Analyse des résultats et conséquences

Tout ce qui touche de près ou de loin à l'actualité politique en France

Message par Barnabé » 25 Juin 2004, 17:54

Pour revenir au sujet du fil, l'analyse des résultats, voici l'édito du dernier convergences révolutionnaire (édité par la fraction de LO):
a écrit :
L’alliance LO-LCR après « l’échec » électoral


Le mauvais résultat des listes LO-LCR aux élections européennes aura fait plus d’heureux qu’un bon aurait pu le faire. Unanimes tous nos ennemis, et même quelques uns de nos amis, glosent sur « l’échec » de l’alliance LO-LCR.

Leur soulagement est sans doute à la hauteur de leur appréhension. Il était déjà visible au soir des régionales, pour lesquelles pourtant le résultat sans être bon était loin d’être catastrophique. Après tout, pas loin de 5 % des voix pour l’extrême gauche la maintenait au niveau électoral moyen où elle s’est hissée depuis une dizaine d’années et confortait plutôt le fait qu’elle constitue bien une force qui compte dans le paysage politique de ce pays.

L’on peut débattre des raisons pour lesquelles elle n’a pas retrouvé ce pourcentage deux mois et demi plus tard. L’une en tout cas peut être écartée d’emblée : que les électeurs auraient perdu en juin l’estime qu’ils pouvaient lui avoir marquée en mars. L’explication, corroborée par l’énorme augmentation des abstentions, est bien plutôt à rechercher dans l’absence d’enjeu de ces élections européennes, au point que sans doute nos électeurs n’ont pas vu la raison de répéter leur geste. De là à en déduire qu’ils ont voulu le désavouer...

Mais tous ceux qui en viennent ouvertement ou non à cette conclusion, y compris malheureusement dans les rangs de l’extrême gauche elle-même, visent à bien autre chose : persuader les deux organisations qu’elles ont plus à perdre qu’à gagner en intervenant ensemble, même quand elles sont d’accord sur les buts et les méthodes de ces interventions ; persuader que leur apparition en commun repousserait d’avance une partie de ceux qui suivent l’une ou l’autre ; persuader la LCR que l’erreur fut d’accepter de se distinguer clairement de la gauche, en refusant d’avance avec LO d’appeler à voter pour cette gauche au deuxième tour des régionales (même si cet argument est parfaitement illogique puisque cela n’a pas empêché plus d’un million d’électeurs de voter au premier tour) ; persuader LO que cela ne sert à rien de faire alliance avec la LCR puisque cela n’améliore même pas l’impact électoral (même s’il est bien évident que chacune de leur côté les deux organisations n’auraient pas plus attiré sur leur nom des électeurs qui, voulant condamner ce gouvernement, ont estimé que le bulletin PS leur serait plus utile pour exprimer leur opinion).

Ce vote, ou ce non-vote, ne change rien à ce que bon nombre de travailleurs attendent toujours de l’extrême gauche, en particulier sur les terrains de la lutte de classe et dans les prochaines confrontations sociales. Mais c’est justement là qu’il y a un enjeu pour nos adversaires à interrompre maintenant l’alliance des deux organisations.

Les élections européennes passées - ce non-événement pour une énorme majorité des travailleurs - restent les vrais problèmes : d’un côté l’offensive anti-ouvrière des patrons et du gouvernement qui continue, symbolisée au moment même où nous écrivons par leur volonté de privatiser EDF-GDF et faire voter en juillet le plan Douste-Blazy sur l’assurance-maladie ; de l’autre côté la volonté affichée du Parti socialiste d’attendre sans broncher les prochaines élections de 2007 comme celle des directions des grandes organisations syndicales de rechercher négociations et compromis plutôt que d’organiser la riposte.

Comment dans ce contexte LO et LCR pourraient-elles manquer d’essayer d’intervenir et d’explorer systématiquement les opportunités de le faire en commun ? Et comment de telles opportunités ne pourraient-elles pas se présenter, et pas dans trois ans mais dans les mois, voire les semaines qui viennent ?

