
Pour info, vient de paraître le n°2 des Cahiers de l'Association Raisons D'Agir. Au sommaire, plus particulièrement, une "note de lecture" de Frédéric Lebaron sur "La véritable histoire de Lutte Ouvrière". Voici rapidement quelques extraits :
D'abord, sur l'ouvrage lui-même, Lebaron salut "un dispositif très habile" : Hardy "répond sans esquives aux questions ouvertement critiques d’un journaliste qui a participé (de manière pas (sic) trop malveillante il est vrai) à la formation de cette image très négative ; – il ne fait aucune concession sémantique et multiplie les rectifications, ce qui produit ce qu’on pourrait appeler un « effet de rigueur », opposé aux déformations, simplifications et erreurs des journalistes ; – il témoigne d’une certaine lucidité, voire même d’une véritable capacité réflexive sur son propre parcours et celui de son organisation, en particulier pour la période qui va jusqu’aux années soixante-dix".
Viennent ensuite quelques indications sur la stratégie politique de LO : "diffuser les idées communistes révolutionnaires, principalement au moyen de bulletins d’entreprise" ; "participer, parfois en les impulsant ou les dirigeant, à des luttes collectives" ; "un certain scepticisme sur l’efficacité à long terme des mouvements revendicatifs" ; "une action syndicale, souvent à la CGT, mais pas en tant que militants trotskistes". Bref, en termes bourdieusiens : "accumuler patiemment un capital symbolique et politique qui permettra de faire évoluer à terme le rapport de forces".
Un passage sur les rapports de LO aux médias : l'auteur, qui croit à la force des discours, est surpris de constater à quel point la vision médiatique stéréotypée de LO "a été intériorisée (sic) très largement : que l’on pense par exemple au système d’oppositions entre LO et la LCR commun à la quasi-totalité des commentateurs. LO est « fermée » là où la Ligue est « ouverte » ; LO est « ringarde » là où la Ligue est « branchée », « moderne » ; LO est figée dans une rhétorique des « années trente » là où la Ligue a su s’ouvrir aux « nouveaux courants » (écologie, féminisme, altermondialisme…)". Et Lebaron de se demander en termes abstraits : LO "ne défend-elle pas au fond la permanence de la « question sociale » (sic) et en particulier de la « question ouvrière » (sic), par-delà des enjeux « de luxe » qui s’y surajoutent, parfois, pour mieux l’occulter ?"
Des questions ensuite qui embarrassent l'auteur : "Un ancrage concret et durable de l’action politique dans le monde des ouvriers et des employés est-il possible ? La communication directe par le biais de journaux d’entreprise, qui recensent les atteintes aux conditions d’existence matérielle et morale des salariés, est-elle une bonne méthode (parmi d’autres), alors que les médias audiovisuels privés démagogiques (TF1, M6, etc.) occupent désormais l’essentiel de l’espace ? (...) Quel peut être le contenu de cette action de mobilisation en direction des classes populaires, surtout si l’on considère que le programme politique élaboré par Trotski a été gagné par une obsolescence (sic) certaine ?"
On comprend assez vite quel est l'opinion de l'auteur, maître de conférences à l'université de Picardie, chercheur au Centre de sociologie européenne, président de Raison d'Agir et signataire avec la LCR de tout un tas de pétitions : il dénonce le "message centré sur la seule dénonciation de l’exploitation dans l’entreprise", il repousse la "perspective d’un « ailleurs » communiste toujours aussi mal définie" (et pour cause !) et, évoquant "la diversité des formes de domination" la nécessité d'"être en mesure de proposer des orientations et des propositions concrètes (sic) et crédibles (sic) à tous les niveaux où une action politique est possible plutôt que de camper sur une position de refus absolu"...
