Sur la prostitution

Tout ce qui touche de près ou de loin à l'actualité politique en France

Message par Louis » 23 Sep 2007, 11:44

Revenons a quelque chose de fondamental : est ce que la prostitution fait des victimes ? Oui ! Lesquelles ? Les prostituées ! D'ou le point de départ : on doit se battre contre un systeme qui criminalise les victimes...

L'autre point c'est de dire quelles sont les coupables : les coupables sont indéniablement tous ceux qui profitent du systéme, et ils sont nombreux. Les souteneurs, d'abord, mais pas seulement. Les clients, évidemment ! Mais la législation actuelle en partie essaye de s'attaquer a ce probléme (en élargissant la notion de "racolage" qui n'est plus seulement du fait de la prostitué(e), en utilisant de façon discrétionnaire le délit de "attentat à la pudeur" lors de la consommation du délit sur l'espace public)

Mais évidemment tout ca ne vaut rien sans la remise en cause de la logique qui améne nombre de femmes a se prostituér. De ce point de vue, je partage assez le point de vue de Lilian Mathieu, un sociologue qui étudie les mouvement de mobilisations en général, et dont les derniers traveaux ont porté sur les mobilisations de prostituées

a écrit :



La précarité, grande oubliée du débat
On ne se prostitue pas par plaisir
Le débat sur la prostitution transcende les clivages politiques. Certains militent pour la prohibition ; d’autres pour la sanction des prostitué(e)s et/ou des clients ; d’autres encore considèrent les prostitués comme des « travailleurs sexuels » à qui il faut reconnaître des droits ; d’autres, enfin, ne souhaitent que pénaliser les abus de ces activités - proxénétisme, réseaux mafieux, etc. Au-delà de ces approches juridiques, on sous-estime souvent la dimension sociale du phénomène.
Par Lilian Mathieu

Un des progrès majeurs du féminisme aura été de faire perdre à la prostitution beaucoup de ce qui, autrefois, la faisait aller de soi. Désormais, du côté de la « demande », recourir aux services de prostituées n’est plus une activité anodine, une composante ordinaire et banale de la sexualité masculine, mais une véritable déviance. Au point qu’un pays comme la Suède l’a rendue susceptible de poursuites judiciaires, en 1999. Du côté de l’« offre », c’est-à-dire des personnes qui exercent la prostitution, le regard a également évolué : la condamnation morale qui affectait les « femmes de mauvaise vie » s’est effacée au profit d’une vision davantage empreinte de commisération. Non plus coupables d’inciter à la débauche et de diffuser les « maladies vénériennes » au sein de la population, les prostituées sont avant tout perçues comme des victimes (de difficultés socio-économiques, de carences psychologiques ou encore de la violence de souteneurs).

Cette évolution, positive, n’en reste pas moins fragile et partielle. Fragile parce que des retours en arrière demeurent toujours possibles, comme le montre la décision récente du ministre français de l’intérieur, M. Nicolas Sarkozy, de ressusciter le délit de racolage passif, disparu du code pénal en 1993  (1). Une logique de répression revient à l’ordre du jour, en contradiction avec l’approche d’assistance adoptée par la France depuis 1960 ; ses conséquences néfastes pour les prostituées (accroissement de leur clandestinité, de leur précarité, de leur insécurité, de leur exposition au VIH et de leur dépendance à l’égard des proxénètes) ne font, dès à présent, aucun doute.

L’évolution de l’image de la prostitution demeure également partielle, car la plupart des abolitionnistes  (2) oublient le plus souvent un de ses aspects pourtant essentiels, sa dimension sociale. Cet oubli conduit non seulement à une représentation tronquée du monde de la prostitution, mais surtout condamne à des prises de position en décalage avec les attentes, les préoccupations et les besoins réels des prostituées.
Economie informelle

Les liens entre prostitution et précarité sociale ne sont pas seulement oubliés, ils sont carrément déniés. Ainsi peut-on lire sous la plume d’une auteure abolitionniste que « les prostituées appartiennent à toutes les couches sociales » et que « la prostitution n’est plus l’apanage des seules catégories économiquement défavorisées  (3)  ». Une affirmation que démentent pourtant toutes les études tant soit peu attentives aux origines et aux trajectoires sociales des prostitués. Ainsi, celle qu’a conduite François-Rodolphe Ingold auprès d’un échantillon de 241 femmes et hommes prostitués parisiens montre une nette surreprésentation (41 %) des personnes issues « de milieux sociaux modestes ou très modestes, parfois marginaux  (4)  ».