21 juin 2004

Et puis tant qu'on y est, un article dans le dernier numéro de Débat Militant (publié par la tendance Démocratie Révolutionnaire de la LCR):
a écrit :
Après les élections européennes, persévérer pour construire une force démocratique et révolutionnaire du monde du travail


Les résultats des élections européennes s’inscrivent dans la continuité des régionales, à la différence d’une forte progression de l’abstention. Pour nos listes, alors que les régionales révélaient plutôt une stagnation, les européennes ont montré un vrai recul (1 075 883 voix le 21 mars, 432 630 le 13 juin). Les listes LO-LCR ont plus que les autres subi l’effet de l’abstention qui s’est élevée, selon des sondages, à 70 % chez les ouvriers, 78 % dans la jeunesse. Ces couches qui ont rompu avec les partis institutionnels, n’ont pas pensé utile d’aller voter pour une liste qui semblait écartée par avance de la possibilité d’avoir des élus par une loi antidémocratique faite pour protéger les grands partis. En même temps, cet abstentionnisme très important dans les couches les plus populaires dément l’idée que la victoire du PS signifierait que celui-ci a renoué avec son électorat de 1981 ou même de 1997. La rupture avec le social-libéralisme du 21 avril 2002 est confirmée dans une large fraction du monde du travail.
Alors, la droite bien que désavouée est rassurée. Elle enregistre un deuxième échec électoral, mais elle sait que son principal opposant ne conteste pas sa politique sur le fond. Les menaces de Raffarin vis-à-vis des agents d’EDF-GDF montrent bien qu’il ne se sent pas menacé. Son affaiblissement électoral ne l’empêche pas de défier ouvertement les travailleurs en lutte.
L’abstentionnisme exprime le rejet des partis gouvernementaux au service du libéralisme mais aussi le manque de confiance de larges fractions du monde du travail et de la jeunesse. La pression sociale, économique, politique de la bourgeoisie s’exerce fortement. Les attaques du patronat, l’augmentation du chômage (100 000 emplois détruits dans l’industrie en 2003, 70 000 de plus prévus en 2004) et de la précarité (le nombre de RMIstes a enregistré sa plus forte hausse depuis neuf ans, avec près de 9 % de progression dans l’année, atteignant 1,2 millions), ont un effet profondément démoralisant sur le monde du travail. D’autant que la bourgeoisie ne rabaisse pas son arrogance : Michelin s’augmente de 146 % et supprime 2500 emplois, la direction de STMicroElectronics envoie les CRS contre les salariés, et quand l’INSEE annonce une réévaluation de la croissance attendue pour 2004 (2,3%), c’est en précisant aussitôt qu’elle sera destructrice d’emplois !
Seillière ne s’y est pas trompé, dans sa conférence de presse d’après les élections : « Nous abordons la deuxième période du quinquennat, sans élections pendant trois ans. Donc le gouvernement est libre d'agir, n'a plus à se préoccuper des échéances électorales et est en mesure de pouvoir conduire son action. Alors allons de l'avant, allons-y vite et allons-y fort ! ». Et il poursuit : « Les réformes, le gouvernement s'y est mis lentement, mais il l'a fait, de façon certes insuffisante sur les retraites, et il est en train de le faire pour l'assurance-maladie … il faut également le faire sur l'assurance-chômage, (…) le service minimum, la réforme de l'État … et la lisibilité du code du travail ».
La feuille de route du patronat est claire. Alors, si Raffarin comme le Medef se permettent cette attitude de défi, c’est qu’ils savent bien qu’ils peuvent s’appuyer sur l’accord politique de leur opposition parlementaire. Le PS a mis lui-même en œuvre la politique libérale que Raffarin poursuit et amplifie. Les directions syndicales jouent un double jeu depuis plusieurs mois, « diagnostic partagé » sur la sécu, négociations quasi secrètes pendant plusieurs semaines avec Douste-Blazy, et en même temps, appel à quelques actions pour satisfaire une base mécontente.
L’échec électoral de nos listes est le reflet d’un recul qui dépasse l’extrême gauche. Il est le reflet des difficultés de l’ensemble du mouvement social à riposter aux attaques, à opposer à la politique libérale une politique de défense du monde du travail, à tirer les bilans de son échec du printemps 2003. Le manque de confiance des travailleurs en leur propre force entraîne l’indifférence et une dépolitisation qui se sont exprimées dans les élections, mais aussi dans les luttes. Notre échec électoral en est une des expressions.
Pour une moindre part, et même s’il est difficile de le mesurer, la nature même de l’accord entre LO et la LCR a pesé aussi. Limité aux élections, il n’était pas une perspective à la hauteur des enjeux qui s’imposent au mouvement social. Depuis 1995, un électorat s’est regroupé autour des candidatures d’Arlette Laguiller, puis d’Olivier Besancenot, passant de 5 à 10 % en 7 ans. L’extrême gauche n’a pas su répondre aux attentes de cette fraction importante des classes populaires. Unie en 1999 et 2004, séparée en 2001 et 2002, de nouveau séparée après les Européennes ? quelle est la logique de ces va-et-vient ? Les accords entre nos deux organisations sont peu à peu apparus comme des calculs électoraux à tous ceux qui ont compris qu’on ne pourrait pas préparer la riposte sans l’unité.
