Les classes moyennes

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Message par Vérié » 17 Jan 2008, 11:54

(jb_ @ jeudi 17 janvier 2008 à 11:48 a écrit : Les éléments de la petite bourgeoisie rejoignent forcement - tôt ou tard - un des deux camps. La petite bourgeoisie serait alors composée d'éléments "de passage" ? Ce serait une sorte de classe de transition pour une partie de la population ?


Ben, la transition dure tout de même longtemps ! Si la petite bourgeoisie traditionnelle de propriétaires a fondu, pour rejoindre en effet le salariat ou la bourgeoisie, la petite bourgeoisie salariée s'est énormèment développée. Et il y a aussi toutes les professions libérales qui se sont développées aussi : médecins, avocats, notaires, huissiers, architectes etc

Non, Zelda, il n'y a pas que des riches et des pauvres. Sauf dans certains pays misérables du tiers-monde, et encore.
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Message par jb_ » 17 Jan 2008, 15:19

Ma pensée n'était pas de dire que les classes moyennes auraient dû disparaître depuis longtemps mais que les éléments de celles-ci se renouvellent en permanence.
Par contre, je ne vois pas trop comment gérer le cas des professions libérales... d'où le terme "petite bourgeoisie" peut-être ?
jb_
 
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Message par Vérié » 17 Jan 2008, 16:07

(jb_ @ jeudi 17 janvier 2008 à 15:19 a écrit : Par contre, je ne vois pas trop comment gérer le cas des professions libérales...

Les professions libérales se classent clairement dans la petite bourgeoisie, et meme d'une certaine façon dans la petite bourgeoisie traditionnelle dans la mesure où elles possèdent leurs "moyens de production", qui sont, en l'occurence, le cabinet du médecin, de l'architecte ou de l'avocat, l'étude du notaire, de l'avoué ou de l'huissier etc.

Pour en revenir à la façon de déterminer les classes sociales, un des critères utilisés est aussi la création de plus value. Le mineur qui extrait le charbon, le minerai et l'ouvrier qui transforme ensuite cette matière première se distinguent ainsi clairement du chef, du directeur, du cadre et bien sur du propriétaire et des actionnaires de l'entreprise qui ne créent pas de plus value. Mais l'affaire se complique évidemment, surtout avec l'évolution des techniques de production et de la société. Comment considérer les travailleurs qui transportent les produits, les stockent, les distribuent, et sans lesquels ces produits ne pourraient pas être mis sur le marché ? Doit-on considérer qu'ils ajoutent de la valeur aux produits ou qu'ils vivent eux aussi de la plus value produite par les seuls ouvriers de fabrication ? De plus, une partie du personnel de fabrication est remplacé aujourd'hui par des techniciens ou des ouvriers professionnels très qualifiés qui ne manient plus directement les produits mais utilisent des machines à commandes numériques etc. Si on veut déterminer de façon purement économique les contours de la classe ouvrière, on se trouve donc face à un vrai casse-tête ! Lequel a suscité d'innombrables et complexes débats. Il y avait même des gens qui expliquaient doctement, dès les années soixante, que la classe ouvrière était en voie de disparition en raison de la mécanisation de la production. Bref que la société ne compterait plus que... des classes moyennes. Exit donc la lutte de classes, selon leurs analyses et sans doute les rêves d'une partie d'entre eux.

Au delà de ces analyses, il nous semble évident qu'un cheminot, aussi bien un roulant qu'un guichetier ou un préposé aux aiguillages (sans compter les ouvriers d'entretien qui eux produisent de la plus value) appartient à la classe ouvrière, de même qu'un postier, une caissière de supermarché, un serveur de Macdo ou un livreur de pizza. Ne nous cassons donc pas trop la tête : c'est aussi dans la lutte que les frontières de classe s'établissent, du moins pour les catégories "litigieuses".

Enfin, si la petite bourgeoise salariée s'est développée, inversement un certain nombre de professions se sont prolétarisées : employés de bureau, de banque, d'assurance etc réduits à des taches d'exécution (alors qu'ils étaient considérés comme des "collaborateurs" du patron et des privilégiés par rapport aux ouvriers au 19ème siècle, mais aussi une partie des journalistes, comme l'armée de pigistes sous-payés, et même dans une certaine mesure artistes - comme les intermittents du spectacle. On peut discuter éternellement pour savoir si ces dernières catégories appartiennent au prolétariat ou à la petite bourgeoisie pauvre, mais ils sont de toute évidence les alliés de la classe ouvrière !

Il n'en va plus vraiment de même aujourd'hui des paysans et des commerçants, qui formaient le gros de la petite bourgeoisie au début du 20ème siècle, car, du moins en France, il n'y a pratiquement plus de paysans pauvres cultivant une exploitation familiale et les petits commerçants sont en voie d'extinction face à la concurrence de la grande distribution et des réseaux.
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Message par Puig Antich » 17 Jan 2008, 16:53

a écrit :
Les "classes moyennes", ce n'est pas un concept marxiste. C'est une notion fourre-tout de sociologues, d'économistes et de journalistes bourgeois. Cette notion floue présente pour eux l'avantage de masquer les véritables différenciations de classe.


