
Éditorial IO 690, semaine du 5 au 11 mai 2005
Plus que jamais...
Après avoir annoncé plusieurs semaines durant la victoire du non, les sondages pronostiquent aujourd’hui que le oui l’emportera. N’ayant pas, dans ces colonnes, l’habitude d’accorder une signification particulière aux sondages, nous nous contenterons d’examiner froidement les faits.
Privatisations : « Le ministre de l’Economie a officialisé la décision selon laquelle Gaz de France n’ouvrira pas son capital avant le référendum » (Le Figaro, 29 avril).
Privatisations (bis) : « Le premier train affrété par un opérateur privé — CONNEX, filiale de Véolia-Environnement — doit circuler entre la Meuse et la Sarre (…) d’ici le 12 juin. Il sonnera la fin du monopole de la SNCF dans le transport de marchandises » (Le Figaro, 2 mai).
Aucun rapport avec la « Constitution » européenne, qui stipule que l’Union est un « marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée » (articles I-3-2) ) ? Et que « les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites » (article III-144) ? Et que « sont incompatibles avec le marché intérieur les aides accordées par les Etats membres ou au moyen de ressources d’Etat, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions » (article III-167) ?
Niveau de vie : « Le niveau de vie des salariés chute depuis vingt ans », selon une étude de l’association CERC, citée par La Tribune (29 avril). L’auteur de l’étude précise : « Jusqu’à la fin des années 1980, cette baisse a été en partie compensée par la progression des prestations sociales (…). Depuis 1993, la part des prestations sociales dans les revenus des ménages a diminué. » 1993 : l’an I de l’application du traité de Maastricht et des cri-tères de convergence, débouchant ensuite sur le pacte de stabilité soumettant les dépenses de santé, de retraite, etc., au carcan de l’enveloppe budgétaire. Aucun rapport avec l’Europe ?
Emploi : « L’aggravation du chômage frappe les jeunes de plein fouet (…). En un mois, leur nombre a augmenté de 1,3 %. Ce qui porte le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans à 23,1 % aujourd’hui » (Le Figaro, 30 avril).
Emploi (bis) : « Depuis le 1er janvier, Norbert Dentressangle (numéro 1 français du transport routier — NDLR) emploie ces salariés dans des agences filiales basées en Pologne, République tchèque, Roumanie ou Hongrie pour profiter de la législation locale la plus avantageuse (…). “On a vu la feuille de paie d’un conducteur polonais : pour 3 semaines de travail non stop, on lui donne 300 euros, alors qu’un salaire moyen, ici, c’est autour de 1 500 euros”, s’énerve Damien (un manifestant — NDLR) (…). Le groupe emploierait déjà quelque 200 conducteurs issus des nouveaux pays entrants sur ses 5 300 chauffeurs salariés (dont 4 500 en France) » (Le Parisien, 2 mai). Aucun rapport avec la « Constitution » européenne, qui stipule que « les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites » (article III-144) ?
Projet de loi : il sera soumis le 19 mai prochain au Conseil supérieur de la fonction publique. Son fil conducteur, c’est de démanteler toutes les mesures qui constituent le statut spécifique du fonctionnaire. L’objectif avoué est le mélange public-privé. Il est en particulier prévu d’abroger les dispositions du statut qui interdisent, depuis 1936, à un fonctionnaire d’occuper un emploi privé. La loi vise ouvertement à « développer les échanges entre secteur public et privé, et la pluriactivité des agents publics ». Aucun rapport avec le fameux « service d’intérêt économique général » (SIEG), qui, dans la « Constitution » européenne, prend la place des services publics ? Aucun rapport avec ces SIEG, définis ainsi par le Livre blanc (2004) de la Commission européenne : « Les termes “services d’intérêt général” et “services d’intérêt économique général” ne doivent pas être confondus avec l’expression “services publics” (…). Le fait que les fournisseurs de services d’intérêt général soient publics ou privés n’a pas d’importance dans le droit communautaire. » Allons donc ! Dans l’exposé des motifs, il est indiqué : « Le contexte communautaire pousse également à évoluer. » Et il est explicitement évoqué « l’article 21 de la Charte européenne des droits fondamentaux ».
Profits : « Les banques françaises ont enregistré des bénéfices records en 2004 (…), près de 16 milliards d’euros. C’est le résultat net cumulé des six grands réseaux bancaires français en 2004 » (Les Echos, 29 avril). Ainsi donc, tandis que le pouvoir d’achat des salariés s’effondre, que les services publics sont liquidés et que les droits ouvriers sont démantelés, les profits bancaires explosent. Aucun rapport avec une « Constitution » européenne qui comprend 599 fois le mot « banque » et zéro fois le mot « services publics » ?
Alors, quand on examine froidement et lucidement le cours des choses, quelle conclusion tirer ? Si l’on se place du point de vue des intérêts ouvriers et de la démocratie, il n’y en a qu’une possible : le vote non, plus que jamais.
