la justice, machine à broyer les gens du peuple

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Message par pelon » 07 Déc 2005, 23:50

a écrit :
Outreau : la justice, machine à broyer les gens du peuple

Six accusés qui avaient été condamnés en 2004 dans le premier procès pour pédophilie d'Outreau, dans le Pas-de-Calais, ont été acquittés et libérés. Il aura fallu près de cinq ans pour que leur innocence soit reconnue. Il manquait l'un d'eux, qui s'était suicidé après quinze mois de détention provisoire.

Des hauts magistrats à Chirac, en passant par Villepin et le ministre de la Justice, on présente des excuses et on promet des réformes pour que la justice ne soit plus cette machine à briser des vies, comme elle l'a fait dans ce quartier populaire de la ville d'Outreau. Mais comment cette justice pourrait ne pas être à l'image d'une société fondée sur l'injustice, l'inégalité?

À l'ouverture du second procès, le procureur général de Paris parlait, à propos du premier jugement, d'une "véritable catastrophe judiciaire", ajoutant que ce qui s'était passé à Outreau ne représentait pas la justice au quotidien. Cela a fait réagir Dominique Wiel, prêtre ouvrier et l'un des condamnés, incarcéré depuis le 15 novembre 2001, qui venait d'être libéré: "Est-ce que vraiment ce qui s'est passé à Outreau, cela ne se passe jamais dans aucun prétoire de France? J'aimerais bien que ce qu'il dit de la justice au quotidien soit vrai."

Des patrons criminels qui, dans le cas de l'amiante, ont empoisonné des ouvriers en masse, peuvent impunément continuer à faire leurs profits, sans que cette justice y mette un frein. Les preuves matérielles sont pourtant incontestables (ce qui n'a jamais été le cas à l'encontre des treize accusés d'Outreau, innocentés après coup), mais les associations regroupant les victimes de l'amiante et leurs proches doivent encore mener une lutte obstinée pour essayer d'obtenir l'intervention de la justice pénale.

Ce mépris, cette indifférence ou cette dureté envers les gens de milieu populaire, on le retrouve aussi à Outreau. Un des accusés a décrit ainsi son passage devant les juges: "Le président chuchotait à l'oreille de son assesseur. Un autre bâillait. On m'écoutait à peine. Je n'étais plus rien." "On était des pauvres gens, la classe sociale la plus basse. Tout le monde s'en foutait qu'on soit accusés", a déclaré une autre accusée.

Aujourd'hui, derrière les excuses des hauts personnages de l'État, se profile l'idée que le procès d'Outreau serait une bavure exceptionnelle dans l'hermine d'une justice immaculée. Oublié Patrick Dils qui, à dix-huit ans et demi, a été condamné à perpétuité en 1989 pour le meurtre de deux garçons à Montigny-lès-Metz, en Moselle? Son innocence a été reconnue en 2002 après qu'il eut passé quinze ans en prison, victime d'une erreur judiciaire pour laquelle l'État français lui a versé un million d'euros. Quant à Christian Ranucci, représentant de commerce de 22 ans accusé du meurtre d'une fillette dans la région de Marseille, condamné à mort, il a été exécuté le 28 juillet 1976, après une enquête bâclée comme l'avait montré Gilles Perrault dans son livre, le Pull-over rouge. Il faut aussi rappeler Omar Raddad, jardinier marocain, condamné lui aussi après une enquête, elle aussi à l'évidence bâclée. Il a été gracié par Chirac mais jamais réhabilité par cette justice qui refuse obstinément de se déjuger.

Il a fallu attendre 2005 pour que la commission de révision des condamnations accepte le principe d'une procédure de révision de la condamnation de Guillaume Seznec, condamné au bagne en 1924 pour un meurtre dont l'existence même n'a jamais été prouvée, et lui non plus n'a jamais été réhabilité. Dominique Perben, ministre de la Justice lors de la décision de révision s'était félicité à cette occasion, en déclarant: "L'institution judiciaire donne une image ouverte d'elle-même." Et à ces exemples qui ont défrayé la chronique, il faudrait en ajouter bien d'autres.

Rendre la justice n'est sans doute pas facile. Mais ce n'est pas la seule chose qui explique ces "catastrophes judiciaires". Parce qu'elle défend les intérêts d'une minorité de possédants contre la majorité de la population, toute la machinerie de l'État, armée, police, justice est mise à l'abri de tout contrôle de la part des citoyens. "Porter atteinte au moral de l'armée", demander son matricule à un agent de police, critiquer une décision de justice sont même des délits passibles de poursuite.

Qu'on ne s'étonne pas après cela que les "bavures" fassent partie du fonctionnement habituel de ces institutions!

