a écrit :Il faut dans notre expression on distincte ce qui relève de la contrainte et de l'exploitation et ce qui relève du choix-que certains condamnent- mais qui reste un choix de majeures.
ne banalisons pas la prostitution en faisant une différence majeur/mineur je ce texte à la reflexion à ce sujet de rhéa jean , philosophe
http://sisyphe.org/article.php3?id_article=307Le Soleil vient de franchir une nouvelle étape dans la banalisation de la prostitution. Je suis d’accord avec l’auteure* pour dire que les jeunes filles sont en danger. Par contre, là où je suis en désaccord, c’est lorsqu’elle perpétue la dichotomie majeur/mineur, qui selon moi est responsable de la banalisation de la prostitution. Selon cette idée reçue, il y aurait un âge "acceptable" pour acheter un corps de femme et la prostituée de 18 ans serait "consentante". Pourtant, à 18 ans, une femme est-elle davantage "prête" a se prostituer que lorsqu’elle a 17 ans ? L’argument de la maturité sexuelle tient-il vraiment quand on sait que bien des filles de 18 ans n’ont connu souvent que des déceptions sexuelles (déceptions qui les amènent d’ailleurs à concevoir leur sexualité comme un "travail") ou n’ont eu que peu d’expériences sexuelles ?
Pour moi, il n’existe pas de frontière réelle entre la prostitution infantile et la prostitution d’adulte puisque la prostituée d’aujourd’hui est souvent l’enfant ou l’adolescente abusée d’hier. Le jour où elle souffle ses 18 bougies, elle ne se transforme pas tout d’un coup en "professionnelle" autonome ! D’ailleurs, la prostitution en soi est le contraire de l’autonomie sexuelle : parce que je n’ai pas de désir et que je ne te choisis pas, je veux que tu me donnes une compensation financière. L’autonomie sexuelle, ce n’est pas recevoir de l’argent, mais vivre sa sexualité en tenant compte de son désir et son plaisir. En ce sens, toute prostitution est éthiquement inacceptable et tous ceux qui tentent de détruire l’autonomie sexuelle d’une femme à travers la marchandisation de son corps agissent de façon contraire à l’éthique et aux droits humains.
De plus, plusieurs études ont démontré qu’il n’existe pas de profil particulier d’amateur de prostituées mineures. En effet, les pédophiles sont tout simplement des prostituphiles (communément appelés "clients" par une société archaïque qui ne voit pas le mal d’acheter du sexe, c’est-à-dire la société "évoluée" d’aujourd’hui) qui " essaient " parfois ou souvent des enfants et ce, à cause d’une vision malsaine de la sexualité (le goût du " péché "), la peur du sida (en essayant d’acheter les " services " d’un enfant vierge), etc. Comme l’affirme la psychothérapeute Suzanne Képès, " il n’y a aucune différence fondamentale entre le client des adultes et le client des enfants. AUCUNE. C’est une question de degré ".
Les gens naïfs ont tendance à se rassurer en se disant qu’ici, ce n’est pas la Thaïlande, qu’il n’y a pas de danger pour les enfants. Pourtant, lorsqu’on observe les annonces classées d’ " escortes " dans les journaux , on y remarque que les jeunes femmes de 18 ans sont les plus en demande, ce qui prouve que la plupart des amateurs de prostituées ont un faible pour la chair tendre et que seule la loi les empêche de prendre des filles plus jeunes. Les bars gays pullulent quant à eux de " jeunes éphèbes " se trémoussant. La sexualité pédophile n’est-elle pas en train, petit à petit, de s’immiscer insidieusement dans notre quotidien ? Quand on sait que les jeunes font l’amour de plus en plus tôt, qui nous dit que l’idée de la " libération sexuelle " des jeunes ne sera pas un jour récupérée par les gens en faveur de la prostitution ? En effet, ils pourront très bien affirmer que, puisque les jeunes de 14-15 ans peuvent être actifs sexuellement, ils pourraient donc devenir prostitué-es comme n’importe qui d’autre. À ce moment-là, l’âge légal s’abaissera encore pour satisfaire la demande des prostituphiles et pour concurrencer le tourisme sexuel des pays plus pauvres et plus " permissifs ".
