(luc marchauciel @ mardi 19 avril 2011 à 13:13 a écrit :Parce que tu trouves que la prostituée est dégradée par son activité, peut -être ?
Ce n'est pas comme ça que tu vas me convaincre qu'il n'y a rien de catho dans ta morale.
Et pourquoi c'est selon toi "dégradant" de se prostituer ?
Sur le "pourquoi", Remarque a plutôt bien répondu... Et non, penser que la prostitution est dégradante n'a rien de "catho". Considérer la prostitution comme une activité dégradante est commun à de très nombreuses sociétés. C'est même souvent considéré comme l'une des activités les plus dégradantes en soi. Contraindre une femme à se prostituer revient à lui signifier son infériorité sociale, du coup les femmes qui se prostituent se mettent de fait au même niveau de l'échelle, c'est à dire le plus bas.
Tiens, par exemple, j'ai lu récemment
Kamui Den, un manga de
Shirato Sampei (j'en avais parlé dans
ce fil). L'histoire se déroule au Japon, sous l'ère Edo (l'époque féodale) ; l'auteur est japonais, et communiste (stalinien). On ne peut donc pas dire que c'est de la littérature catholique ! Et pourtant, à un moment, il rappelle une loi de l'époque féodale : "tous les paysans, grands ou petits, doivent avoir un cheval ou un boeuf. Ceux qui n'en auront pas pour labourer leur terrain, mettre du fumier dans leur champ et transporter leurs impôts devront envoyer leur femme et leurs filles en service afin d'acheter une bête". Il est précise que "service" signifie bien sûr prostitution. Shirato Sampei utilise justement ce caractère dégradant de la prostitution comme un ressort dramatique dans son récit. Alors on peut dire peut-être qu'en fait il est sous l'influence du Vatican, mais franchement j'en doute.
Sinon :
a écrit :[je dis "vous" parce que j'ai l'air d'être seul contre tous, ce qui ne me plaît pas vraiment]
Fais gaffe, l'impression d'être seul contre tous est souvent trompeuse. En fait j'ai l'impression en lisant ce fil que beaucoup d'intervenants ont des avis très différents, avec des arguments plus ou moins bons mais pas de même nature. Tu écris des choses intéressantes, et parfois justes et pertinentes - par exemple lorsque tu écris qu'on devrait se méfier de la notion d'"aliénation" lorsqu'on l'utilise pour disqualifier un discours adverse, ça fait réfléchir, c'est sûr. Et puis tu donnes des références, ce qui est bien. Cependant quand tu dis une grosse bêtise, c'est inévitable que tout le monde te tombe dessus, et là si tu crois que la prostitution n'est pas dégradante, ou qu'on ne devrait pas le dire, ou pas le prendre en compte quand on en discute... ben c'est une grosse bêtise.
Sur la loi, faut-il pénaliser ou non la prostitution, et qu'est-ce qu'on pénalise, et qui : proxénétisme, racolage, est-ce qu'il faut pénaliser les clients... Je ne sais pas. Une telle loi ne réglera sans doute rien, et peut-être même ne fera qu'empirer la vie des prostituées en les marginalisant encore plus, en les laissant uniquement face à des "clients" qui seront de fait hors la loi, et une fois passées les bornes il n'y a plus de limites. Pourtant, il y a un truc qui me chagrine : l'absence de loi contribue à faire croire qu'il est légitime pour tout un chacun d'avoir "recours à la prostitution". Et lorsqu'on écoute certains (Philippe Caubère par exemple) on croirait presque que ce qui est anormal c'est de ne pas aller aux putes ! Un autre exemple : il y a quelques années j'avais posté ici un reportage publié dans le journal Libération, intitulé
«Loue studette contre pipe». Il rapportait que du fait de la crise du logement, on voyait apparaître un certain nombre de petites annonces du type "collocation pour jeune femme contre services" - encore une fois, pas nécessaire de préciser le sens de "services". Les hommes qui proposent ça sont-ils dans leur bon droit ? Dans le fond, c'est le même problème.