Jean SANDAY

Lutte Ouvrière n°1949 du 9 décembre 2005
pelon
 
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Message par Tiro » 08 Déc 2005, 18:08

J'avais lu un article qui montrait aussi la part importante des médias dans cette affaire. J'crois que c'était sur acrimed, enfin je l'ai pas retrouvé. Cet article parlait aussi de l'augmentation non pas des actes de pédophilie mais de leur couverture médiatique(parce que c'est un thème qui fait vendre des journaux).

Après, sur la pédophilie, si les médias(et pas seulement eux d'ailleurs) arrêtaient d'insister sur son caractère monstrueux, en diabolisant les coupables, peut être que ces derniers iraient plus facilement voir un psy pour parler de leurs attirances sexuelles pour les enfants.
Tiro
 
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Message par Edouard » 08 Déc 2005, 18:52

L'affaire d'Outreau est un véritable drame qui hantera tous ces pauvres gens, certes innocentés, mais marqués à jamais. La question qui me vient à l'esprit est : dans ce genre d'affaire quelle est la responsabilité du juge d'instruction.

:x :x :x :x :x
Edouard
 
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Message par Edouard » 08 Déc 2005, 19:47

Merci Verié pour cet éclairage. En tout cas il y a du pain sur la planche!!!!

:engels: :lenine: :luxemburg: :marx: :trotsky:
Edouard
 
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Message par Puig Antich » 09 Déc 2005, 00:33

Pour continuer sur le même sujet...


a écrit :Révolte des quartiers : la répression continue

    Publié jeudi 8 décembre 2005



    Ceux qui avaient eu la chance d’être remis en liberté le 11 novembre par le juge des libertés et de la détention (quel nom charmant ...) et qui comparaissaient libres aujourd’hui ne le resteront pas : deux et trois mois de prison ferme ont été prononcés par le marchand de justice, pour respectivement une bouteille de white spirit et un feu de poubelle.

Mais reprenons dans l’ordre chronologique cet après-midi du 7 décembre 2005 au tribunal, pour bien rendre l’ambiance particulière qui règne dans ce genre de lieu.

Un femme, « multirécidiviste » puisque condamnée deux fois pour vol (à 5 et 3 mois ferme), comparaissait pour avoir volé 8 bouteilles de gaz pour chauffer la caravane où elle passe l’hiver avec ses 4 enfants et son mari. Le proc’ a requis 8 mois de prison ferme et, fin connaisseur des réalités sociales, n’a pas manqué de lui signifier que la meilleure façon de se procurer de l’argent est de travailler. « Mieux vaut crever la gueule ouverte que d’exercer le métier de procureur » a dû penser une bonne partie de l’assistance, majoritairement présente pour soutenir les prévenu-es, à part deux contrôleurs TCL venus réclamer leurs dédommagements à un jeune fraudeur, qu’ils ont un peu « secoué » avant que l’un d’eux se prenne un direct dans les dents...
La femme, qui doit s’occuper d’un de ses enfants gravement malade, part pour six mois en prison, sans même que son frère, ou son mari, ne puisse lui donner les quelques billets qui lui auraient permis de cantiner : elle attendra le mandat-cash a décidé le juge.

Plus tard, c’était au tour d’une jeune fille d’une vingtaine d’années de devoir justifier son comportement devant le représentant de la Société et les garants de l’Ordre. Rarement de mémoire de spectateur de mascarade judiciaire en free-lance nous n’avions vu et entendu d’explications et de justifications plus claires et plus évidentes, ce qui a d’ailleurs fait tomber d’accord tout le petit cercle des "gens de robe" pour considérer qu’on avait là à faire avec un cas relevant de la psychiatrie, tant ils ont l’habitude des réponses types « je ne sais pas » ou « je regrette ». En effet la jeune fille, accusée d’avoir mordu, insulté et frappé des policiers, et à qui le jugeur demandait « pourquoi vous vous comportez comme ça ? », lui a répondu, de la façon la plus naturelle qui soit : « c’est que j’aime pas la police ». Et quand le même enjuponné, visiblement marqué par son agressivité toute particulière envers les flics mâles, lui demanda pourquoi elle n’aimait pas les hommes, elle lachâ un définitif « c’est tous des enculés » ; on lui pardonne cette insulte homophobe.
Les parties civiles, comme à leur habitude, fixent le prix de leur dignité bafouée (« enculé », vous vous rendez compte !) aux alentours de 500 €.
Le proc’, prenant très au sérieux son rôle de défenseur de la Société, société grandement menacée par une chômeuse SDF qui a arrêté les neuroleptiques, évoque tour à tour dans son réquisitoire « obligation de soin », « obligation de domicile » et « obligation de travail ».
Mais quand il réclame la prison, c’en est trop pour celle qui, non seulement anti-flics et féministe radicale, respecte aussi le slogan « vive libre ou mourir », puisqu’elle a fait une tentative de suicide quelques jours avant pour échapper à une probable « peine privative de liberté ». Alors elle se lève et balance à la face de tout ceux qui veulent lui imposer de vivre comme la Société est sensée l’avoir décidé : « vous êtes tous des enculés, le juge, tous ! je la ferai pas votre prison de merde ! ». Puis elle sort, démolissant au passage le mobilier qui se trouve dans le couloir du tribunal. Comme elle comparaissait libre, qu’il n’y avait à ce moment là pas de flics et que les juges était au fond soulagés de la voir partir, car il ne savaient pas quoi faire de cette fille qui ne respecte pas leur autorité, même pas en apparence comme les autres, elle a pu sortir du tribunal, à la grande satisfaction de l’assistance qui lui souhaite bon courage pour la suite.
La morale de cette histoire, c’est que la franchise paie : elle n’a été condamnée qu’à trois mois avec sursis, par pitié et par incompréhension totale du tribunal. Salut à elle.