De son côté, l’enquête norvégienne de Cecilie Høigård et Liv Finstad conclut que « ce sont les femmes de la classe ouvrière et du Lumpenproletariat qui sont recrutées pour la prostitution  (5)  ». Le niveau scolaire des prostituées est également très limité, comme le montre François-Rodolphe Ingold : « Si la formation professionnelle a eu lieu (dans 52 % des cas), elle a été le plus souvent élémentaire (apprentissage, CAP), ne se traduisant que rarement par un diplôme  (6).  »

De même, les conditions d’existence des prostitués sont des plus précaires. Une étude conduite en 1995 auprès de 355 femmes et hommes prostitués exerçant dans différentes villes françaises montre que 61 % sont dépourvus de couverture sociale ; un sur deux seulement dispose d’un logement stable, tandis que 41 % vivent à l’hôtel (2 % étant sans domicile fixe)  (7). L’étude souligne également la fréquence des agressions : un tiers des personnes interrogées signalent avoir été agressées au moins une fois entre les mois de janvier et de mai 1995.

Ces données invitent à appréhender la prostitution non seulement comme une des expressions les plus brutales de la domination masculine, mais également comme une des manifestations les plus extrêmes des rapports économiques et sociaux. C’est en regard de la fermeture du marché du travail aux fractions de la population (spécialement féminines) les plus démunies économiquement et culturellement que la prostitution prend son sens.

Vendre son corps, ou plus exactement le louer pour un usage sexuel, constitue un des derniers recours possibles lorsque les moyens légitimes d’acquisition économique (principalement par le travail ou par des prestations d’aide sociale) sont inaccessibles. La prostitution relève de l’économie informelle au même titre que des activités (dont elle n’est pas exclusive) telles que le vol, la revente de drogue, la mendicité ou encore - dans des pays comme les Etats-Unis, où elle est rétribuée - la vente de son sang. En ce sens, et contrairement à ce qu’avancent certaines organisations de prostituées, ou certaines féministes promotrices de la « liberté de se prostituer », l’engagement dans la sexualité vénale n’est jamais un acte volontaire et délibéré. Produit de l’absence de moyens alternatifs d’existence, il résulte toujours d’une contrainte ou, au mieux, d’une adaptation résignée à une situation marquée par la détresse, le manque ou la violence.

Cette dimension de contrainte se fait plus directement sentir au sein des couches les plus précaires et les plus dominées : jeunes en errance à qui le RMI est interdit tant qu’ils n’ont pas 25 ans, toxicomanes qui doivent réunir dans l’urgence du manque les sommes nécessaires à l’achat du produit dont ils et elles dépendent, mères de famille isolées ou étrangères en situation irrégulière pour lesquelles les prestations d’aide sociale sont insuffisantes ou inaccessibles... Les uns et les autres ne voient souvent d’autre recours pour survivre (et éventuellement faire survivre leurs enfants) que d’accepter les sollicitations d’hommes proposant de payer un rapport sexuel.

Mais la contrainte, on le sait, n’est pas qu’économique ; elle peut aussi être celle, mêlant à des degrés divers chantage affectif et violence physique, qu’emploient les proxénètes. L’apparition récente de réseaux étrangers de proxénétisme mafieux aux méthodes particulièrement violentes ne doit pas pour autant conduire à opposer les deux logiques. Non seulement le proxénétisme, comme l’ensemble des activités relevant du banditisme, fournit une occasion d’enrichissement rapide pour hommes des classes populaires dépourvus d’avenir dans l’économie légale, mais la prostitution remplit un rôle similaire pour les femmes qui leur sont soumises. Que celles-ci aient été abusées par de fausses promesses d’emploi ou qu’elles aient été conscientes de quitter leur pays pour se prostituer (tout en sous-estimant la violence et l’exploitation auxquelles elles allaient être soumises) ne change rien au fait qu’est recherché, dans chaque cas, un avenir meilleur dans un autre lieu que le pays d’origine à l’économie souvent dévastée et au système de protection sociale en ruine.

Cependant, toutes les personnes prostituées ne sont pas soumises à des contraintes aussi directes et brutales. La frustration sociale constitue une autre importante logique d’entrée et, surtout, de maintien sur le « marché du sexe ». La prostitution représente en effet une des rares voies d’accès à un niveau de vie auquel une origine sociale modeste et un faible niveau de compétence professionnelle ne permettent pas d’arriver. Ayant, toujours dans la douleur, franchi le pas et accepté d’endosser l’indignité et le stigmate, certaines personnes prostituées n’envisagent pas de quitter le trottoir, car elles savent pertinemment que le monde du travail leur est fermé, et que même l’accès à un emploi « normal » ne leur permettrait pas de maintenir le même niveau de revenus.

