple question de vocabulaire. L’antilibéralisme laisse entendre qu’il est possible de changer de politique sans changer le système. Toute l’expérience passée, en particulier la vôtre, est là pour démonter que cela est faux. C’est pourquoi nous sommes anticapitalistes, c’est-à-dire que nous pensons qu’il ne peut y avoir de transformations correspondant aux intérêts des classes populaires sans remise en cause de la propriété capitaliste et mise en place d’un réel contrôle de la population sur l’économie et l’Etat.
Cette expérience passée nous a aussi largement prouvé qu’un “ programme de gouvernement ”, aussi antilibéral soit-il, aura bien du mal à résister aux véritables rapports de force entre les classes.
“ Au fond, écrivez-vous en introduction de ce texte 4, il n’est pas possible de changer la vie sans que notre peuple s’empare de la politique. ” Certes, mais quels enseignements tirez-vous des expériences passées qui ont si profondément affaibli votre parti ? “ D’alternance en alternance, depuis plus de vingt ans, écrivez-vous dans le même texte, la gauche, toute la gauche a été mise en échec ”.
N’est-on pas en droit d’en conclure que participer à un gouvernement dans le cadre des institutions est non seulement voué à l’échec mais conduit à composer avec les intérêts des classes dominantes pour finalement s’y plier ?
Comment rompre avec “ les logiques libérales et capitalistes ” si ce n’est par une intervention directe des travailleurs et de leurs organisations dans la vie politique, dans la gestion des affaires de la cité, de l’ensemble de la vie sociale pour contrôler la marche de l’économie et participer à l’administration de la société en fonction des intérêts de l’ensemble de la population ?
Vous proposez une candidature de votre parti pour “ porter cette union populaire ” autour “ d’un projet politique permettant une véritable rupture avec les logiques libérales ”. Nous pensons, pour notre part, à la lumière de ces expériences passées, que cette rupture ne peut être le produit que d’un puissant mouvement populaire mettant en cause les fondements même du capitalisme, la propriété privée capitaliste et financière qui assure aux classes possédantes leur mainmise sur l’économie et l’Etat.
Votre projet politique reste prisonnier du cadre des institutions, des rapports de force électoraux et a besoin, en conséquence, d’alliances électorales dans le cadre institutionnel, c’est-à-dire d’une alliance avec le Parti socialiste.
Votre participation à la réunion du 8 février de toute la gauche vient le confirmer. Certes, vous voulez faire pression sur le Parti socialiste pour qu’il rompe avec le social-libéralisme. Mais souvenons-nous des discours de François Mitterrand avant 1981 sur “ la rupture avec le capitalisme ”. Ils n’ont pas empêché la gauche, une fois au gouvernement, de se plier à la logique capitaliste pour mettre en œuvre une politique libérale.
C’est pour cela que nous sommes convaincus que la seule voie pour rompre avec la logique libérale et capitaliste est l’intervention de la population elle-même pour faire valoir ses droits. C’est pour cela que nous pensons que la tâche de l’heure est de regrouper une opposition ouvrière et populaire capable de faire valoir ses droits quel que soit le gouvernement qui sortira des prochaines échéances électorales et des combinaisons parlementaires qui résulteront de leurs résultats.
Nous sommes des militants de l’unité pour les mobilisations et les luttes et nous nous félicitons des rapprochements qui s’opèrent entre nos deux partis sur ce terrain. Nous souhaitons les voir s’approfondir, se consolider.
Nous sommes aussi partisans de l’unité sur le terrain politique, y compris celui des élections. Mais nous n’avons rien à gagner, les travailleurs n’ont rien à gagner à la confusion. Nous souhaitons des candidatures unitaires sur la base de l’anticapitalisme. Les élections sont une tribune pour les luttes et les mobilisations, pour œuvrer au regroupement du monde du travail autour de ses revendications.
Nous entendons y défendre l’exigence qui s’affirme dans le mouvement contre le CPE : pour en finir avec la précarité et le chômage, un emploi stable et un revenu garanti.
Sans anticiper les décisions qui sortiront des travaux de votre congrès, il n'est pas pour nous concevable de participer à une politique d’union autour d’une “ candidature communiste ” qui s’inscrirait dans la perspective d’une nouvelle union de la gauche et ne porterait pas cette exigence essentielle.
Les mobilisations en cours augurent d’une remontée du mouvement ouvrier et populaire et ouvrent de nouvelles perspectives. Nous avons devant nous une nouvelle page à écrire. Nous voulons le faire avec vous comme avec toutes les forces qui se revendiquent des luttes d’émancipation, mais dans la clarté politique, condition même de rapports démocratiques.
Nous ferons ces expériences nouvelles ensemble en confrontant les idées et les politiques pour, dans la pratique et l’action, travailler à l’actualité du communisme “ au cœur de la lutte de classe qui revêt aujourd’hui des formes multiples ” ainsi que vous l’écrivez.
Nous aurons la possibilité de confronter et d’éclairer nos divergences par les discussions et confrontations à travers l’action commune.
Il y a là déjà un progrès considérable dont chacun ne peut que se féliciter.
Et nous espérons que de ces débats qui se mènent aussi avec l’ensemble des acteurs du mouvement social, naîtra un nouveau rassemblement porteur de la modernité et de l’actualité du communisme, “ en tant que représentation des intérêts du monde du travail et des milieux populaires ”, lutte pour l’émancipation, un parti de tous les communistes.