Punir les clients des prostituées ?

Tout ce qui touche de près ou de loin à l'actualité politique en France

Message par luc marchauciel » 19 Avr 2011, 17:04

Oui, tu as raison, Jacquemart (aussi étrange que cela puisse paraître.... ;) ), il y a une oscillation entre deux aspects de la question.
Sur l'un, j'ai un avis définitif et tranché : la pénalisation de la prostitution est une connerie (et c'est ça le principal).
Sur l'autre, sur le "statut ontologique de la prostitution", si on veut (du genre : fondamentalement, que penser de cette pratique ?), je suis moins clair. La stigmatisation du genre "les femmes de mauvaise vie" (qui est un peu le truc de Remarque dans ses denriers posts) me semble une connerie vaticane, mais l'extrême inverse (un métier comme un autre) ne me semble pas coller au réel non plus.
Je me dépatouille entre les deux avec mon principe moral absolu du contentement réciproque, sans condmaner en soi l'acte marchand relatif au sexe. Mais comme ma position pratique est de ne pas légiférer spécifiquement sur la prostitution, je retombe à peu près sur mes pieds, je pense.
luc marchauciel
 
Message(s) : 73
Inscription : 12 Avr 2008, 18:37

Message par luc marchauciel » 19 Avr 2011, 17:05

(Jacquemart @ mardi 19 avril 2011 à 17:42 a écrit :
Alors, ensuite, dans la prostitution, faut-il pénaliser ou non, qui, comment, en attendant de pouvoir prendre le problème à la racine, c'est une autre discussion.
Oui, mais c'est précisément celle que j'ai voulu lancer.
luc marchauciel
 
Message(s) : 73
Inscription : 12 Avr 2008, 18:37

Message par Remarque » 19 Avr 2011, 18:53

Heureusement que je ne crois pas à la psychanalyse, Luc, sinon je disserterai longuement sur ton "lapsus" consentement/contentement"....

Pour le reste je suis désolé mais tu ne comprends rien. Résumer ce que je dis à : "ce sont des femmes de mauvaise vie" c'est stupide. C'est une étrange façon de discuter que de prêter des expressions "vaticanes", comme tu dis, aux gens qui ne les ont jamais dites, puis de les accuser d'avoir des positions vaticanes.
Donc, puisqu'il faut s'expliquer : je ne dis pas que les prostituées sont des femmes de mauvaise vie, mais qu'elles ont UNE VIE DE MERDE.

Une vie POURRIE par le fait qu'elles sont humiliées en permanence par des types qui les considèrent et les traitent comme des objets. Et le fait que certaines d'entre elles le fassent volontairement ne change strictement rien au problème. L'argument du consentement, ça va bien. On passe notre temps (et toi aussi j'en suis sûr) à se prendre dans la tête les arguments des gens qui ne comprennent pas qu'on ne "laisse pas les gens faire ce qu'ils veulent". Tu n'as jamais eu ce type de discussion ? Ca m'étonnerait. Toi qui es prof, apparemment, tu n'as jamais eu "la fameuse" discussion sur les heures sup avec des collègues, et eu "la fameuse" réponse : mais merde, laissez les gens faire ce qu'ils veulent ? Les heures sup, ça se fait par consentement. Pourtant, je suis sûr que tu milites contre. Alors ?
Je ne vais pas redire ce qu'on dit d'autres : le consentement, ça ne veut strictement rien dire. Et ce n'est certainement pas sur ça, ou plutot QUE sur ça qu'on va prendre position. Où tu commences, où tu t'arrêtes ? Il y a quelques mois, dans mon immeuble, j'ai entendu à un autre étage une fille qui se faisait péter la gueule par son connard de copain. J'y suis allé, j'ai cogné à la porte, évidemment pas de réponse. J'ai appelé les flics. Ils sont venus, ils ont fait ouvrir sous menace d'enfoncer la porte. J'étais là, j'ai vu la fille avec la gueule en sang, et doublée de volume. Elle a dit : pas de problème, mr l'agent. Non, je suis tombée. Mais non, je ne porte pas plainte, pourquoi ?
Elle était "consentante" ? stricto sensu, oui. Et alors ?
C'est l'argument de Badinter, d'ailleurs.
S'il y a une chose qui me hérisse, c'est qu'on prenne des positions "politiques" en oubliant juste ce qu'il y a derrière de souffrance, de douleur, d'humiliation, de honte de soi-même. Le côté humain quoi.
En passant, tu me réponds sur le relativisme scientifique,ok. Mais moi j'avais en tête le relativisme culturel, qui fait que je suis sûr que plein de femmes sont consentantes pour porter la burqa et se faire exciser.
Remarque
 
Message(s) : 0
Inscription : 13 Avr 2005, 18:26

Message par Matrok » 19 Avr 2011, 19:07

(luc marchauciel @ mardi 19 avril 2011 à 13:13 a écrit :Parce que tu trouves que la prostituée est dégradée par son activité, peut -être ?
Ce n'est pas comme ça que tu vas me convaincre qu'il n'y a rien de catho dans ta morale.
Et pourquoi c'est selon toi "dégradant" de se prostituer ?


