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Message Publié : 24 Juin 2005, 09:15
par faupatronim
(Le Monde @ vendredi 24 juin 2005 a écrit :L'impact de la réduction du temps de travail sur l'emploi et la productivité des entreprises à la loupe




Au-delà de tout débat partisan, la revue de l'Insee Economie et statistique, publiée vendredi 24 juin, dresse un bilan nuancé de l'application des lois sur les 35 heures. Au total, la mise en place de la semaine de travail de 35 heures a permis de créer 350 000 emplois en plus sur la période 1998-2002 sans que les entreprises en souffrent financièrement.

Le processus de réduction du temps de travail (RTT) "a conduit (...) à un rapide enrichissement de la croissance en emplois de près de 350 000 postes sur la période 1998-2002, et ceci sans déséquilibre financier apparent pour les entreprises", écrivent les auteurs de cette étude. Ils estiment que ce résultat a été obtenu grâce à la recherche d'un "équilibre entre baisse de la durée du travail, modération salariale, gains de productivité et aide de l'Etat".

Selon eux, 40 % des 350 000 emplois ainsi créés ont été "induits par les dispositifs incitatifs" qui ont accompagné la mise en place de la semaine de 35 heures. Ils prennent ainsi le contrepied d'un des arguments de l'actuelle majorité parlementaire et du gouvernement, selon lesquels les lois Aubry sur les 35 heures seraient un frein à la croissance et à l'emploi en France.

Les auteurs estiment toutefois que la baisse de la durée du travail, du fait de la mise en place des 35 heures, a été "globalement" et en moyenne de moindre ampleur que ne le laissaient supposer les études préalables. Avant 1998, les experts tablaient sur la création de 600 000 à 700 000 emplois. Seuls 350 000 ont été créés. Pourquoi cette différence ? "Le temps de travail devait baisser de 10 %, relève l'étude. En réalité, les entreprises ont rarement réalisé cet objectif, grâce à des astuces comme celle qui a consisté à intégrer des jours de congé existants dans les RTT ou en ne payant plus les temps d'habillage." Selon un indicateur de la direction de l'animation et de la recherche des études et des statistiques (Dares) du ministère de l'emploi, la baisse de la durée du travail imputable à la RTT serait ainsi "d'un peu moins de 5 %" sur la même période.


DES ENTREPRISES PLUS PRODUCTIVES

Les 35 heures ont au final bénéficié aux entreprises, et ce via deux biais, la modération salariale et l'augmentation des gains de productivité. La RTT "a contribué à la modération des évolutions salariales", estiment les auteurs de l'étude, selon qui la moitié des salariés passés aux 35 heures en 2000 ont ainsi subi une période de modération ou de gel salarial "de l'ordre de deux ans".

Les gains de productivité réalisés grâce aux 35 heures ont également été supérieurs à ce qui était escompté. "Les gains de productivité apparente du travail ont été de l'ordre de 40 à 50 % de la baisse de la durée du travail, au lieu d'un tiers dans les travaux ex ante", lit-on dans l'étude. "A ce jour, gains de productivité, modération salariale et allègements de cotisations sociales auraient permis de maintenir la compétitivité des entreprises à 35 heures", écrivent ses auteurs.

Quels seront les effets à plus long terme de la réduction du temps de travail sur l'économie ? "La question reste délicate", répondent les experts. "Elle dépend en grande partie de la situation qui prévaudra à la suite de l'harmonisation du smic (qui sera achevée le 1er juillet prochain) et des garanties de rémunération", ainsi que de la pérennisation des allègements de charges liés aux 35 heures. Ils estiment ainsi que la "dynamique des salaires" sera "déterminante dans la pérennisation des emplois" et font valoir que le plafond pour les allègements de charges dont bénéficient les entreprises à 35 heures a déjà été abaissé à 1,6 smic.


Message Publié : 24 Juin 2005, 09:54
par faupatronim
(Libération @ vendredi 24 juin 2005 a écrit : 
Maux et merveilles de la RTT

La revue de l'Insee «Economie et statistique» dresse un bilan sans concessions de l'application des 35 heures en France.



