par Crockette » 28 Jan 2008, 22:24
Jean-LouLettre ouverte des Amis de la Commune de Paris (1871)
A M. Sarkozy, Président de la République
Le 14 janvier 2008,
Monsieur le Président,
Le 3 avril 1871, « Considérant que le premier des principes de la République française est la liberté ; considérant que la liberté de conscience est la première des libertés ; considérant que le budget des cultes est contraire au principe, puisqu’il impose les citoyens contre leur propre foi … », la Commune de Paris décrétait : « Art 1 L’Eglise est séparée de l’Etat. Art 2 Le budget des cultes est supprimé … ».
Notre association, qui défend la mémoire et l’œuvre de la Commune de Paris, s’honore que la Commune ait, 25 ans avant la III° République, pris cette mesure fondatrice des libertés républicaines. Nous avons ainsi considéré que nous devions nous élever avec vigueur contre vos déclarations tenues à Rome lors d’une visite officielle comme Président de la République. Ces déclarations, sous couvert de « laïcité positive », remettent gravement en cause les bases de la laïcité.
Lorsque vous déclarez, « Un homme qui croit est un homme qui espère. Et l’intérêt de la République, c’est qu’il y ait beaucoup d’hommes et de femmes qui espèrent », vous établissez une discrimination morale entre croyants et incroyants. Comme si les incroyants n’étaient pas capables de la transcendance et de l’espérance qui donnent un sens à la vie. Jean Jaurès, que vous citez volontiers, ne disait pas autre chose dans la préface à son Histoire de la Révolution française. Et les incroyants, comme les croyants, peuvent donner leur vie pour une grande cause. Pensez donc à Guy Môquet, Monsieur le Président ! Surtout vous annoncez dans cette phrase que, dans l’intérêt de la République, il faudra donc soutenir les Eglises, ce qui rompt le pacte laïc et républicain. Vous divisez croyants et incroyants.
Déclarer que « la morale laïque » n’est « pas en mesure de combler le besoin profond des hommes et des femmes de trouver un sens à leur existence » est scandaleux dans la bouche d’un Président de la République française parlant devant les autorités de l’Eglise. C’est implicitement mais clairement déclarer que l’Etat français se prononce pour la religion.
Une dernière remarque, vous faites un procès aux laïcs en sectarisme. C’est amusant quand on connaît vraiment l’histoire ! Mais votre pensée est bien trop simple. Par exemple, défendre « la liberté des parents de faire donner à leurs enfants une éducation conforme à leurs convictions » ne peut être vu si unilatéralement. Il y a aussi lieu de tenir compte de la liberté de conscience de l’enfant qui peut être endoctriné dans certaines écoles religieuses ou abusé par des mensonges qui vont à l’encontre de tout ce que les sciences ont largement prouvé.
Au bilan, Monsieur le Président de la République, vous nous proposez un très grave et très dangereux retour en arrière, une conception très bonapartiste des rapports de l’Eglise et de l’Etat. A moins que vous ne proposiez bientôt que, comme aux Etats-Unis, il faille, sous couvert de transcendance, n’accorder foi devant les tribunaux qu’au serment devant la Bible !
Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de nos sentiments républicains.
Pour les Amis de la Commune de Paris 1871
Le Président
is Robert