Je n'ai pas retrouvé le nombre d'ouvriers proprement dit, mais un chiffre qui indique ce qui pouvait en rester: durant la guerre civile, la population de Pétrograd passe de 2 200 000 personnes à... 700 000 personnes.
Juste une remarque sur le développement du stalinisme. Staline s'est appuyé pour assoir son pouvoir sur une mince couche de bureaucrates (ou bureaucrates en devenirs pour certains) qui trouvaient en lui un allié pour conserver leurs infimes privilèges (infimes en termes de quantité, mais qui permettaient ou non de ne pas mourir de faim).
Mais il s'est aussi appuyé sur un sentiment "naturel" de la part des ouvriers russes. Beaucoup de ceux qui revenaient de la guerre civile, revenaient épuisés, physiquement et moralement. Ils n'aspiraient plus qu'au calme et que les travailleurs puissent profiter du nouveau régime mis en place par la révolution. C'est ce que Trotsky résume quand il dit que la révolution est une "dévoreuse d'hommes": les meilleurs s'y épuisent en quelques années.
C'est exactement ce que proposait Staline: conserver les acquis et ne pas continuer une politique révolutionnaire active: normaliser la situation avec le reste du monde (c'est à dire abandonner la perspective de la révolution mondiale) pour assurer le "socialisme dans un seul pays".
Contre cette tendance naturelle, il fallait qu'une nouvelle génération de révolutionnaires se lève pour continuer l'oeuvre des ainés. C'est sur cette génération que Lénine et Trotsky ont voulu s'appuyer pour lutter contre la bureaucratie naissante, qui recherchait le statu-quo. C'est pour cela qu'ils comptaient sur l'extention de la révolution, pour apporter un sang neuf, un enthousiasme nouveau.
Tu ne peux pas dire comme tu le fais qu'ils ont été corrompus par le pouvoir. C'est tout le contraire. Il est extraordinaire que Trotsky, qui était le principal dirigeant de la révolution après Lénine, dirigeant de l'armée rouge, sauveur de la révolution, ait eu l'énergie et le courage de tout recommencer à zéro, de ne pas se rallier à la bureaucratie comme tant d'autres, de ne pas céder à la facilité du "socialisme dans un seul pays". Si il avait voulu faire la politique de Staline, il aurait été infiniment mieux placé que lui pour la mener. Il a fait le choix inverse: s'appuyer sur la combativité ouvrière et sur la révolution mondiale pour continuer la révolution en Russie.