Trois articles sur le Congrès de la LCR, le premier du Figaro, les deux autres de Libération :
(Le Figaro a écrit :Présidentielle : la LCR hésite sur sa stratégie
EXTRME GAUCHE La Ligue se donne jusqu'au mois de juin pour «trancher» la question d'une candidature en 2007.
Rodolphe Geisler
[23 janvier 2006]
LA TRADITION aura été respectée : aucun orateur de la Ligue communiste révolutionnaire n'aura été applaudi ou hué durant les débats. Pourtant, hier, au sortir du XVIe congrès de la LCR, à La Plaine-Saint-Denis, aucune majorité absolue n'est parvenue à se dégager entre les cinq plates-formes en lice.
Tout au plus, la plate-forme 1, soutenue par la direction sortante (Krivine-Besancenot), favorable à une candidature «maison», a obtenu 48,75% des suffrages exprimés ; devant la plate-forme 3 (26,61%), favorable à une candidature unitaire de la gauche antilibérale. Mais au prix d'un compromis : la direction sortante a dû soumettre au vote une motion proposant d'organiser une «conférence nationale» en juin pour «pour trancher définitivement notre attitude pour 2007».
Une main tendue au PCF
Bref, les congressistes trotskistes ont décidé de ne pas décider pour l'instant. «Personne n'a gagné, personne n'a perdu, le débat continue», résumait hier, les traits tirés, Christian Picquet, principal animateur de la plate-forme 3.
Si Besancenot répète, que «ce n'est pas le casting, mais le scénario, qui nous intéresse», la Ligue s'offre surtout la possibilité de faire son choix après celui du PCF, prévu en mars, à l'issue de son XXXIIIe congrès. L'occasion, aussi, pour le porte-parole de la Ligue de lancer un appel au PCF, «à qui nous tendons une main fraternelle» et qui «se trouve aujourd'hui à l'heure du choix». Car, si à la LCR tous s'accordent sur une chose : c'est bien qu'un «scénario gauche plurielle 2» est totalement exclu.
A défaut d'avoir imposé sa plate-forme, le report de l'annonce d'une éventuelle candidature en juin convient à Picquet, car, selon lui, «le congrès laisse ainsi une porte ouverte pour prolonger la dynamique e unitaire». Et, surtout, il en est persuadé, «lpremier [du PC ou de la LCR] qui tuera l'espoir du 29 mai en annonçant sa candidature le paiera très cher».
(Libération a écrit :Après le congrès de la LCR, le camp du non risque de se diviser pour la présidentielle.
Besancenot somme Buffet de se tourner vers sa gauche
par Eric AESCHIMANN
QUOTIDIEN : lundi 23 janvier 2006
La «guerre des trois» aura-t-elle lieu ? Pendant la campagne sur la Constitution européenne, Olivier Besancenot, porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), Marie-George Buffet, secrétaire nationale du PCF, et José Bové, icône des altermondialistes, allaient d'estrades en meetings. Ils ne s'étaient pas lâchés d'une semelle. A la rentrée, dans la foulée de la victoire du non, ils continuaient. Voici qu'au moment de s'unir pour la présidentielle de 2007, la façade se lézarde. Hier, à l'issue du congrès de la Ligue, Olivier Besancenot, lassé de faire semblant, a mis les pieds dans le plat : «Je lance un appel spécifique à la direction du Parti communiste : l'heure des choix est arrivée.» A deux pas de lui, François Sabado, autre membre dirigeant, était encore plus net : «On en a assez de se faire balader par le PCF.»
Candidatures. L'ex-candidat de la LCR à la présidentielle de 2002 a de quoi être agacé. Depuis l'automne, il passe son temps à répondre aux interpellations sur le risque de voir la gauche du non partir à l'élection présidentielle en ordre dispersé. Un scénario catastrophe : comme en 2002, la présence de nombreux candidats de la gauche radicale se traduira par un affaiblissement du candidat PS, sans qu'aucun, faute d'un score suffisant, ne soit en mesure de peser ou de se poser en alternative crédible. D'où l'appel à une candidature unique, éventuellement incarnée par José Bové, lancé par des syndicalistes et des associatifs avec le soutien des communistes rénovateurs et du courant minoritaire de la LCR.