C’est parmi ces prostituées en situation relativement favorisée que se font entendre le plus fortement les revendications de reconnaissance de leur activité comme un « métier à part entière », une reconnaissance qui, selon elles, passe prioritairement par l’accès à la Sécurité sociale et aux allocations retraite dont elles sont, en tant que telles, exclues. Ces exigences sont souvent suspectées de répondre à une logique de rejet des prostituées les plus précaires, accusées, par celles qui se considèrent comme de « vraies professionnelles », de casser les prix, d’accepter les passes non protégées demandées par de nombreux clients, et donc de mener une concurrence déloyale. Elles n’en témoignent pas moins de l’extrême précarité de l’ensemble des prostitués. Leur activité leur permet soit de survivre au jour le jour, soit de s’intégrer au moins économiquement à la vie sociale (dans le meilleur des cas), mais toutes se trouvent dépourvues de protection devant des aléas de l’existence (maladie, agression, accident...) auxquels ils et elles sont tout particulièrement exposés.
« Pas dans ma cour ! »

En ce sens, la prostitution relève pleinement de cette logique de la désaffiliation sociale si bien décrite par Robert Castel (lire également page 3) : située à l’écart du monde du travail et de ses protections, elle représente une zone de vulnérabilité, tendue entre intégration et exclusion, au sein de laquelle les individus sont réduits à des activités dégradantes, risquées et souvent clandestines pour ne pas totalement sombrer dans l’inexistence sociale.

Dans ces conditions, on comprend que l’option du cantonnement de la prostitution dans des lieux (maisons closes) ou des zones urbaines spécifiques soit dépourvue de pertinence. Parfois réclamée par des associations de riverains victimes des « nuisances » causées par les prostituées, cette option relève en fait de la pure logique NIMBY (Not in my backyard ! - « Pas dans ma cour ! »). Tout comme la répression du racolage, elle a pour seul objectif de chasser la prostitution de l’espace public pour la reléguer dans des lieux clandestins ou des zones isolées, où les prostitués seront encore plus vulnérables.

Faute d’intégrer cette dimension sociale, et d’exiger une véritable politique sociale en faveur des prostituées  (8), les partisans d’une disparition de la prostitution ne peuvent rendre intelligibles les logiques qui conduisent et maintiennent tant de femmes et d’hommes sur le trottoir. En témoigne leur double vision des prostituées - dépendantes de souteneurs dont elles ne feraient que relayer et défendre les intérêts, ou inadaptées nécessairement victimes de traumatismes psychologiques.

Cela disqualifie a priori toute prétention des prostitués à la prise de parole publique et à l’expression de revendications. Du coup, certains abolitionnistes se condamnent à des prises de position inacceptables pour les prostituées, qui voient en eux des adversaires aux motivations puritaines, et se privent de l’appui que représenterait leur soutien au combat, aussi légitime que nécessaire, contre la politique de criminalisation de la pauvreté engagée par le gouvernement.
Lilian Mathieu.

(1) Est défini comme « racolage passif » le fait « par tout moyen, y compris par sa tenue vestimentaire ou son attitude, de procéder publiquement au racolage d’autrui en vue de l’inciter à des relations sexuelles en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération », désormais passible d’une amende de 3 750 euros et d’une peine de prison de deux mois (six dans le projet initial).

(2) On désigne ainsi les organisations favorables à une abolition de la prostitution, dont les principales sont en France le Mouvement du Nid, la Fondation Scelles et le Mouvement pour l’abolition de la prostitution et de la pornographie.

(3) Claudine Legardinier, La Prostitution, Milan, Toulouse, 1996, p. 16.

(4) François-Rodolphe Ingold, Le Travail sexuel, la consommation des drogues et le HIV, IREP, Paris, 1993, p. 54.

(5) Cecilie Høigård, Liv Finstad, Backstreets. Prostitution, Money and Love, Polity Press, Cambridge, 1992, p. 15.

(6) Op. cit., p. 54.

(7) Anne Serre et al., « Conditions de vie des personnes prostituées : conséquences sur la prévention de l’infection à VIH », Revue d’épidémiologie et de santé publique, Masson, Paris, 1996, vol. 44.