Marx utilisait régulièrement le terme classe moyenne, pour désigner la bourgeoisie en fait, à sa période ascendante.

Trotsky l'utilise dans l'extrait - titre d'une partie - que j'ai cité de Où va la France?, mais là, c'est pour désigner précisément la petite bourgeoisie, dont Trotsky explique plus haut dans le texte le caractère extrêmement composite, hétérogène.

Après la seconde guerre mondiale, avec la continuation du processus de concentration du capital et aussi de l'administration des entreprises, parfois sous l'égide de l'état, et les changements dans la production, la couche des cadres et techniciens s'est renforcée. On peut aussi mentionner un certain nombre de professions intellectuelles, dont ceux qui les exercent gagnent un revenu autour de 2000/3000 euros mensuels, et sont salariés autant qu'indépendants. Ils s'ajoutent aux petits bourgeois plus traditionnels, artisans, petits négociants et commerçants, paysans, qui oscillent continuellement entre un soutien à la classe dominante des propriétaires des grands trusts, et une sympathie pour les classes populaires dans lesquelles ils sont menacés de « tomber » aux moindres soubresauts de l'économie capitaliste - et aussi, en période de stagnation économique, vers l'extrême-droite.

C'est eux les « classes moyennes », et l'expression de Trotsky « une alliance avec les radicaux seraient une alliance contre les classes moyennes », même si elle est dite dans un autre contexte qu'aujourd'hui, garde toute sa valeur aujourd'hui où la CGC, la CFDT syndicalement, et le PS sur le terrain politique, ont annoncé qu'ils soutiendront la « modernisation du marché du travail », par exemple. Ce projet vise non seulement les ouvriers, mais aussi ces couches moyennes de cadres salariés, et il est symptomatique d'une période dans laquelle le mode de production capitaliste, qui se restructure, pousse vers la misère et le prolétariat les couches moyennes de la société, et ce prolétariat vers le chômage. Et du coup, ce que dit Trotsky également sur le fait qu'une politique ouvrière audacieuse ne peut éluder le point central qui consiste à gagner les couches moyennes sur la base d'un programme qui répond à leurs besoins dans une optique socialiste, est également vraiment d'actualité.

Et une autre phrase du même "Où va la France?" qui dit que cette alliance n'est pas une affaire parlementaire - on pourrait dire aujourd'hui municipale :smile: - mais une affaire de dynamique révolutionnaire, également.
Puig Antich
 
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Message par Vérié » 17 Jan 2008, 17:07

(Puig Antich @ jeudi 17 janvier 2008 à 16:53 a écrit : Ce projet vise non seulement les ouvriers, mais aussi ces couches moyennes de cadres salariés, et il est symptomatique d'une période dans laquelle le mode de production capitaliste, qui se restructure, pousse vers la misère et le prolétariat les couches moyennes de la société,
N'exagérons rien. Aujourd'hui la majeure partie de la petite bourgeoisie se porte bien en France. Certes sa situation reste fragile en cas de crise grave, mais la proportion de cadres au chomage est beaucoup plus faible que celle de jeunes, de femmes et d'ouvriers non qualifiés.

Ce qui est vrai en revanche, c'est qu'une partie de cette petite bourgeoisie salariée voit ses conditions de travail se dégrader, comme par exemple les ingénieurs du technocentre de Renault où les suicides se sont multipliés. Une partie de la petite bourgeoisie ressent aussi depuis un certain temps la fragilité de sa situation. Mais, pour le moment, nous n'avons pas assisté à un déclassement massif ni même significatif de la petite bourgeoisie. Les plus gros acheteurs de bateaux de plaisance sont aujourd'hui... les médecins.
Vérié
 
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Message par Puig Antich » 17 Jan 2008, 17:09

Oui oui, les médecins c'est autre chose, mais les couches moyennes salariées subissent quand même la précarisation du marché de l'emploi, la hausse des cadences, etc. Biensûr, ce n'est qu'un début, et on est loin, pour le moment, des années 30.
Puig Antich
 
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Message par Koceila » 17 Jan 2008, 17:33

Quote Ottokar:

a écrit :comme d'habitude, Bello pose des questions sans apporter de réponses. Moi je n'en discute pas, cela n'a aucun intérêt, sauf à discuter de sous-entendus.

a écrit :
Ce qui manque séeieusement aujourd'hui c'est une analyse un peu plus fine de la société


Je t'en prie, livre-la nous, nous qui sommes sans doute trop grossiers. Alleluila, Marx est ressuscité !


Par les temps qui cours, il faudrait pouvoir faire ressusciter tout le monde: Marx, Engels, Lénine, Trotsky, Rosa Luxembourg, Rakovsky....... et bien d'autres, on aurait peut-être des chances d'inverser la vapeur!!!! :w00t:
Koceila
 
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