Sur le "pourquoi", Remarque a plutôt bien répondu... Et non, penser que la prostitution est dégradante n'a rien de "catho". Considérer la prostitution comme une activité dégradante est commun à de très nombreuses sociétés. C'est même souvent considéré comme l'une des activités les plus dégradantes en soi. Contraindre une femme à se prostituer revient à lui signifier son infériorité sociale, du coup les femmes qui se prostituent se mettent de fait au même niveau de l'échelle, c'est à dire le plus bas.

Tiens, par exemple, j'ai lu récemment Kamui Den, un manga de Shirato Sampei (j'en avais parlé dans ce fil). L'histoire se déroule au Japon, sous l'ère Edo (l'époque féodale) ; l'auteur est japonais, et communiste (stalinien). On ne peut donc pas dire que c'est de la littérature catholique ! Et pourtant, à un moment, il rappelle une loi de l'époque féodale : "tous les paysans, grands ou petits, doivent avoir un cheval ou un boeuf. Ceux qui n'en auront pas pour labourer leur terrain, mettre du fumier dans leur champ et transporter leurs impôts devront envoyer leur femme et leurs filles en service afin d'acheter une bête". Il est précise que "service" signifie bien sûr prostitution. Shirato Sampei utilise justement ce caractère dégradant de la prostitution comme un ressort dramatique dans son récit. Alors on peut dire peut-être qu'en fait il est sous l'influence du Vatican, mais franchement j'en doute.

Sinon :
a écrit :[je dis "vous" parce que j'ai l'air d'être seul contre tous, ce qui ne me plaît pas vraiment]


Fais gaffe, l'impression d'être seul contre tous est souvent trompeuse. En fait j'ai l'impression en lisant ce fil que beaucoup d'intervenants ont des avis très différents, avec des arguments plus ou moins bons mais pas de même nature. Tu écris des choses intéressantes, et parfois justes et pertinentes - par exemple lorsque tu écris qu'on devrait se méfier de la notion d'"aliénation" lorsqu'on l'utilise pour disqualifier un discours adverse, ça fait réfléchir, c'est sûr. Et puis tu donnes des références, ce qui est bien. Cependant quand tu dis une grosse bêtise, c'est inévitable que tout le monde te tombe dessus, et là si tu crois que la prostitution n'est pas dégradante, ou qu'on ne devrait pas le dire, ou pas le prendre en compte quand on en discute... ben c'est une grosse bêtise.

Sur la loi, faut-il pénaliser ou non la prostitution, et qu'est-ce qu'on pénalise, et qui : proxénétisme, racolage, est-ce qu'il faut pénaliser les clients... Je ne sais pas. Une telle loi ne réglera sans doute rien, et peut-être même ne fera qu'empirer la vie des prostituées en les marginalisant encore plus, en les laissant uniquement face à des "clients" qui seront de fait hors la loi, et une fois passées les bornes il n'y a plus de limites. Pourtant, il y a un truc qui me chagrine : l'absence de loi contribue à faire croire qu'il est légitime pour tout un chacun d'avoir "recours à la prostitution". Et lorsqu'on écoute certains (Philippe Caubère par exemple) on croirait presque que ce qui est anormal c'est de ne pas aller aux putes ! Un autre exemple : il y a quelques années j'avais posté ici un reportage publié dans le journal Libération, intitulé «Loue studette contre pipe». Il rapportait que du fait de la crise du logement, on voyait apparaître un certain nombre de petites annonces du type "collocation pour jeune femme contre services" - encore une fois, pas nécessaire de préciser le sens de "services". Les hommes qui proposent ça sont-ils dans leur bon droit ? Dans le fond, c'est le même problème.
Matrok
 
Message(s) : 177
Inscription : 12 Mars 2003, 21:43

Message par shadoko » 19 Avr 2011, 21:38

a écrit :
Je me dépatouille entre les deux avec mon principe moral absolu du contentement réciproque, sans condmaner en soi l'acte marchand relatif au sexe.

