Le Nord vu par Libé

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Message par alex » 13 Mars 2004, 14:34

Un jour, une région : le Nord-Pas-de-Calais
Le PS à l'épreuve de la détresse
Dans un contexte social dégradé, les socialistes craignent les extrêmes.


Par Eric AESCHIMANN

samedi 13 mars 2004


«Au lieu d'accompagner la désespérance sociale, il faut créer un rapport de force.» Alain Bocquet, tête de liste PCF régionale Lille envoyé spécial


Paradoxalement, c'est Jean-Pierre Delevoye qui donne la clé du scrutin : «Ce qui se joue ici, c'est la puissance du politique à peser sur le cours des choses.» Drôle de tête de liste UMP que le ministre de la Fonction publique : une stature tellement haute qu'il paraît avoir en permanence la tête dans les nuages et l'esprit ailleurs. Lorsqu'il visite une passementerie, aux environs de Lille, le candidat à la présidence de la région Nord-Pas-de-Calais admire les machines à tisser qui tricotent galons, rubans et cordes de rideaux, et passe devant les ouvrières sans les saluer. A l'évidence, ses fugaces espoirs d'enlever la région à la gauche se sont évanouis et, au déjeuner, il prend plus de plaisir à parler cinéma ­ il a adoré Podium ­ qu'affaires régionales. Mais tout cela ne l'empêche pas de voir qu'ici, face aux fermetures d'usines ininterrompues, la question n'est pas celle de l'alternance régionale, mais bien celle de l'existence même d'un pouvoir politique capable d'influer sur les événements.

Le Nord-Pas-de-Calais, c'est un cas d'école. Une situation géographique exceptionnelle, une excellente desserte TGV, des positions solides dans le ferroviaire, la logistique, l'agroalimentaire ou l'automobile (dans ce secteur, un tiers de la production française vient de la région), un niveau de créations d'emploi supérieur à l'Ile-de-France. Mais également trente ans de restructurations industrielles (mines, sidérurgie, textile), un sous-investissement important de l'Etat (il manquerait 25 000 fonctionnaires d'Etat par rapport aux autres régions) et une frange de la population cumulant toutes les difficultés : déficit de formation, chômage chronique, surexposition à certaines maladies, espérance de vie inférieure de 3 ans à la moyenne nationale. Même paysages, même désespérance : comme dans Raining Stones de Ken Loach, ici aussi on dirait parfois qu'il pleut des pierres. Et même, depuis deux ans, des tuiles.

Gauloise. Parmi les derniers exemples en date : à Calais, LU ferme pour améliorer la rentabilité de Danone ; dans le bassin houiller, Metaleurop est victime d'un actionnaire russe sans scrupule ; victime de délocalisations, le textile lillois va supprimer 2 000 emplois ; faute de clientèle pour son ancestrale Gauloise, Altadis (ex-Seita) arrête son usine, met 500 personnes au chômage et condamne à la jachère un immense site à cinq minutes du centre-ville de Lille. Sans oublier, dans un genre un peu différent, l'inquiétante épidémie de légionellose à Hénin-Beaumont, qui, selon Bernard Roman, tête de liste PS dans le Nord, symbolise parfaitement «l'histoire de la région : une bactérie découverte aux Etats-Unis, qui frappe les plus faibles et qui amène tout le monde à dire "oui au principe de précaution" mais aussi "il ne faut pas fermer les usines"». Comme si tous les vents de la mondialisation avaient décidé de souffler en même temps et au même endroit.