Mais la direction de la LCR ne veut pas de cette alliance. Elle craint, via le PCF, de se retrouver obligée de discuter avec le PS. Autant dire le diable. Ce week-end, face à sa base séduite par la candidature «unitaire», la direction a rédigé une motion qui affirme : «Cet espoir est légitime et nous le partageons.» Le texte jure que la LCR «cherchera à surmonter [les] obstacles en menant activement le débat sur cette question». La motion a été adoptée de justesse par les congressistes (48,5 % pour, 43,8 % contre) et la décision définitive sur la candidature a été reportée à juin. Tout en rêvant d'un discours plus «résolu» dans la quête de l'union, Christian Picquet, le chef de file du courant minoritaire de la Ligue, a salué «l'évolution» de la direction.
Yalta. Problème : pour prix de son rapprochement, la LCR pose des conditions dont elle sait parfaitement que le PCF les récusera. D'abord en refusant des «accords gouvernementaux ou parlementaires avec le social-libéralisme». Ensuite en répétant son credo qui oppose «deux gauches» aux «orientations irréconciliables» : «L'une de soumission aux intérêts capitalistes, l'autre de résistance.» Un Yalta de la gauche qui laisse au PCF la place inconfortable de l'entre-deux. «Tantôt Buffet regrette que le PS ne veuille pas nous parler, tantôt que nous ne voulions pas parler au PS», dit François Sabado. D'où l'ultimatum lancé par Besancenot au PCF : assez de finasseries, il faut choisir ! Et assez d'hypocrisie, aussi. La LCR n'a pas apprécié que, lors des deux derniers «forums citoyens» organisés par le PCF en Essonne et dans le Val-d'Oise, Marie-George Buffet ait demandé à la Ligue de ne pas envoyer son trop médiatique porte-parole, de peur qu'il lui fasse de l'ombre... Ambiance.
Dans les couloirs du congrès, vendredi, Besancenot ne se montrait guère chaleureux à propos de José Bové : «Je ne sais pas si, politiquement, je serais d'accord avec lui. Il a signé un texte avec Delors, il a soutenu Frêche aux régionales en Languedoc-Roussillon. Le non ne suffit pas à faire un programme.» Et, hier, il a proposé à Buffet, Bové et Laguiller «de s'entendre sur un contenu anticapitaliste fort, au-delà des candidatures des uns et des autres». De fait, une telle offre ne vise pas à faire l'union, puisque Lutte ouvrière a annoncé en décembre sa décision de présenter «Arlette» en 2007. Pendant la bataille du référendum, les ouistes dénonçaient le «cartel des non». Les petites boutiques de la gauche radicale semblent décidées à leur donner raison.
a écrit :Un «manifeste» très seventies
L'élaboration du programme de la Ligue a pris beaucoup de retard.
par Eric AESCHIMANN
QUOTIDIEN : lundi 23 janvier 2006
La Ligue, qui se veut un parti pas comme les autres, se doit d'avoir un projet politique solide. Actuellement, un texte théorique appelé A gauche du possible, rédigé dans la foulée de la chute du mur de Berlin, au début des années 90, lui sert de référence. Désireux d'intégrer la mondialisation dans sa réflexion, le parti d'Olivier Besancenot a mis en chantier il y a un an et demi un nouveau «manifeste». Sauf qu'entre la mobilisation contre la Constitution européenne et les débats préparatoires à 2007, le travail fait du surplace. Pour preuve, le silence du congrès sur le sujet : «Nous n'avons pas voulu mélanger la tactique électorale et les questions de fond», indique la direction. Il n'est même pas certain que la version définitive soit prête pour 2007. Le manifeste est plus incisif dans le diagnostic «le capitalisme, c'est la privatisation généralisée du droit, de la violence, de la guerre, de l'espace, du vivant lui-même» que dans l'alternative : «Un projet de société socialiste où la production, la distribution et l'usage des richesses seraient subordonnés aux choix démocratiques et aux droits humains, individuels et collectifs respectueux de l'environnement.» Au-delà de l'interdiction de licencier et de la défense des services publics, le texte écarte les nationalisations, mêle la «planification autogestionnaire» à un «recours limité» au marché et défend «l'autonomie de l'individu». Presque le programme du PSU au début des années 70 !