Ecrit le dimanche 13 juillet 2008 à 15:08
Les islamistes ont gagné aujourd'hui
a écrit :
Aujourd’hui, les islamistes ont gagné, ils ont réussi à imposer leurs idées à la société algérienne, qui, même si elle subissait la dictature des généraux depuis des décennies, faisait figure avec la Tunisie, l'Egypte et le Liban de pays arabes les plus avancés en matière de moeurs.
Certains partis dont un d'extrême gauche algérienne le Parti des Travailleurs, ainsi que la plupart des politiciens dont Khalida Messaoudi et Louisa Hanoun, qui apparaissaient pourtant à la pointe des luttes pour l'égalité des femmes; par leurs soutiens soit au FIS soit à la politique de Bouteflika qui permettais aux militants islamistes de s'implanter en Kabylie avec le soutient financier de l'état au nom de la loi sur la réconciliation nationale.
Je n'ai pas fini, car je devais ajouter: que ces politiciens ou ces parti portent une lourde responsabilité dans la dégradation de la situation de la femme aujourd'hui.
Celui qui pense que la société algérienne était déjà littéralement sous l’emprise des ulémas est des marabouts se trompent, car avant 1830 le système social des « Kabylies » (les généraux français nommaient ainsi toutes les régions montagneuses où la langue pratiquée était le berbère (Tamazigh ou langue des hommes libres) et les institutions étaient encore le système égalitariste (que certains comme Proudhon appelèrent « Communiste »), mais en 1842 seule la Kabylie continuait à résister aux troupes françaises. Après la défaite de Fatma N’ Soumer en 1857 (Fatma de Soumer, Soumer étant village où elle enseignait des rudiments d’arabe et de Coran) l’administration coloniale s’attaquait à la propriété collective des terres, de plus les tribus vaincues devaient verser des réparations de guerre exorbitantes.
Si les Ulémas soutinrent les « réformes » de Napoléons III
(La Kabylie à l’épreuve des invasions (Des phéniciens à 1900) Younès Adli Zyriab Editions) le peuple, surtout en Kabylie, s’y opposait. Ces dispositions consistaient à imposer l’arabisation, à remplacer les Amin élus et révocables et les assemblées de villages (Agraw, plu : Igrawen) par des caïds et des bachagas (que les Ottomans avaient déjà réussi à imposer dans les autres régions d’Algérie) nommés par les militaires français.
Mais les vraies décisions continuaient à être prises par les assemblées de villages ; les marabouts, qui, en dehors du rôle d’intermédiaire qui leur était dévolus depuis des siècles entre les tribus Kabyles et les Turcs Ottomans, n’avaient aucun rôle politique, la séparation de « l’église et de l’état » existait depuis des siècles en Kabylie et c’est la France des droits de l’homme et des lumières qui s’est employé à promouvoir l’influence des imams et des marabouts en Kabylie, il est vrai, qu’avec l’accord de l’émir Abd El Kader, devenu entre temps grand ami de la France, Napoléon III caressait le projet d’un royaume arabe au Maghreb
(La Kabylie à l’épreuve des invasions (Des phéniciens à 1900) Younès Adli Zyriab Editions ; Abd El Kader Le Magnanime B. Etienne, F. Pouillon Ed La découverte Gallimard-Institut du monde arabe).Alors voici une région où existait une multitudes d’industries locales, un système solidaire où personne n’était laissé sur le bord du chemin
(Moeurs et coutumes de l’Algérie Général Daumas Paris 1853 (p149 à 234) et La Kabylie par le même auteur en 1856 Jean-Paul Rocher Editeur), des institutions nettement plus démocratiques que n’importe qu’elle démocratie ayant existé dans le monde capitaliste, un code pénal le plus humain du monde que l’on en juge : les Amin étaient élus que pour une période de un an et étaient révocables à tout moment on lui adjoignait un second (l’oukil) du parti opposé (çof, ne pas confondre avec un parti politique européen)
(La Kabylie et les Coutumes Kabyles 1ere Partie Organisation politique et administration A. Hanoteau A. Letourneux Paris Ed Augustin Challamel 1893). On pourrait croire que l’Amin dispose de pouvoirs énormes au sein du village ou de la tribu ; il n’en est rien car avant de prendre une décision de quelque importance, l’Amin du village ou de la tribu devaient en faire partager la responsabilité à tous les intéressés. Dans le droit berbère (Khanoun) un voleur n’avait pas la main tranchée ou n’était condamné à la pendaison comme cela se faisait en Angleterre au temps de Thomas More (lire Utopie), mais devait rembourser au propriétaire 10 fois le montant de son larcin la pire punition était le bannissement de la tribu et de son territoire, en cas de meurtre par exemple ; mais les proches du defunt pouvaient utiliser le recours à la vendetta, mais il arrivait que le meurtrier ait recours à l’anaya, ainsi le général Daumas citait le cas d’une femme dont les frères s’apprêtaient à égorger le meurtrier de son mari, lequel put partir librement car il demanda l’anaya à la veuve (