Seulement certains n’inspirent pas les mêmes sentiments, comme ce sans-papier, interpellé illégalement dans un squat (comme le rappelle son avocate, squatter ne constitue pas une infraction répréhensible au pénal, donc rien ne justifiait le contrôle d’identité) qui heureusement ne s’est pas présenté à l’audience. Quand il s’agit de faire du chiffre et d’expulser pour faire plaisir au gouvernement, on ne s’arrête pas sur ce que dit la loi, et interpellation légale ou pas, la condamnation tombe : 6 mois et interdiction du territoire de trois ans. Au passage, on notera le réquisitoire “à la louche” : «  je demande à ce qu’il soit condamné à ... pfff [hésitation] ... 9 mois ».

Venons-en à nos émeutiers, ou pseudo émeutiers puisque chacun nie les faits.
Le premier est un jeune de 18 ans, au casier vierge, arrêté à Vénissieux à 19h40 («  en pleine nuit... enfin tard en tous les cas » d’après le juge), le 10 novembre avec une bouteille de white spirit. Il dit l’avoir trouvée dans la rue, mais cela n’a aucune importance, puisque le simple fait d’être en possession d’un produit inflammable dans certaines circonstances peut lui valoir 5 ans de prison.
Il est interpellé à quelques mètre de chez lui, entre le commissariat et la mairie, mais des voitures ont brûlé ce soir-là, et il faut un coupable. De plus un RG a prévenu les flics en patrouille qu’une personne aurait vu quelqu’un répondant à son signalement : « veste blanche » ou quelque chose comme ça, enfin un truc qui permet d’identifier sans hésitation un jeune “en pleine nuit”. À ce propos on peut donc reprendre l’expression d’un camarade : les flics sont parfaitement nyctalopes.
Le procureur requiert 6 mois dont 3 ferme, le tribunal en donne 2 ferme, et peut-être du sursis, tout se passe très vite pendant les rendus des délibérés.

Le second a été arrêté en même temps que Gregory F., dont le procès a été relaté sur Rebellyon (http://rebellyon.info/article1067.html). Le juge, qui en connaît un rayon en matière de justice, n’a pas voulu faire de jaloux, et l’a condamné à la même peine : 3 mois ferme. Pour un p***** de feu de poubelle !
On aura quand même appris avec ce second procès sur la même affaire :
-  que ce n’est pas la gérante de la station service qui a parlé de jerricane d’essence mais les flics dans leurs PV,
-  qu’un type dont les parents doivent être européens depuis Clovis peut « correspondre parfaitement » au signalement « nord africain » (NA comme le dise si administrativement les flics),
-  que le témoin à charge (« un bonne citoyenne », selon le juge, délatrice bien comme il faut) s’était fait brûler sa voiture la veille et n’entretenait pas de très bonnes relations avec les prévenus,
-  et que les procureurs ne reculent devant aucune crapulerie pour rajouter un mois de prison à quelqu’un (enfin ça on s’en doutait). Celui qui officiait ce jour a en effet allégué que la position de A. était pire que celle de Gregory, sans dire en quoi et alors qu’ils ont dit tous les deux la même chose grosso modo, ce que je sais parce que j’étais présent aux deux procès, contrairement à lui.
Ses amis et parents présents ont également manifesté bruyamment leur mécontentement, jusqu’à se faire sortir du tribunal par un flic, et les institutions policières et judiciaires en ont pris pour leurs grades.

Pour conclure, j’encourage tout-es celleux qui veulent prendre conscience de ce que sont ces institutions de se rendre un après-midi au Tribunal de Grande Instance, rue Servient, salle G, au fond à droite. C’est l’occasion de voir des familles de prolos et de gens du voyage partager leur haine des autorités, de disserter avec un ancien militant communiste du manque de politisation supposé des jeunes des quartiers populaires, de comprendre la révolte de ces derniers, et aussi de diffuser l’info qu’un collectif de soutien contre la répression dont ils sont l’objet s’est créé : collectifetatdurgence(arbase)no-log.org, 04 78 27 34 06 (numéro de l’association Témoins).
Puig Antich
 
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