(lavana @ mardi 24 mai 2011 à 23:11 a écrit : Delphy cite l'affaire dont tu parles et elle ne dit pas qu'on ne peut pas refuser de témoigner parce que ça coûte trop de sous mais parce que c'est L'Etat qui poursuit et non la victime.
L'Etat poursuit, mais l'Etat peut arrêter la poursuite s'il n'a pas assez d'éléments à charge, et la victime qui refuse de témoigner, c'est particulièrement décourageant.
Je te refais la chronologie de l'affaire Kobe Byrant, en imaginant que le crime a été commis (ce qui était et est toujours mon avis, par ailleurs), en parlant de victime :
(l'intérêt est de voir comment ça se peut se passer même dans le cas où il s'agit bien d'une victime)
Le viol a lieu le 1er juillet 2003.
Le lendemain, la victime cause à des flics, qui enquêtent immédiatement et vont voir Kobe, prélèvent l'ADN, etc.
Le 4 juillet, Kobe est arrêté. Il paie une caution de 25 000 .
Le 18 juillet, le D.A. (procureur) dépose la plainte. Kobe déclare publiquement qu'il a certes commis l'adultère mais qu'il n'a pas commis de viol (pour l'anecdote qui fait vomir, sa femme, Vanessa, est à ses côtés avec une immense bague au doigt).
Le procès commence plus tard en 2004, les avocats de Bryant sortent la grosse artillerie, c'est sordide, ils l'accusent d'avoir changé d'avis au cours du sexe anal seulement, etc. Ils trouvent des témoins à la con qui assurent avoir vu la victime tranquille le soir du crime, on peut les imaginer rétribués (d'autres contredisent la version de la défense, en tout cas je n'en sais rien, je dis juste que c'est possible avec ce système). La victime n'a pas le quart des moyens du camp adverse (à cette époque Bryant doit gagner près de 30 millions de dollars par année, son équipe le paie autour de 15 millions de dollars, Nike vient de le signer pour 8M, et il a des dizaines d'autres contrats publicitaires). Les avocats de Bryant balancent des saloperies sur la schizophrénie de la victime, les fans du joueur la menacent de mort, bref, tout ça est à vomir.
Le 9 août 2004, des rumeurs se font entendre au sujet de la victime, éprouvée, refusant de devoir raconter l'intégralité de sa vie sexuelle au tribunal. Elle préférerait la procédure civile à celle pénale. Le camp de Kobe Bryant jubile. On entend des rumeurs d'accord en douce. Le procureur peut bien continuer le procès, mais que peut-il faire si la victime décide de ne plus témoigner, quel message cela envoie-t-il ?
Le 10 août 2004, la victime porte plainte (procédure civile). Les violences (parce que c'est bien le mot qui convient, des violences) à son encontre continuent.
Au cours des semaines qui suivent, il y a polémique autour du juge qui veut que la vie sexuelle de la victime soit une preuve. Le procureur râle, le père de la victime aussi, ça dure quelques temps.
Le 1er septembre, le procureur est contraint d'abandonner les poursuites. Il peut le faire, il a le droit, ce que Delphy nie ou minimise, et en ce cas (récent), il le fait "seulement parce que la victime est à cet instant incapable de continuer" (je cite).
Le 1er mars 2005, le camp de Kobe Bryant et celui de la victime trouvent un accord, non divulgué.
Que faut-il de plus pour dire que l'article de Delphy raconte n'importe quoi ?
Et là, je me rends compte en rédigeant ce message que victime est au féminin, et que décidément la langue française est bien sexiste.
*edit* quand même, Delphy n'est pas spécialiste des Etats-Unis, elle n'est pas légiste non plus, elle n'a pas d'autorité particulière sur le sujet, et pour le coup, elle minimise le caractère de classe du système judiciaire américain (qui biaise en faveur des riches), pour on ne sait quelle raison...