(8) Des pistes pour une telle politique ont été esquissées dans l’article « La prostitution, zone de vulnérabilité sociale », Nouvelles questions féministes, Paris, vol. 21, n° 2, 2002.
Louis
 
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Message par Vérié » 23 Sep 2007, 11:49

(Paingrillé @ dimanche 23 septembre 2007 à 11:34 a écrit : Le problème avec la prostitution c’est que ca s’insère aussi ds le domaine du privé , ca peut pas etre slt calqué sur les rapports écos.


Mais le problème, c'est aussi... que les rapports sociaux influent sur les rapports privés, les relations individuelles, psychologiques etc. On sait cela... depuis Marx.

Il est donc impossible de dissocier les relations privées des relations économiques, même si l'influence des relations sociales économiques dominantes sur les relations privées n'est pas mécanique.

Comme il a été dit plus haut, la prostitution n'existe que parce qu'il y a des rapports marchands. Ce qui ne veut pas dire bien entendu qu'on va attendre l'abolition totale des rapports marchands pour la combattre.

Quand à la misère, si, elle contribue très largement à développer la prostitution, même si la prostitution existe aussi dans les pays riches, et pas seulement avec des prostituées importées de pays pauvres. Le cas des pays pauvres qui font de la prostitution une véritable branche économique pour faire rentrer des devises, comme la Thailande ou Cuba avant la révolution, est tout à fait significatif. Quant à la traite des femmes de l'Est, et aussi des Africaines, il est logique en raison des rapports marchands... qu'on aille chercher la "marchandise" là où elle coûte le moins cher, les proxénètes certes, mais aussi les "consommateurs"...

____
PS Je n'avais pas lu le texte mis en ligne par Louis, quand j'ai écrit ce post. C'est enh effet une approche très intelligente de la question.
Vérié
 
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Message par bennie » 23 Sep 2007, 12:40

le mouvement du nid se consacre à ce fléau qu'est l aprostitution.

Leur revue "Prostitution et société" revient sur les clichés et confortera les positions de ZEelda, que j'approuve.

http://www.mouvementdunid.org/-La-prostitution-

exemple
a écrit : Pour en finir avec les clichés


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"Il ne faut pas confondre prostitution forcée et prostitution libre."
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Qui souhaite pleinement servir d’exutoire aux pulsions sexuelles d’inconnus ?




Le travail de terrain des associations à l’écoute des personnes prostituées fait ressortir des points communs frappants entre les itinéraires des Français(es) dans la prostitution et ceux des personnes étrangères victimes des traficants.

Les unes et les autres appartiennent généralement aux catégories les plus vulnérables, en butte à la précarité économique et sociale, et/ou aux ségrégations d’ordre raciste. Les unes comme les autres, elles ont souvent connu également la violence - conjugale, parentale... - et sont manipulées par des profiteurs, souvent des "maris" interessés.

L’expression "prostitution volontaire" semble davantage destinée à rassurer l’opinion publique qu’à refléter la réalité. Qui veut vraiment livrer son corps à des inconnus, qui souhaiterait cette "liberté" à ses enfants ?

Dans les faits, aux dires des personnes prostituées, affirmer qu’on se prostitue "volontairement" permet pour certain(e)s de légitimer leur activité et éviter, souci bien compréhensible, de n’être qu’une "victime".

Pour parler plus juste, il faudrait parler de degrés dans la contrainte, une échelle entre l’impression d’un "choix volontaire" jusqu’à la violence infligée par un proxénéte.

Cette supposée distinction entre prostitution "volontaire" et "forcée" facilite l’exploitation des personnes les plus vulnérables. Conséquence également insupportable, employer un tel vocabulaire montre du mépris pour les paroles des personnes prostituées, qui disent assez qu’il n’y a pas de vrais choix dans la prostitution...

bennie
 
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Message par Paingrillé » 23 Sep 2007, 13:11

Bien sûr qu’il ya plus de prostituées ds les pays pauvres que ds les pays riches, et que les prostituées viennent d’un milieu svt similaire associé a la misère….
Mais , excusez moi de m'écarter des victimes que sont les prostituées, la clientèle de ces prostituées ce n’est pas tjrs aussi clair, les clients viennent de partout (pays, origine sociale).
Dc est ce que ce sont les rapports marchands qui contribuent à dévier le comportement des hommes clients ? là je crois que ca relève plus d’autre chose que j’ai associé trop rapidement à des pulsions d’ordre privé, même si dues à un malaise qui pt être en partie social… en fait l’article de Louis est éclairant la dessus, en soulignant l’importance de la domination masculine ds la prostitution ( aussi bien du coté des proxénètes , que des clients) ;les clients sont eux-mêmes les « victimes » de cette domination masculine ambiante….ds ce cas, on voit apparaître les civilisations plus machistes ( comme par hasard en Espagne …où la fréquentation des prostituées est au moins triplé par rapport a l’Angleterre etc)….mais ça dépasse les classes.
Paingrillé
 