Si vous ne vous opposez pas à TOUTE prostitution aujourd’hui, comment vous sentirez-vous demain lorsque vous vous apercevrez que le système force davantage les jeunes à devenir des prostituées plutôt que des écolières ?
un livre à lire poulin
Richard Poulin est bien connu des services de Nouvelles Questions Féministes, puisqu’il a présenté une communication aux ateliers NQF Congrès Marx en septembre 2001. C’est un auteur prolifique qui a beaucoup écrit sur la pauvreté, le marxisme, la mondialisation, et... la prostitution. Ce qui en fait un auteur original, car il est rare que les spécialistes du néolibéralisme, y compris ses contempteurs, s’intéressent à la prostitution. Et pourtant, pour Richard Poulin, cela coule de source. Car, à ses yeux, la prostitution est d’abord une marchandisation des femmes et des enfants, des victimes du système patriarcal, et ne se comprend que dans le cadre de la domination masculine. C’est pourquoi il s’étonne et s’indigne que les féministes puissent en soutenir le principe au nom de la liberté et du à l’autodétermination.
Son petit livre, très condensé, est à la fois un état des lieux au niveau mondial, une polémique avec ces féministes « pro-prostitution », et un manifeste pour un véritable abolitionnisme qui prendrait à bras-le-corps l’ensemble du problème dans le but d’en finir avec la prostitution et non de l’aménager.
Poulin attire l’attention sur le développement quantitatif de la prostitution ; sa thèse est que cette croissance, ahurissante, est concomitante du développement de la mondialisation néolibérale et du creusement des inégalités sociales et genrées. En effet, le système patriarcal est aussi un système de placement dans le système capitaliste : les femmes et les enfants y sont en bas, et constituent la majorité écrasante des pauvres de ce monde (par exemple, en France, 80% des personnes payées moins que le salaire minimum sont des femmes). Il se demande comment on peut, quand un si grand nombre de femmes et d’enfants n’ont tout simplement pas les moyens de survivre, raisonner en termes de libre choix. Plus, il montre tout au long de son livre que la légalisation de la prostitution ne profite nullement aux prostituées, mais aux États, par les diverses taxes aux proxénètes et aux organisateurs du trafic d’êtres humains à des fins de prostitution. Les bénéfices engendrés par ces activités sont stupéfiants : ils sont évalués aujourd’hui à 1 000 millions de dollars. A ses yeux, on ne peut, comme le font certain-e-s, nier les liens entre la traite des êtres humains et la prostitution. La traite, dit-il, ne peut être combattue tant que la prostitution est acceptée, car la traite n’existe que pour fournir des personnes à prostituer.
Or, on distingue la traite « légale » de la traite « illégale » : celle-ci se réduit à l’entrée illicite dans un pays. Mais le Canada, la Suisse, la Corée du Sud, la Slovénie, pour ne citer que ceux-là parmi de nombreux pays, donnent chaque année des milliers de permis pour des boulots de « danseuses nues » : la traite « légale » aboutit bel et bien à la prostitution. Et celle-ci ne fait que grandir : le nombre de personnes prostituées est passé, en Thaïlande, de 20000 dans les années 50, à 2 millions aujourd’hui. Avec elle, la traite augmente : en 2004, l’Unicef a estimé à 1 200 000 le nombre d’enfants victimes de trafiquants.