L'auteur, au demeurant, prend LO au sérieux : celle-ci n'est-elle pas "une sorte de « reproche vivant » de la gauche historique, celle qui est née du mouvement ouvrier et de sa revendication à incarner l’universel" ? LO n'a-t-elle pas "le mérite de rappeler à la gauche un point central de son action, sans lequel elle perd son identité et sa justification : la lutte contre l’exploitation dans le monde du travail" ? Aussi regrette-t-il que les forums qui veulent "reconstruire la gauche" "oublient significativement d’évoquer, et sans doute d’inviter, les membres de Lutte Ouvrière"... Deux raisons : la première est touchante : "Cet oubli ne peut que renforcer le « sectarisme », constamment dénoncé et réactivé à la fois, de l’Union Communiste Internationaliste" ("sectarisme", dont il expliquait pourtant qu'il ne s'agissait que d'une catégorie médiatique...) ; la seconde est plus intéressante, car elle recele un aveu : "Cet a priori hostile n’augure pas d’une discussion sereine sur l’ancrage populaire (sic) de la gauche future". Car telle est bien le pb pour Lebaron, qui fait ici preuve d'une certaine perspicacité :à quoi bon l'altermondialisme et les idées de Bourdieu si les premiers concernés (ceux qui font de la "question ouvrière" une réalité) s'en battent l'oeil ? Et de se demander, à l'intention de la LCR, si "la seule logique de l’alliance électorale opportuniste pratiquée aujourd’hui par la LCR" est "une réponse de fond aux questions soulevées par LO"...
Puis, surpris par l'audace dont il a fait preuve dans ces propos, Lebaron se reprend et fait mine de s'inquièter en guise de conclusion : "Hardy m'a-t-il trompé" ? "Hardy, habile propagandiste, aurait-il réussi à faire passer une secte puritaine extrémiste pour une gentille organisation ouvrière démocratique ?" Logiquement, dès lors, l'auteur rabâche les clichés habituels sur "l'ascétisme révolutionnaire" de LO, sa discipline, sa rigueur, sans même faire semblant de comprendre que ce sont là pourtant les caractéristiques de bases d'une organisation révolutionnaire qui "lutte contre l’exploitation dans le monde du travail" en toute lucidité...
http://raisonsdagir.org/CahiersRA2.pdf
D'abord, sur l'ouvrage lui-même, Lebaron salut "un dispositif très habile" : Hardy "répond sans esquives aux questions ouvertement critiques d’un journaliste qui a participé (de manière pas (sic) trop malveillante il est vrai) à la formation de cette image très négative ; – il ne fait aucune concession sémantique et multiplie les rectifications, ce qui produit ce qu’on pourrait appeler un « effet de rigueur », opposé aux déformations, simplifications et erreurs des journalistes ; – il témoigne d’une certaine lucidité, voire même d’une véritable capacité réflexive sur son propre parcours et celui de son organisation, en particulier pour la période qui va jusqu’aux années soixante-dix".
Viennent ensuite quelques indications sur la stratégie politique de LO : "diffuser les idées communistes révolutionnaires, principalement au moyen de bulletins d’entreprise" ; "participer, parfois en les impulsant ou les dirigeant, à des luttes collectives" ; "un certain scepticisme sur l’efficacité à long terme des mouvements revendicatifs" ; "une action syndicale, souvent à la CGT, mais pas en tant que militants trotskistes". Bref, en termes bourdieusiens : "accumuler patiemment un capital symbolique et politique qui permettra de faire évoluer à terme le rapport de forces".
Un passage sur les rapports de LO aux médias : l'auteur, qui croit à la force des discours, est surpris de constater à quel point la vision médiatique stéréotypée de LO "a été intériorisée (sic) très largement : que l’on pense par exemple au système d’oppositions entre LO et la LCR commun à la quasi-totalité des commentateurs. LO est « fermée » là où la Ligue est « ouverte » ; LO est « ringarde » là où la Ligue est « branchée », « moderne » ; LO est figée dans une rhétorique des « années trente » là où la Ligue a su s’ouvrir aux « nouveaux courants » (écologie, féminisme, altermondialisme…)". Et Lebaron de se demander en termes abstraits : LO "ne défend-elle pas au fond la permanence de la « question sociale » (sic) et en particulier de la « question ouvrière » (sic), par-delà des enjeux « de luxe » qui s’y surajoutent, parfois, pour mieux l’occulter ?"