Par Muriel GREMILLET




C'est un sujet à manier avec précaution. Quels sont les véritables effets sur l'économie de la réduction du temps de travail instaurée par les lois Aubry de 1998 ? A droite, les libéraux saisissent la moindre occasion pour dézinguer les 35 heures, qualifiées d'aberration dirigiste, sans effets sur l'emploi. A gauche, c'est la mesure emblématique d'une politique économique qui a su créer des emplois. Economie et statistique, la revue trimestrielle de l'Insee, dresse un bilan complet de la RTT, loin des polémiques et des approximations. Un tableau qui va des effets des 35 heures sur la productivité des entreprises aux conséquences sur la vie privée, et qui dresse surtout un comparatif du nombre d'emplois finalement créés par la RTT par rapport aux simulations réalisées avant le passage aux 35 heures. Au final, ni cataclysme ni miracle. La baisse du temps de travail traverse l'économie française de toutes parts, avec quelques effets inattendus.

Des emplois, mais combien ?

Aujourd'hui, tous les experts s'accordent sur le chiffre. La RTT aurait créé en France, entre 1998 et 2002, aux alentours de 350 000 emplois, pour 2 millions de postes créés sur la même période. Quatre chercheurs de la Dares explorent ce chiffre, en rapprochant les prévisions faites avant le passage aux 35 heures et les chiffres définitifs. Avant 1998, les experts tablaient sur la création de 600 000 à 700 000 emplois. A l'arrivée, une différence de près de 300 000 postes, que les chercheurs expliquent assez facilement. «Le temps de travail devait baisser de 10 %, note un expert. En réalité, les entreprises ont rarement réalisé cet objectif, grâce à des astuces comme celle qui a consisté à intégrer des jours de congé existants dans les RTT ou en ne payant plus les temps d'habillage.» Et dans le privé comme dans le public, les embauches n'ont pas toujours compensé strictement la baisse du temps de travail concédée aux salariés présents, grâce à des gains massifs de productivité. C'est l'une des surprises de ce bilan.

Des entreprises encore plus productives

La RTT, bien que contraignante, devait au final bénéficier aux entreprises. Par une stricte modération salariale, mais aussi grâce à des gains de productivité. Dans de nombreux secteurs, les 35 heures se sont accompagnées de remises à plat des organisations du travail, par la systématisation de l'annualisation du temps de travail. En fonction des commandes, on peut demander aux salariés de travailler plus ou moins. Certaines entreprises ont profité de la négociation des accords 35 heures pour ouvrir des sites de production vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, contre des jours de congé supplémentaires. En 1998, les experts estimaient que les entreprises pouvaient au mieux améliorer leur productivité d'un tiers en baissant le temps de travail. Or il semble que les gains aient été jusqu'à 50 %. Résultat, des entreprises qui n'ont pas eu besoin d'embaucher à la hauteur du temps de travail réduit. Ces mêmes sociétés rechignent aujourd'hui, d'ailleurs, à revenir sur la RTT, qui s'est révélée comme une bonne opération.

Une intensification du travail

Conséquence directe pour les salariés, la RTT, synonyme de plus de temps libre, s'est parfois muée en enfer au boulot. Dans l'ensemble, un sentiment d'«amélioration de la vie quotidienne» ressort de l'enquête «RTT et mode de vie» menée entre 2000 et 2001 auprès de salariés passés aux 35 heures. Avec de fortes disparités, les femmes ayant un enfant de moins de 12 ans à charge se déclarant les plus satisfaites. Mais, dans bien des cas, RTT ne rime pas avec loisirs puisque le temps dégagé sert surtout à assumer les tâches ménagères... Une liberté peut-être cher payée puisque, si un quart des salariés interrogés voient une amélioration de leur situation au travail, généralement chez les cadres, un autre quart voit une dégradation, surtout chez les ouvriers, qui ont un rythme de travail très irrégulier et pour qui la RTT n'a pas été assortie d'embauches. 46 % des personnes interrogées ne voient, elles, «aucun changement».

35 heures, et après ?

Après ce bilan, peut-on imaginer encore baisser le temps de travail pour lutter contre le chômage ? Le climat politique ne s'y prête pas. Mais la RTT a fait ses preuves dans la lutte contre le chômage. «C'est un outil de politique de l'emploi en temps de chômage de masse, analyse un expert. Contre-productif en cas de fortes tensions sur le marché du travail, on l'a vu avec les infirmières. Quand il n'y aura plus de chômage de masse, ça finira bien par arriver, travailler moins sera absurde.» Et dire que ceux qui ont un emploi doivent travailler plus, comme le préconise le ministre de l'Economie , alors que la France compte 10 % de chômeurs, est aussi absurde. «La vertu de la RTT, c'est qu'elle devait permettre de donner un travail à ceux qui n'en avaient pas», note un économiste. Il est toujours bon de s'en souvenir.

Economie et statistique. «La réduction du temps de travail», 14,80 €