S’attaquant à l’argument du « libre choix », Poulin dit qu’il fait bon marché de la place sociale des personnes qui sont dans la prostitution : en majorité des personnes issues des couches les plus défavorisées de chaque société, à tous les points de vue. Or, si la prostitution était choisie, pourquoi les minorités de chaque pays y seraient-elles surreprésentées ? Cet argument, ajoute-t-il, ne tient aucun compte non plus de l’âge moyen d’entrée dans la prostitution : 14 ans dans les « pays impérialistes », plus jeunes encore ailleurs ; ni du fait que montrent les études : 80% des personnes aujourd’hui prostituées ont été victimes de violences sexuelles, souvent incestueuses, dans leur enfance. Car, dans les mêmes conditions économiques, toutes les femmes ne deviennent pas prostituées. Cette violence initiale, suivie de la violence des proxénètes pour casser la volonté et l’autonomie de leurs recrues, ne s’arrête jamais : entre 50 et 80% des personnes prostitué-e-s ont été victimes de viols et d’autres violences de la part des clients.
Les risques du métier sont énormes : violences exercées par les clients - que Poulin appelle les « prostitueurs » - alcoolisme, addictions aux drogues, dépression, stress post-traumatique, suicides et tentatives de suicide, dans des proportions que les autres femmes ne connaissent pas.
Sur ce chapitre, beaucoup des avocat-e-s de la prostitution comme métier répondraient à Poulin que ces risques sont liés aux conditions actuelles, en tous les cas dans les pays non réglementaristes, comme la France, de l’exercice de la prostitution. Or il apparaît que ces risques ne sont pas diminués par la réglementation, corollaire de la légalisation, car pour échapper aux contraintes réglementaires, beaucoup de prostitué-e-s ne se déclarent pas, et ne bénéficient pas de la « protection » que les bordels sont censés assurer, avec l’enfermement.
Bien que la description de la réalité horrible de la prostitution, et du trafic - la vente et l’achat de personnes - qu’elle engendre, militent contre sa reconnaissance comme métier, ce n’est pas encore ce qui l’emporte dans l’argumentation. À mon sens, le problème le plus important soulevé par le débat entre abolitionnistes et néo-réglementaristes ou partisanes de la prostitution comme métier, c’est que si ces derniers et dernières mettent en avant la parole des femmes, il ne s’agit que de celles qui exercent encore, et jamais de celles qui en sont sorties, ni de celles qui souhaitent en sortir. Les deux camps ne parlent jamais des mêmes personnes, ni de la même parole. Certes, il faut prendre en compte celles qui s’estiment heureuses et accomplies dans la prostitution, mais aussi celles qui ont tout fait pour en sortir, qui parlent de la schizophrénie obligatoire pour survivre dans la prostitution, et qui se considèrent justement comme des « survivantes ». Et il importe aussi (bien que Poulin n’en parle pas), de prendre en compte, outre les ex-prostituées, les jamais-prostituées.
Car le patriarcat comporte cette possibilité, et y échapper est aussi un choix, qui comporte des sacrifices comme tout choix ; à côté de celles qui ne voulaient pas être caissières, il y a celles qui SONT caissières : c’est une décision qui parle, qui dit ce que certaines femmes sont prêtes à supporter pour ne PAS être prostituées. Et on ne peut qu’être d’accord avec Poulin quand il insiste sur Le droit fondamental de ne pas être prostitué-e.
Poulin termine sur un bref historique des positions abolitionnistes, qui, selon lui, ont dû passer des compromis historiques tels que seul un demi-abolitionnisme a été mis en place (et encore, dans certains pays seulement). Un réel abolitionnisme, écrit-il, abolirait toutes les brimades et pénalités envers les prostituées, et pénaliserait au contraire les hommes qui vendent - les proxénètes - mais aussi achètent - les services sexuels d’autrui (comme il est maintenant fait en Suède). Et les États, au lieu de profiter de la manne de la traite et de la prostitution, devraient mettre en place des lieux et des institutions répondant à tous les besoins des femmes et enfants qui veulent, et c’est le cas de 80% d’entre elles et d’entre eux, sortir de la prostitution.
Une lecture indispensable, et un excellent outil pédagogique.
Richard Poulin, Abolir la prostitution, Montréal, 2006, éditions Sisyphe, Coll. Contrepoint, 125 pages.