La seule façon de dépasser les divisions est de formuler la perspective claire du regroupement et du dépassement, vers une force politique pour les luttes, pour la fraction du monde du travail qui veut une expression politique organisée de ses aspirations, de ses revendications. Pour une part, notre échec, c’est celui de la division, produit du gauchisme qui ne sait pas distinguer les convergences essentielles et les différences secondaires parce qu’il ne sait pas se situer du point de vue des intérêts généraux du mouvement social comme du mouvement démocratique et révolutionnaire.
Mais l’échec n’efface pas les acquis. Bien au contraire, il éclaire sur les limites et indique la voie de leur dépassement dans les prochaines étapes. Il nous faut garder le cap de l’unité des révolutionnaires, sur la base d’un plan d’urgence sociale et démocratique, véritable programme pour les luttes.
Elles marquent certes le pas ? Mais une nouvelle conscience se forge dans le monde du travail qui fait l’expérience qu’il n’a pas d’alliés dans les directions de la gauche et des confédérations syndicales. Déjà, le mouvement de mai-juin 2003 avait fait naître des collectifs et d’autres cadres de discussion et d’organisation démocratiques, dans lesquels se retrouvaient les militants des organisations, rejoints par une nouvelle génération, tous soucieux de pouvoir militer en dehors des structures bureaucratisées, en rupture avec leur politique d’accompagnement du libéralisme.
La victoire du PS donne toute son actualité à la nécessité d’un parti des travailleurs indépendant. Elle renforce les illusions électorales et donne les moyens au PS de peser sur le courant révolutionnaire, pour essayer de le marginaliser ou de le neutraliser. Que le PS gauchisse ou pas son langage, il essaiera de se protéger sur sa gauche, n’hésitant pas à se réclamer de l’antilibéralisme, pour essayer de capter ceux qui se sentent proches de nous en se nourrissant de la démoralisation. Les échecs du mouvement social, l’étouffement des luttes par la gauche social-libéral comme par les directions des confédérations syndicales, dont principalement la CGT, qui lui sont ralliées nourrissent les illusions ou du moins l’idée qu’avec la gauche ce sera moins pire qu’avec la droite.
Ces faux espoirs aboutissent à l’attentisme, détournent les travailleurs et les jeunes de la défense de leurs propres intérêts par eux-mêmes, avec leurs propres armes.
Le monde du travail ne peut résister ou mener pleinement sa lutte contre le patronat et la droite qu’en se dégageant de toute illusion dans le social libéralisme et dans le jeu de l’alternance qui le paralyse.
C’est avec « une lente impatience » que nous avons à nous atteler à la construction d’une nouvelle force du monde du travail, dans la continuité politique de la campagne commune LCR-LO. Les acquis de notre campagne unitaire sont un point d’appui militant important pour aller de l’avant.
Les attaques de la bourgeoisie donnent de plus en plus de poids aux mesures du plan d’urgence que nous avons défendu : mettre fin au chômage, à la précarité, interdire les licenciements, embaucher dans les services publics, augmenter les salaires et les retraites, prendre sur les profits, imposer un contrôle des travailleurs sur l’économie.
La montée du militarisme donne plus de crédit aussi à notre internationalisme, contre l’occupation en Irak, contre le redéploiement impérialiste, financier et militaire, pour piller les peuples.
La croissance destructrice du capitalisme, l’impression de faillite généralisée et de décadence de ce monde fait grandir la conscience qu’une révolution sera nécessaire.
Défendre pied à pied ce programme, c’est se donner les moyens de gagner dès aujourd’hui et dans les mois à venir de nouveaux camarades, conscients que ce programme de lutte est indispensable pour les résistances quotidiennes, pour l’indépendance politique de la classe ouvrière pour qu’elle se forge sa propre conscience sur la base de ses intérêts.
Nous avons à aider à se regrouper tous ceux qui ne veulent pas se bercer d’illusion et attendre un succès de la gauche en 2007.
Se battre contre le patronat et la droite aujourd’hui, c’est n’avoir aucune confiance dans cette gauche social-libérale, politique ou syndicale.
Nous voulons œuvrer à l’unité et à la démocratie dans le mouvement social, en défendant un programme d’indépendance et de lutte de classe.
Cela signifie dans l’immédiat faire le bilan des luttes tant sociales que politiques. Construire, c’est aujourd’hui analyser les raisons des échecs, en tirer les enseignements politiques alors qu’à travers la luttes des électriciens et des gaziers comme à travers toutes les résistances se forgent une profonde révolte non seulement contre l’arrogance et le mépris de la droite minoritaire et illégitime mais aussi contre cette gauche satisfaite d’elle-même, suffisante et cynique.
Franck Coleman
Barnabé
 
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