On se bouscule à gauche de la gauche

[ianovka]

On se bouscule à gauche de la gauche
Les altermondialistes et les trois familles trotskistes dans la bataille

E. F.
[08 mai 2004]

«Il y a beaucoup de trop de monde sur le créneau du non de gauche à la Constitution européenne.» Ce constat fait par le sénateur chevènementiste Jean-Yves Autexier a servi, entre autres arguments, à justifier la non-participation du Mouvement républicain et citoyen aux européennes. Si tous ceux qui veulent concourir vont jusqu'au bout de leur démarche (le dépôt des listes a lieu du 17 au 28 mai), il y aura effectivement bousculade. Outre le PCF (voir ci-contre) et le tandem LO-LCR déjà présents aux régionales de mars, un «collectif 100% altermondialiste pour une Europe solidaire» est entré dans la danse. Le Parti des travailleurs (le PT est la troisième formation trotskiste française, après LO et la LCR) assure aussi vouloir concourir.


La surprise «altermondialiste».
Plusieurs adhérents de l'association altermondialiste Attac ont créé la surprise en annonçant leur intention de présenter des listes dans au moins quatre grandes régions (Ile-de-France, Nord-Ouest, Sud-Est et Sud-Ouest) : «A l'heure où le dogme du tout libéral va être gravé dans le marbre de la Constitution européenne, il est devenu urgent de donner une dimension politique aux aspirations exprimées par le mouvement altermondialiste», écrivent-ils, convaincu que «les partis existants ne sont pas aptes à porter efficacement cette nouvelle dynamique».


L'initiative a fait grincer des dents au PCF et à la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), qui se posaient déjà en relais politique des altermondialistes. Elle a surtout déclenché une crise au sein d'Attac, qui a pour règle de «ne susciter, ne soutenir et ne participer à aucune liste». Dans une lettre aux adhérents, huit membres du bureau de l'association et ses trois vice-présidents accusent le président d'honneur Bernard Cassen, «en liaison avec Jacques Nikonoff» (le président) d'avoir piloté l'opération en sous-main, faisant courir des «risques majeurs» à l'association «ainsi instrumentalisée». Les intéressés s'en défendent et le débat a été mis à l'ordre du jour d'un conseil d'administration le 15 mai. D'ici là, le «collectif 100% altermondialiste» aura tenu sa première réunion publique, lundi soir à Paris.


LO et la LCR récidivent.
Malgré leur échec aux régionales de mars, les formations d'Arlette Laguiller et d'Olivier Besancenot ne désespèrent pas de «faire entendre la voix des travailleurs» au Parlement européen. Déjà handicapés par la réforme du mode de scrutin, qui pourrait les priver de leurs cinq élus sortants, l'attelage LO-LCR s'applique à contrecarrer la dynamique de vote utile qui a profité au PS en mars : les européennes «n'ont aucun enjeu de pouvoir» et «les votes ne peuvent modifier aucun exécutif», insistent-ils. Tête de liste en Ile-de-France, le porte-parole de la LCR Olivier Besancenot fera bien sûr des meetings communs avec son homologue de LO Arlette Laguiller (seconde sur sa liste). Mais il développe aussi une campagne autonome en reprenant sur des affiches à son effigie le slogan du Forum social de Paris-Saint-Denis : «Pour une autre Europe». Une tentative de récupérer les électeurs qui en mars dernier ont pu être découragés par les réserves de Lutte ouvrière à l'égard des altermondialistes.


Le PT veut exister.
Absente aux régionales, la plus discrète des formations trotskistes a annoncé mardi, par la voix de son ex-candidat à la présidentielle, Daniel Gluckstein (0,47% en 2002), vouloir présenter des listes «dans les sept grandes régions» métropolitaines. Le PT n'espère aucun élu au Parlement européen, qui n'a «aucune légitimité». Il n'est même pas certain d'aller jusqu'au bout et cherche à collecter des fonds en menant campagne «pour une rupture avec l'Europe de Maastricht» et... «pour le retour à la Sécurité sociale de 1945».