Moeurs et coutumes de l’Algérie Général Daumas Paris 1853 (p149 à 234) et La Kabylie par le même auteur en 1856 Jean-Paul Rocher Editeur) d’ailleurs dans son livre, Gisèle Halimi
(La Kahina Gisèle Halimi Ed Plon 2006 Paris), prétendait que la Kahina avait épargné l’Arabe Khaled pour en faire son amant, alors que vraisemblablement ce dernier a dû bénéficier de l’anaya. J’en profite pour ajouter que la Kahina n’a jamais été reine car les Aguellids étaient élus en périodes exceptionnelles pour leurs qualités et leur bravoure : « Le terme d’aguellid (pluriel iguelliden) prête à confusion, il ne s’agit pas de rois au sens ou nous l’entendons actuellement, ou tel que les Romains pouvaient l’entendre s’agissant de « rois barbares ». En effet, dans plusieurs recueils du droit coutumier d’un passé proche, nous voyons la possibilité pour l’assemblée d’un groupe de villages ou d’une tribu de désigner un ou deux chefs de guerre, pour une durée déterminée ou pour des opérations limitées dans le temps et dans l’espace. Nous pouvons suggérer que ces iguelliden si contraires à « l’esprit des lois » berbères aient été à l’origine des chefs de guerre transformés par l’appui de Rome et sa méconnaissance des institutions coutumières en rois, même si leur « sujets » les considéraient comme des fils de forgerons dépendants des Assemblées (Agraw) seules souveraines »
(Les berbères Jean Servier Collection Que-sais-je ? PUf Paris 2007). La peine de mort n’était prononcée que dans les cas de haute trahison, lorsqu’un conflit menaçait l’intégrité de la tribu. Un commerçant ou un artisan n’avait pas le droit de s’enrichir, le cas cité par le colonel Carette en 1848 est assez éloquent : un commerçant était condamné par le cadi et l’assemblée de village à redistribuer son excèdent comprenant plusieurs dizaines de milliers de litres d’huile d’olive aux indigents
(La Grande Kabylie Colonel Carrette 1848 pp 327-328), Camille Lacoste-Dujardin fait remarquer que dans les contes Kabyle, le véritable héros est celui qui est défenseur de la cohésion de la communauté villageoise ou du groupe, tandis que celui qui s’enrichi ou conquiert un pouvoir dans un pays des milles et une nuit n’est qu’un aventurier
(Le Conte Kabyle Camille Lacoste Dujardin Paris Ed La découverte).Certains responsables de l’administration coloniale étaient sincèrement admiratifs du système social Kabyle « L’idéal du gouvernement libre et bon marché dont les philosophes cherchent encore la formule à travers mille utopies, est une réalité depuis des siècles dans les montagnes Kabyles » (
La Kabylie et les Coutumes Kabyles 1ere Partie Organisation politique et administration A. Hanoteau A. Letourneux Paris Ed Augustin Challamel 1893). Comme je le disait plus haut, cela n’a pas empêché la « France des lumières et des droits de l’homme » de détruire cet « idéal de gouvernement » et de le remplacer par un système semi féodal comprenant des caïds et des bachaghas de droit divin, ou l’on n’enseignait plus la solidarité mais l’individualisme et la corruption. Après les révoltes de 1861 à 1863, Fatma N’Soumer, en détention mourut soudainement. Mokhrani, pourtant nommé bachagha par l’administration coloniale emprunta de l’argent à la France pour venir en aide à ses administrés pendant les grandes famines qui survinrent ensuite, il se solidarisa avec les insurgés de 1871 et pris la tête de cette révolte qui se développait hors Kabylie grâce au prosélytisme d’une école Soufi : La Rahmania
(Encyclopédie Berbère XXVI Judaïsme Kabylie ouvrage collectif direction de Salem Chaker). Après cette dernière révolte importante, les Assemblées de village étaient définitivement interdites.
Après la conquête Française, la situation de la femme loin de s’améliorer, se dégrada d’une part à cause du rôle prépondérant que prenaient les dignitaires religieux mais également à cause de la destruction de l’ancienne organisation villageoise car la majorité des villageois s’étaient retrouvés sans terres et étaient dans l’obligation d’émigrer ou de louer leurs bras aux colons.
Il faut constater que le statut de la femme s’est détérioré petit à petit dès la période turque au 18 eme siècle (cette fois là, il s’agissait de conserver l’intégrité des terres tribales). Les femmes étaient obligées de se couvrir du Haïk et du voile dans les villes de garnison.
Je pense que j’ai été plus loin que ce fil, mais je ne sais plus qui disait que la vérité est compliquée tandis que le mensonge est simple, je voulais vous faire comprendre combien il est important de comprendre l’histoire avant de se lancer dans ce qui peut apparaître comme des idées généreuses (à certains gauchistes et certains bobos) .
Merci