Daniel Gluckstein
Plus que jamais...
Après avoir annoncé plusieurs semaines durant la victoire du non, les sondages pronostiquent aujourd’hui que le oui l’emportera. N’ayant pas, dans ces colonnes, l’habitude d’accorder une signification particulière aux sondages, nous nous contenterons d’examiner froidement les faits.
Privatisations : « Le ministre de l’Economie a officialisé la décision selon laquelle Gaz de France n’ouvrira pas son capital avant le référendum » (Le Figaro, 29 avril).
Privatisations (bis) : « Le premier train affrété par un opérateur privé — CONNEX, filiale de Véolia-Environnement — doit circuler entre la Meuse et la Sarre (…) d’ici le 12 juin. Il sonnera la fin du monopole de la SNCF dans le transport de marchandises » (Le Figaro, 2 mai).
Aucun rapport avec la « Constitution » européenne, qui stipule que l’Union est un « marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée » (articles I-3-2) ) ? Et que « les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites » (article III-144) ? Et que « sont incompatibles avec le marché intérieur les aides accordées par les Etats membres ou au moyen de ressources d’Etat, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions » (article III-167) ?
Niveau de vie : « Le niveau de vie des salariés chute depuis vingt ans », selon une étude de l’association CERC, citée par La Tribune (29 avril). L’auteur de l’étude précise : « Jusqu’à la fin des années 1980, cette baisse a été en partie compensée par la progression des prestations sociales (…). Depuis 1993, la part des prestations sociales dans les revenus des ménages a diminué. » 1993 : l’an I de l’application du traité de Maastricht et des cri-tères de convergence, débouchant ensuite sur le pacte de stabilité soumettant les dépenses de santé, de retraite, etc., au carcan de l’enveloppe budgétaire. Aucun rapport avec l’Europe ?
Emploi : « L’aggravation du chômage frappe les jeunes de plein fouet (…). En un mois, leur nombre a augmenté de 1,3 %. Ce qui porte le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans à 23,1 % aujourd’hui » (Le Figaro, 30 avril).
Emploi (bis) : « Depuis le 1er janvier, Norbert Dentressangle (numéro 1 français du transport routier — NDLR) emploie ces salariés dans des agences filiales basées en Pologne, République tchèque, Roumanie ou Hongrie pour profiter de la législation locale la plus avantageuse (…). “On a vu la feuille de paie d’un conducteur polonais : pour 3 semaines de travail non stop, on lui donne 300 euros, alors qu’un salaire moyen, ici, c’est autour de 1 500 euros”, s’énerve Damien (un manifestant — NDLR) (…). Le groupe emploierait déjà quelque 200 conducteurs issus des nouveaux pays entrants sur ses 5 300 chauffeurs salariés (dont 4 500 en France) » (Le Parisien, 2 mai). Aucun rapport avec la « Constitution » européenne, qui stipule que « les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites » (article III-144) ?
Projet de loi : il sera soumis le 19 mai prochain au Conseil supérieur de la fonction publique. Son fil conducteur, c’est de démanteler toutes les mesures qui constituent le statut spécifique du fonctionnaire. L’objectif avoué est le mélange public-privé. Il est en particulier prévu d’abroger les dispositions du statut qui interdisent, depuis 1936, à un fonctionnaire d’occuper un emploi privé. La loi vise ouvertement à « développer les échanges entre secteur public et privé, et la pluriactivité des agents publics ». Aucun rapport avec le fameux « service d’intérêt économique général » (SIEG), qui, dans la « Constitution » européenne, prend la place des services publics ? Aucun rapport avec ces SIEG, définis ainsi par le Livre blanc (2004) de la Commission européenne : « Les termes “services d’intérêt général” et “services d’intérêt économique général” ne doivent pas être confondus avec l’expression “services publics” (…). Le fait que les fournisseurs de services d’intérêt général soient publics ou privés n’a pas d’importance dans le droit communautaire. » Allons donc ! Dans l’exposé des motifs, il est indiqué : « Le contexte communautaire pousse également à évoluer. » Et il est explicitement évoqué « l’article 21 de la Charte européenne des droits fondamentaux ».
Profits : « Les banques françaises ont enregistré des bénéfices records en 2004 (…), près de 16 milliards d’euros. C’est le résultat net cumulé des six grands réseaux bancaires français en 2004 » (Les Echos, 29 avril). Ainsi donc, tandis que le pouvoir d’achat des salariés s’effondre, que les services publics sont liquidés et que les droits ouvriers sont démantelés, les profits bancaires explosent. Aucun rapport avec une « Constitution » européenne qui comprend 599 fois le mot « banque » et zéro fois le mot « services publics » ?
Alors, quand on examine froidement et lucidement le cours des choses, quelle conclusion tirer ? Si l’on se place du point de vue des intérêts ouvriers et de la démocratie, il n’y en a qu’une possible : le vote non, plus que jamais.
Daniel Gluckstein