Mes cher(e)s camarades,
Le temps des décisions est arrivé. J’ai dit pour l’essentiel ce que j’avais à dire lors de ce Comité National de Branche “historique” que nous avons vécu les 4 et 5 février derniers. Je garderai comme un souvenir marquant la manière dont encore une fois le CNB a été bafoué dans sa légitimité, symbole de l’état catastrophique dans lequel se trouve aujourd’hui la CFDT en général et la branche IEG en particulier. Le rôle du bureau de branche se réduit aujourd’hui à faire avaler par tous les moyens aux équipes des décisions prises par l’exécutif fédéral et inspirées par la confédération.
J’ai donc pris la décision de partir, d’abandonner tous mes mandats (CSC, Comité d’Entreprise Européen, Liaison-Gaz) et de réintégrer. Ce n’est pas de gaîté de cœur après 15 ans de détachement, de militantisme et d’investissement personnel tant le syndicalisme est pour moi une passion. Mais trop c’est trop. Défendre une confédération indéfendable sur un certain nombre de dossiers, porter les positions d’une fédération qui ne fait même plus semblant d’écouter ce que disent les militants, tout cela pour garder un statut un peu privilégié de fédéral, je n’y arrive plus. L’organisation me poussait vers la sortie. Deux fois déjà elle a essayé et échoué : les militants s’y sont opposés. Cette fois, c’est moi qui pars et certains sableront la champagne : un gêneur de moins. Après moi, bien d’autres partiront, écoeurés, virés car la machine à exclure n’est pas près de s’arrêter, vous le constaterez dans les prochains mois. C’est qu’il s’agit désormais de ne voir qu’une tête. Eh bien, je ne m’alignerai pas dans le rang.
Et je m’en veux presque d’avoir attendu si longtemps. Le dossier “retraites”, les intermittents, l’Unedic, le rejet affiché des fonctionnaires et des salariés du secteur public, les connivences avec le MEDEF, le mépris des altermondialistes, les atermoiements de la confédération sur l’ouverture du capital d’EDF et Gaz de France, la démocratie interne bafouée tant à la conf qu’à la fédération… Oui, vraiment, il était temps que je parte. Comme dirait qui vous savez, c’est une clarification. Je n’ai rien à dire à ceux qui veulent tuer la CFDT dans les IEG, conformément à la stratégie confédérale. Sauf une petite chose : j’ai la certitude qu’ils vont y parvenir ! En revanche, j’aurais tant et tant à dire à celles et ceux qui m’ont accompagné ou croisé durant ces années et qui m’ont aidé à supporter l’atmosphère irrespirable de Bolivar.
Je pense tout d’abord à vous, animateurs de CTB, dévoués, convaincus, en permanence coincés entre le marteau et l’enclume, vous que j’ai vus découragés, désespérés de voir ce qu’était devenue leur organisation et qui faites l’impossible pour résister à la machine implacable. A vous, particulièrement, mon salut amical. Je pense également aux membres du CDF qui ont su, avec courage, me défendre lorsque le secrétaire général de la fédération a demandé ma tête. Ce sont des moments que je n’oublierai pas. Et tous ces militants rencontrés dans les CTB que j’étais chargé de suivre et qui m’ont accueilli avec tant de gentillesse et de sincérité (SECAM, Midi Pyrénées, SCEPC) et qui sont, loin de l’appareil, l’âme de la CFDT.
Et puis les membres de la formidable délégation au CSC des CMP, traînés dans la boue, menacés tous les quatre matins d’être virés, mis sous tutelle comme des criminels eux dont le seul crime était d’avoir, après la crise d’il y a 4 ans, redonner son honneur à la CFDT face aux directions et à la CGT. Une bande de copains, compétents, courageux, qui se faisaient confiance mutuellement et qui va être laminée. Mais une bande de copains, dans une organisation totalitaire, n’est-ce pas déjà suspect ? Et puis tant d’autres rencontrés au hasard de mes déplacements, secrétaires de section, militants sincères, simples adhérents. Bref, c’est tous ceux-là qui vont me manquer, me manquer terriblement.
N’écoutez pas les saloperies qui se raconteront sur moi. Je ne prétends pas être sans défaut, loin de là. J’ai essayé de ne pas trahir mes idées et j’ai pris tous les risques pour cela. Parce que, justement, mon engagement est avant tout une affaire d’idées, de convictions. Et que l’accompagnement des puissants, ce n’est pas mon fort. Et que je ne sens pas le courage d’attendre que la CFDT fasse semblant d’aller au combat contre le changement de statut et finisse par lâcher au nom du réalisme, au nom de ce principe qui prévaut désormais à la CFDT : “ne vous plaignez pas de perdre quelque chose parce que si nous n’avions pas signé vous auriez perdu encore plus”, philosophie stupéfiante pour un syndicat, mais qui explique pourquoi la CFDT est désormais l’organisation préférée du patronat (vous pouvez vérifier dans les sondages).
Voilà, c’était mon message d’adieu ou d’au revoir. Qui sait si nous ne nous retrouverons pas un jour pour continuer le combat ailleurs. Salut à toutes et à tous. Je tacherai d’oublier l’organisation qui m’a trahi mais je n’oublierai jamais celles et ceux qui la font vivre, pour les moments d’amitié et de confraternité que nous aurons partagés dans notre lutte quotidienne contre l’injustice et pour un monde meilleur. Parce que l’avenir appartient à ceux qui luttent et non à ceux qui subissent.
André Canovas
Ex-secrétaire national chargé de la liaison-gaz
Ex-secrétaire-adjoint du Comité d’entreprise Européen de Gaz de France
Pour plus d’information, on peut consulter le site suivant :
http://spasmet-meteo.org/ Spasmet