Observatoire. Ces vents mauvais, ils hantent la gauche nordiste. Rallié de bonne heure au réalisme social-démocrate, le PS local, hégémonique dans la région, a accompagné le chantier des restructurations. Daniel Percheron, président du conseil régional depuis 2000, tente de montrer qu'il a fait ce qu'il pouvait pour limiter la casse, notamment la constitution d'un «fonds d'anticipation sociale» doté de 5 millions d'euros, pour aider en urgence les salariés licenciés. Mais cet effort ne convainc pas Alain Bocquet, tête de liste PCF pour la région et président du groupe communiste à l'Assemblée nationale : «Au lieu d'accompagner la désespérance sociale, il faut créer un rapport de force. La région doit disposer d'une cellule juridique et poursuivre devant la justice les actionnaires qui ne respectent pas les lois. Moi, pour Metaleurop, j'aurais porté plainte. Il faut aussi créer un observatoire économique pour analyser les stratégies des entreprises et intervenir en amont si une entreprise s'engage dans une mauvaise direction.»

Un positionnement entièrement dicté par la peur du grand méchant loup gauchiste. Depuis son entrée au conseil régional, en 1998, Lutte ouvrière ne cesse de dénoncer les subventions aux entreprises, «cadeaux au patronat». «Ils sont sectaires, mais ils bossent énormément et ils ont obligé les élus socialistes à se remettre au travail», note Pierre Mathiot, professeur de sciences politiques à Lille-II. A la présidentielle de 2002, Lionel Jospin est arrivé en troisième position avec 327 000 voix, soit 175 000 de moins qu'au premier tour de la présidentielle de 1995. Arlette Laguiller et Olivier Besancenot ont, eux, totalisé 226 000 voix. Ce sont ces suffrages que Daniel Percheron, tête de liste régionale, aimerait récupérer. Mais n'est-ce pas trop tard ? Distribuant ses «feuilles de boîtes» dans une dizaine de grandes entreprises régionales (Française de mécanique à Douvrin, Renault à Douai, le CHRU à Lille...), la formation d'Arlette Laguiller a pris de l'avance. «Ce sont les plus actifs dans cette campagne», poursuit Pierre Mathiot, qui juge très probable de les voir atteindre le seuil de 10 % qui leur permettra de se maintenir au second tour.

RMI. Le FN étant certain d'y être lui aussi, ce serait la porte ouverte à une quadrangulaire inédite, qui, pour le coup, réveille l'intérêt de Jean-Paul Delevoye : «Avec une quadrangulaire, on a nos chances.» Pour éviter ce scénario noir, Daniel Percheron et Bernard Roman ont donc choisi de «nationaliser» autant que possible le scrutin, pour en faire un vote-sanction contre le gouvernement Raffarin. Lequel semble tout faire pour les aider, que ce soit en supprimant 600 postes d'enseignants ou en annulant la rallonge de 30 millions d'euros par an accordée par le gouvernement Jospin afin de remettre à niveau les équipements hospitaliers d'une région qui ne dispose que d'un seul CHRU pour 4 millions d'habitants. Quand à la réforme de l'ASS et du RMI, elle frappe de plein fouet une population dont, sur l'ensemble de la région, la moitié du revenu disponible dépend des transferts sociaux. Preuve que, parmi les tuiles tombées sur la tête des Nordistes depuis un an, certaines sont venues directement de Paris. Et qu'à l'évidence c'est une autre façon de peser sur le cours des choses que le Nord-Pas-de-Calais attend des responsables politiques.
alex
 
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Message par logan » 13 Mars 2004, 16:34

a écrit :«Ils sont sectaires, mais ils bossent énormément et ils ont obligé les élus socialistes à se remettre au travail», note Pierre Mathiot, professeur de sciences politiques à Lille-II
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logan
 
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Message par ianovka » 13 Mars 2004, 17:50

a écrit :Distribuant ses «feuilles de boîtes» dans une dizaine de grandes entreprises régionales (Française de mécanique à Douvrin, Renault à Douai, le CHRU à Lille...), la formation d'Arlette Laguiller a pris de l'avance. «Ce sont les plus actifs dans cette campagne», poursuit Pierre Mathiot, qui juge très probable de les voir atteindre le seuil de 10 % qui leur permettra de se maintenir au second tour.


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ianovka
 
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