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Message par sitting bull » 23 Sep 2007, 13:13

j'ai déja cité Richard Poulin un sociologue qui à écrit des textes remarquables sur la prostitution et le lien avec le système marchand


http://sisyphe.org/article.php3?id_article=913

a écrit : la vénalité triomphante

La mondialisation capitaliste implique aujourd’hui une " marchandisation " inégalée des êtres humains dans l’histoire. Depuis trente ans, le changement le plus dramatique du commerce sexuel a été son industrialisation, sa banalisation et sa diffusion massive à l’échelle mondiale. Cette industrialisation, qui est à la fois légale et illégale et qui rapporte des milliards de dollars, a créé un marché d’échanges sexuels, où des millions de femmes et d’enfants ont été transformés en marchandises à caractère sexuel. Ce marché a été généré par le déploiement massif de la prostitution, par le développement sans précédent de l’industrie touristique, par l’essor et la normalisation de la pornographie, ainsi que par les besoins de l’accumulation du capital.

Cette industrie est désormais une puissance économique incontournable. L’industrialisation du commerce sexuel et sa transnationalisation sont les facteurs fondamentaux qui rendent la prostitution contemporaine qualitativement différente de la prostitution d’hier. La prostitution fait partie désormais de la stratégie de développement de certains États. Sous l’obligation de rembourser la dette, de nombreux États du tiers-monde ont été encouragés par les organisations internationales, comme le Fonds monétaire internationale (FMI) et la Banque mondiale - qui ont offert à ces occasions des prêts importants - à développer leurs industries du tourisme et de divertissement. Dans chacun des cas, l’essor de ces secteurs a permis l’envolée de l’industrie du commerce sexuel.

L’industrie du commerce sexuel est de plus en plus considérée comme une industrie du divertissement, et la prostitution comme un travail légitime. L’industrialisation de la prostitution s’accompagne d’une libéralisation ; depuis le début de ce siècle l’Allemagne et les Pays-Bas ont légalisé la prostitution (5). Au cours des années quatre-vingt-dix, les organisations internationales ont adopté des positions qui, malgré un discours dénonçant les pires effets de cette mondialisation des marchés du sexe, tendent à la libéralisation de la prostitution et des marchés sexuels (6). En quelque sorte, ce que défend l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en faveur de la mondialisation néo-libérale est actuellement relayé par divers organismes européens et internationaux, dont l’ONU, dans le domaine de l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants. L’officialisation institutionnelle (la légalisation) des marchés du sexe renforce les activités de l’organisation proxénète et du crime organisé.

L’industrialisation actuelle dévaste de façon massive des femmes et des enfants. Ils sont gérés comme des bêtes à plaisir, des machines à sous, et organisés pour que leur rendement sexuel soit maximal. Leur commerce embrigade des populations colossales et génère de fastueux bénéfices recyclés dans l’économie mondiale. Et ce n’est pas sans raison qu’elle touche surtout des femmes et des enfants. L’argument « économique » de Mathieu (2003) minimise le fait que cette industrie fonctionne au profit d’hommes et d’un système de domination masculine. Tout ce qui relève du fonctionnement discriminatoire de la société est amplifié par cette industrie. Les femmes et les enfants sont le groupe cible ; les personnes qui sont l’objet de la prostitution proviennent davantage de couches sociales défavorisées, aux revenus précaires et limités, de minorités ethniques, de groupes indigènes, de réfugiés, d’immigrants clandestins, du tiers-monde, des pays déstructurés par leur transition catastrophique vers l’économie capitaliste ; elles sont également davantage des personnes à bas niveau d’éducation, des fugueuses, des individus abusés physiquement, psychologiquement et sexuellement dans leur enfance ; au moment de leur recrutement, elles sont souvent jeunes (et de plus en plus jeunes).