Je ne sais pas très bien où tu te dépatouilles, mais ton argumentation me fait penser aux champions du libéralisme économique: tout le monde est consentant sur le marché. Franchement, cette espèce d'idéalisation d'un principe (le "consentement") sans regarder la donne autour, c'est tout sauf une approche marxiste des choses. Je crois que Marx répondait ironiquement que le libéralisme est "un renard libre dans un poulailler libre".
shadoko
 
Message(s) : 2
Inscription : 17 Juin 2004, 19:35

Message par Gaby » 19 Avr 2011, 21:39

(shadoko @ mardi 19 avril 2011 à 22:38 a écrit : Franchement, cette espèce d'idéalisation d'un principe (le "consentement") sans regarder la donne autour, c'est tout sauf une approche marxiste des choses. Je crois que Marx répondait ironiquement que le libéralisme est "un renard libre dans un poulailler libre".
Dans mon souvenir, c'est Lénine l'auteur. Je peux me tromper.
Gaby
 
Message(s) : 401
Inscription : 27 Fév 2004, 10:53

Message par Zappa » 20 Avr 2011, 00:10

(Remarque @ lundi 18 avril 2011 à 23:52 a écrit : Ca me rappelle une discussion avec une fille de la JCR qui m'a expliqué un jour qu'elle même se prostituait pour payer son loyer, et en faisait un acte féministe militant, parce que c'est "le summum de la liberté" que de ne plus considérer son corps que comme un outil de travail, voyez-vous, c'est tellement prendre le contrepied de la morale bourgeoise et de la sanctification du corps des femmes, etc.

Ah Ah je crois savoir de qui tu parles. Pour info elle n'est plus en lien avec la LCR/NPA et déjà à l'époque... Ils avaient tendance à " intégrer " très vite les gens parce qu'ils avaient un groupe costaud mais j'avais déjà beaucoup de mal à la considérer comme appartenant à la JCR. Politiquement elle était perdue et pas que là dessus.

Sur le fond de la discussion, même si j'avoue ne pas avoir tout lu, je ne vois juste pas la raison qui ferait que si la prostitution était majoritairement le fait de personnes adultes consentantes, sans histoire de traites, de mafia et de macs derrière, il ne faudrait se positionner pour l'abolition de la prostitution. Quelque soit la forme de prostitution, ça représente le fait qu'on puisse payer une femme pour avoir des rapports sexuels.

EDIT : je viens de voir le message de Granit et je me dis juste : stop aux comparaisons foireuses. Le string n'est pas le voile, qui n'est pas le mariage, qui n'est pas la prostitution ect... Chaque problème est un problème différent même si son cadre et son origine sont la société capitaliste et qu'il n'y a que par la révolution qu'on résolvera l'immense majorité des problèmes, on est d'accord. Faut pas déconner, si tu penses que de taper 10 pipes dans la journée dans une forêt glauque par -5 degré à des gars de 55 ans et passer un entretien d'embauche c'est la même chose... Bah va dans la forêt faire ce que font ces femmes, tu nous raconteras ton expérience sur le forum.
Zappa
 
Message(s) : 0
Inscription : 29 Jan 2008, 11:28

Message par com_71 » 20 Avr 2011, 04:30

(Zappa @ mercredi 20 avril 2011 à 01:10 a écrit : taper 10 pipes dans la journée dans une forêt glauque par -5 degré à des gars de 55 ans
A mon avis Zappa a moins de 55 ans. :roll:
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
Avatar de l’utilisateur
com_71
 
Message(s) : 6381
Inscription : 12 Oct 2002, 00:14

Message par com_71 » 20 Avr 2011, 04:55

(granit @ mercredi 20 avril 2011 à 01:08 a écrit : cette société toute entière qui est une société de prostitution. Celui qui veut faire carrière le sait bien.

... dans la société bourgeoise la prostitution reste un problème récurrent et insoluble.


La promotion canapé... ça existe bien sûr. Mais on rencontre tout de même dans les entreprises une majorité de femmes (et des hommes, même cadres) pour trouver cela moralement condamnable. Il ne faudrait pas leur donner raison ? Il faudrait leur infliger des raisonnements sur les relations "mutuellement consenties" ?

Sinon, dans les audiences de "flags", il y a souvent des "outrages publics à la pudeur". Vous savez, tellement publics que le flic se dissimule dans un parking souterrain pour, lampe torche à la main, surprendre le délit public se déroulant dans un véhicule privé. A l'audience, généralement les filles ne se présentent pas, et sont condamnées d'office, et pour les mecs c'est souvent "la 1ère fois". J'en ai vu un déclarer sans rire qu'il était dans une "mauvaise passe". Il a été condamné, j'ai trouvé ça bien moins affligeant que la condamnation de la fille et que la tâche du flic en planque, qui doit ensuite taper (avec 2 doigts ?) un rapport circonstancié.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
Avatar de l’utilisateur
com_71
 
Message(s) : 6381
Inscription : 12 Oct 2002, 00:14

PrécédentSuivant

Retour vers Politique française

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 5 invité(s)