("Rouge" a écrit :Adhésion de la Turquie à l’Union européenne
Pas de veto !
Le 8 octobre dernier, le fait que la Commission de Bruxelles annonce que la Turquie respectait « suffisamment les critères politiques de Copenhague » a relancé le débat sur son adhésion à l’Union européenne (UE). La décision devra être prise au prochain sommet européen, le 17 décembre. En France, les grandes manœuvres démagogiques ont commencé.
Voilà que les élites françaises sont prises de folie référendaire. Pourtant, depuis la ratification in extremis du traité de Maastricht en 1992, les gouvernements successifs s’étaient bien gardés de demander l’avis des citoyens. Depuis, la construction européenne se discutait dans le cénacle des ministères et des parlements. La dernière des caricatures a été l’adoption de la Charte des droits fondamentaux, une sorte d’ersatz de Déclaration universelle des droits de l’Homme, lors du sommet de Nice en décembre 2000. Ils ont même eu l’outrecuidance d’élaborer, sous le patronage de Giscard d’Estaing, une Constitution pour l’Europe et ses 450 millions de citoyens dans le huis clos d’une Convention constituée de 105 eurocrates. Après avoir longtemps tergiversé, Chirac a finalement décidé que ce traité constitutionnel, non discutable et non amendable, serait soumis à l’automne 2005 au suffrage universel. Sur sa lancée consultative, le président Chirac propose à présent un référendum sur l’adhésion de la Turquie à l’UE. Par cette manœuvre, le peuple français aura donc le privilège de montrer son hostilité plus ou moins grande aux peuples de Turquie. Car la question ne sera pas pour ou contre l’élargissement de l’Union européenne - question qui pourrait être discutée après l’intégration des 10 pays d’Europe centrale et orientale, 1er mai 2004, ou encore en vue de l’intégration de la Bulgarie et de la Roumanie en 2007 - mais bien pour ou contre la présence de la Turquie dans l’UE. La démarche apparaît comme démagogique, au service des courants politiques français les plus réactionnaires qui, leçons de géographie et de d’histoire du christianisme à l’appui, attisent les pires fantasmes racistes. Donc, il nous faut rejeter le principe du référendum dans ce cas, et s’il voit le jour, le boycotter tout simplement. En revanche, si les peuples de Turquie désirent intégrer l’UE, alors ils devraient pouvoir se prononcer par voie référendaire. Quant à nous, citoyens de l’Europe des 25, il ne nous est pas interdit d’exiger une consultation populaire sur les orientations militaristes et libérales de la construction européenne, ou encore sur la stratégie de Lisbonne, sur les libéralisations, sur les privatisations ou sur la destruction des acquis sociaux en Europe. Sur le principe, la Turquie a-t-elle sa place dans cette Union européenne ? Si on évacue le débat oiseux sur les frontières et les valeurs judéo-chrétiennes de l’Europe, il est objectivement vrai que la Turquie n’est qu’une semi-démocratie. Si les libertés publiques qu’elle accorde tranchent avec les dictatures qui règnent dans les pays voisins, la Syrie ou l’Iran, elles restent sous la barre des critères occidentaux. Les difficultés remontent aux origines, à la fondation de la République sur le modèle jacobin en 1923. Kemal Atatürk avait alors procédé à une purification ethnique, à l’élimination des Grecs et des Arméniens, à l’assimilation des Kurdes ; il avait exclu l’islam du politique et confondu la laïcité avec la raison d’État. Difficile avec une telle conception de résoudre démocratiquement la question des minorités et de respecter la liberté d’opinion. À cela s’ajoutent les questions sensibles de l’occupation de la partie nord de Chypre par 35 000 soldats turcs et la persécution systématique des opposants politiques. La Turquie n’a connu que des Constitutions inspirées par les militaires, la dernière datant de 1982, après le coup d’État de 1980. Pourtant, la domination des militaires dans les sphères du pouvoir n’a jamais perturbé outre mesure la communauté internationale. La Turquie est membre de l’OTAN depuis 1952 et membre du Conseil de l’Europe. De Gaulle et Adenauer lui avaient même promis, en 1963, l’intégration à terme à l’Europe.