Puisque le sexisme se conjugue aux relations marchandes dans l’industrie mondiale du commerce sexuel, toute femme ou tout enfant est potentiellement une proie. C’est précisément leur condition de femme et d’enfant qui rend leur commerce profitable (7) et non le fait qu’ils sont démunis économiquement, bien que cela soit un facteur prédisposant à l’embrigadement dans la prostitution. Il faut toutefois insister sur le fait que pour transmuter une personne en marchandise, c’est-à-dire en une personne apte à subir et à vivre une constante aliénation, il faut créer, en aval et/ou en amont, les conditions nécessaires à son fonctionnement comme corps qui ne s’appartient plus et utiliser les moyens contraignants à sa fabrication en tant qu’objet d’échange.
sitting bull
 
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Message par Vérié » 23 Sep 2007, 13:56

(sitting bull @ dimanche 23 septembre 2007 à 14:13 a écrit : cette industrie fonctionne au profit d’hommes et d’un système de domination masculine.
Pas seulement, même si ce sont majoritairement des hommes qui en "bénéficient".
Le film "Vers le sud" de Laurent Cantet, avec Charlotte Rampling, montre aussi comment des femmes des pays riches, et pas nécessairement des grandes bourgeoises mais des membres de la petite bourgeoisie, vont dans les pays pauvres pour s'offrir des jeunes à bas prix.

Avec la disparition d'une partie des inégalités hommes/femmes, surtout dans les classes aisés, l'évolution de la prostitution prend aussi cette forme là.
Vérié
 
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Message par Barikad » 23 Sep 2007, 14:32

(Vérié @ dimanche 23 septembre 2007 à 13:56 a écrit :
(sitting bull @ dimanche 23 septembre 2007 à 14:13 a écrit : cette industrie fonctionne au profit d’hommes et d’un système de domination masculine.

Pas seulement, même si ce sont majoritairement des hommes qui en "bénéficient".
Le film "Vers le sud" de Laurent Cantet, avec Charlotte Rampling, montre aussi comment des femmes des pays riches, et pas nécessairement des grandes bourgeoises mais des membres de la petite bourgeoisie, vont dans les pays pauvres pour s'offrir des jeunes à bas prix.

Avec la disparition d'une partie des inégalités hommes/femmes, surtout dans les classes aisés, l'évolution de la prostitution prend aussi cette forme là.
oui, c'est un phenomene quej'ai constaté en Afrique: a coté des hommes s'achetant des gamines tout juste pubere, on voit aussi des rombieres se pavaner a coté de jeunes hommes ayant la au moins la moitié de leurs ages.
Ceci dit, ce ne me provoquait pas du tout le meme degout. C'est certainement irrationel, mais a chaque fois que j'ai pu voir des vieux occidantaux avec des jeunes femmes africaine, se comportant avec elle comme si c'etait leur "chose", j'ai eu des vilaines pulsions meurtieres.

Je n'ai pas noté de phenomene similaire en Asie.
Barikad
 
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Message par bennie » 23 Sep 2007, 14:37

Le client?
Des pauves types? des malades, des frustrés? on s'en fiche,
LE PLUS DOUX DES CLEINTS N'EST QUE LE PLUS DOUX DES BOURREAUX!

La prositution devra être éradiquée d'une façon ou d'une autre.

Je pense au film que beaucoup ont vu ici, "La vie des autres", voyez la vie de cette femme, l'actricve forcée d'avoir des relations avec ce gros porc de ministre de la culture. Cette femme tient grâce aux médocs...

Accepter la prostitution, même avec des arguments soit disant progressistes, c'est accepter que des êtres humains soient opprimés, avilis, , bref, c'est nier le caractère humain de ces personnes !!


Ceux qui affirment que certaines personnes vendent leur corps par plaisir ne sont que des salauds et méritent une bonne raclée.
bennie
 
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Message par sitting bull » 23 Sep 2007, 14:47

en effet certaines femmes se retrouvant dans la position dominante marchande ,reproduisent ,malgré leur statut de femme , les même tares d'un système de domination encore largement masculin .


voila ce que dit Marx dans Misère de la philosophie,

Vint enfin un temps où tout ce que les hommes avaient regardé comme inaliénable devint objet d’échange, de trafic et pouvait s’aliéner. C’est le temps où les choses mêmes qui jusqu’alors étaient communiquées mais jamais échangées ; données mais jamais vendues ; acquises mais jamais achetées - vertu, amour, opinion, science, conscience, etc. - où tout enfin passa dans le commerce. C’est le temps de la corruption générale, de la vénalité universelle, ou, pour parler en termes d’économie politique, le temps où toute chose, morale ou physique, étant devenue valeur vénale, est portée au marché...
sitting bull
 
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