Des questions ensuite qui embarrassent l'auteur : "Un ancrage concret et durable de l’action politique dans le monde des ouvriers et des employés est-il possible ? La communication directe par le biais de journaux d’entreprise, qui recensent les atteintes aux conditions d’existence matérielle et morale des salariés, est-elle une bonne méthode (parmi d’autres), alors que les médias audiovisuels privés démagogiques (TF1, M6, etc.) occupent désormais l’essentiel de l’espace ? (...) Quel peut être le contenu de cette action de mobilisation en direction des classes populaires, surtout si l’on considère que le programme politique élaboré par Trotski a été gagné par une obsolescence (sic) certaine ?"
On comprend assez vite quel est l'opinion de l'auteur, maître de conférences à l'université de Picardie, chercheur au Centre de sociologie européenne, président de Raison d'Agir et signataire avec la LCR de tout un tas de pétitions : il dénonce le "message centré sur la seule dénonciation de l’exploitation dans l’entreprise", il repousse la "perspective d’un « ailleurs » communiste toujours aussi mal définie" (et pour cause !) et, évoquant "la diversité des formes de domination" la nécessité d'"être en mesure de proposer des orientations et des propositions concrètes (sic) et crédibles (sic) à tous les niveaux où une action politique est possible plutôt que de camper sur une position de refus absolu"...
L'auteur, au demeurant, prend LO au sérieux : celle-ci n'est-elle pas "une sorte de « reproche vivant » de la gauche historique, celle qui est née du mouvement ouvrier et de sa revendication à incarner l’universel" ? LO n'a-t-elle pas "le mérite de rappeler à la gauche un point central de son action, sans lequel elle perd son identité et sa justification : la lutte contre l’exploitation dans le monde du travail" ? Aussi regrette-t-il que les forums qui veulent "reconstruire la gauche" "oublient significativement d’évoquer, et sans doute d’inviter, les membres de Lutte Ouvrière"... Deux raisons : la première est touchante : "Cet oubli ne peut que renforcer le « sectarisme », constamment dénoncé et réactivé à la fois, de l’Union Communiste Internationaliste" ("sectarisme", dont il expliquait pourtant qu'il ne s'agissait que d'une catégorie médiatique...) ; la seconde est plus intéressante, car elle recele un aveu : "Cet a priori hostile n’augure pas d’une discussion sereine sur l’ancrage populaire (sic) de la gauche future". Car telle est bien le pb pour Lebaron, qui fait ici preuve d'une certaine perspicacité :à quoi bon l'altermondialisme et les idées de Bourdieu si les premiers concernés (ceux qui font de la "question ouvrière" une réalité) s'en battent l'oeil ? Et de se demander, à l'intention de la LCR, si "la seule logique de l’alliance électorale opportuniste pratiquée aujourd’hui par la LCR" est "une réponse de fond aux questions soulevées par LO"...
Puis, surpris par l'audace dont il a fait preuve dans ces propos, Lebaron se reprend et fait mine de s'inquièter en guise de conclusion : "Hardy m'a-t-il trompé" ? "Hardy, habile propagandiste, aurait-il réussi à faire passer une secte puritaine extrémiste pour une gentille organisation ouvrière démocratique ?" Logiquement, dès lors, l'auteur rabâche les clichés habituels sur "l'ascétisme révolutionnaire" de LO, sa discipline, sa rigueur, sans même faire semblant de comprendre que ce sont là pourtant les caractéristiques de bases d'une organisation révolutionnaire qui "lutte contre l’exploitation dans le monde du travail" en toute lucidité...
http://raisonsdagir.org/CahiersRA2.pdf