Les critères de Copenhague
Lors du Conseil européen de Copenhague, en 1993, l’UE avait définis trois critères pour tout pays candidat à l’adhésion, à savoir : 1- une économie de marché viable et capable de faire face à la pression concurrentielle à l’intérieur de l’Union européenne ; 2- des institutions susceptibles d’assumer les obligations de l’adhésion à l’Union, et notamment de souscrire aux objectifs de l’Union politique, économique et monétaire ; 3- des institutions stables garantissant la démocratie, la primauté du droit, le respect des minorités et leur protection. Il faut sans hésitation contester les critères économiques de l’adhésion, comme nous l’avons fait lors du dernier élargissement à 25. Mais la Turquie est victime de la mondialisation capitaliste et de son corollaire, le sous-développement. Ce pays, d’une superficie de 779 452 km2 et de 70,7 millions d’habitants, a un produit intérieur brut par habitant de 6 256 euros, soit 28 % de celui de l’Europe des 25. Avec un chômage de 10,7 %, la Turquie emploie 33 % de la population active dans l’agriculture (contre 5,4 % dans l’UE). Donc membre ou pas de l’UE, la Turquie est encore pour longtemps un pays de seconde zone. La seule différence sur sa présence ou pas dans l’UE est la nécessité pour les 25 de mettre la main au portefeuille, que ce soit pour la politique agricole ou encore pour les investissements structurels. On comprend mieux le discours hostile à l’adhésion mais favorable à l’union douanière et au partenariat privilégié qui permettent un libre accès des biens et des services au marché turc sans contrepartie communautaire. Il reste pour la Turquie à respecter le critère « politique » de Copenhague. Les mouvements progressistes, féministes et kurdes utilisent ce dernier pour faire changer une donne politique sclérosée dans cette Turquie officiellement candidate à l’adhésion depuis 1999. Exigeant le respect de ce critère, la peine capitale a été abolie, les droits des 13 millions de Kurdes ne sont plus niés - sans être reconnus - et les cours de sûreté de l’État ont été supprimées. Le régime turc a dû libérer les quatre députés kurdes, dont Leyla Zana, incarcérée depuis 1993 pour complicité avec la guérilla séparatiste après un procès que les Européens avaient jugés « inéquitable ». Le 8 octobre dernier, le commissaire à l’élargissement, Günter Verheugen, a estimé au travers d’une recommandation de huit pages que la Turquie respectait « suffisamment les critères politiques de Copenhague ». Le débat est relancé et sera tranché par les chefs d’État et de gouvernement lors du prochain sommet européen, les 17 et 18 décembre 2004 à Bruxelles. Quoi qu’il en soit, dans ce processus, les progressistes vivant en Turquie n’ont pas besoin de notre veto. Ils ont besoin de notre soutien dans leur combat pour l’état de droit, le retrait des militaires de la vie politique, le respect des droits des Kurdes et la liberté d’expression. À nous, ici, de faire pression pour que les droits politiques et sociaux des peuples de Turquie ne soient pas bradés sur l’autel de l’agrandissement de la zone de libre-échange européenne.
Patrick Tamerlan
(rouge a écrit :il est objectivement vrai que la Turquie n’est qu’une semi-démocratie. Si les libertés publiques qu’elle accorde tranchent avec les dictatures qui règnent dans les pays voisins, la Syrie ou l’Iran, elles restent sous la barre des critères occidentaux. Les difficultés remontent aux origines, à la fondation de la République sur le modèle jacobin en 1923. Kemal Atatürk avait alors procédé à une purification ethnique, à l’élimination des Grecs et des Arméniens, à l’assimilation des Kurdes ; il avait exclu l’islam du politique et confondu la laïcité avec la raison d’État. Difficile avec une telle conception de résoudre démocratiquement la question des minorités et de respecter la liberté d’opinion.
Donc, après les excès des bolcheviks, la LCR en est à dénoncer les excès du jacobinisme. A quand la campagne pour la réhabilitation de Louis XVI ?a écrit :Les difficultés remontent aux origines, à la fondation de la République sur le modèle jacobin en 1923.
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