Cyrano a écrit :qu'a donc dit Sophia Aram
J'avoue mon cher Cyrano que la comparaison de la réintégration des soignants avec le tueur de jeunes femmes en série et ancien chauffeur de car Emile Louis qui, s'il était encore en vie, pourrait être réintégré pour pallier le manque de chauffeurs, m'a fait sauter au plafond.
Cyrano a écrit :Avec Caroline Fiat de la France Insoumise : «réintégrer le personnel soignant suspendu et non vacciné»,»; y'a quelques jours avec la charmante Annie Duperey sur C8, spécialiste de la lutte de classe chez les poules: «Qu'est ce qu'on attend? 15.000 soignants! Prêts à travailler!»; même avec Nicolas Dupont-Aignan, valeureux chevalier, qui tweete: «Véran ne veut toujours pas réintégrer les soignants suspendus et persiste dans son mensonge. On parle de 15 000 soignants et non de 70 médecins !»; et tiens, aussi, Eric Ciotti et 40 députés LR demandant: «de réintégrer le personnel soignant suspendu et non vacciné».
Sur les politiciens qui réclament la réintégration : nous savons bien qu'il ne s'agit que de jeu politicien. Les soignants, ils s'en fichent et ils pourront en dire le contraire demain. C'est exactement pareil pour les politiciens qui refusent la réintégration.
Quant à Anny Duperey, n'est-elle pas une très bonne illustration de comment la défiance envers les labos a pu s'installer chez quelqu'un et conduire à une défiance ultérieure envers le vaccin, elle qui a fait l'amère expérience du changement de formule du Lévothyrox de Merck en 2017 pour des questions de standardisation industrielle. Et après on se demande d'où ça vient, cette défiance...
Cyrano a écrit :Plestin, t'en arrive a écrire qu'un soignant non vacciné travaillera mieux qu'un soignant vacciné bossant en gros dégueulasse. Et tu écris que le vaccin ne sert qu'à éviter les formes graves de la maladie mais n'empêche «nullement» de choper le covid. Est tu sûr de ton nullement, puisque tu sembles en faire une généralité?
Sur la première phrase : mieux travailler en tant que soignant c'est une question de comportement vis-à-vis des gestes barrières et de sa propre exposition au risque. Il vaut bien mieux pour un soignant comme pour un patient être vacciné. Cela réduit le risque de contamination et, surtout, le risque d'avoir une forme grave. Mais le manque de précautions ruine une partie du bénéfice de la vaccination : à quoi bon réduire le risque de contamination si ensuite on augmente le risque par son comportement ? (C'est pour ça que le masque continue d'être recommandé dans certaines situations et ce, que l'on soit vacciné ou pas !)
Sur la deuxième phrase : au moment où le vaccin est sorti, on ne savait encore pas grand-chose sur sa capacité à faire barrage aux nouvelles contaminations et à la transmission. Puis, il s'est avéré que cette capacité était plutôt bonne. Cela aurait pu bien se terminer si l'égoïsme des pays riches monopolisant les vaccins, des laboratoires ne vendant qu'aux pays riches car le tarif était meilleur, et si des positions anti-vaccins réactionnaires dans certains pays (Inde, Brésil, Etats-Unis, Royaume-Uni) n'étaient pas venus entraver la lutte contre la pandémie... à l'échelle de l'humanité, et favoriser l'émergence de variants.
L'efficacité du vaccin sur les contaminations et les transmissions chez les vaccinés s'est mise à décliner avec l'arrivée des variants, mais heureusement, pas ou très peu sur l'essentiel, à savoir le risque de faire des formes graves. L'immense majorité des morts en France date d'avant la vaccination de masse et depuis, le nombre de morts est sans commune mesure, malgré des vaccins dont la conception s'est retrouvée en décalage avec les variants en circulation. Il y avait déjà un décalage avec delta mais le plus gros décalage est apparu avec omicron (et ses multiples variants qui occupent aujourd'hui pratiquement tout le terrain). Ces variants sont plus contagieux et le vaccin leur est moins adapté (normal, ils n'existaient pas quand le vaccin a été conçu). Le vaccin réduit encore le risque de contamination et de transmission (par rapport à un non-vacciné), mais beaucoup moins qu'à ses débuts. On ignore pour l'instant si la toute récente mise au point de vaccins Pfizer ciblant spécifiquement omicron, ou alors le rappel de Sanofi en cours d'autorisation et qui a un mode d'action différent et une efficacité trans-variants (mais n'a pas été testé sur les variants les plus récents), restaureront un meilleur effet sur ces paramètres, mais c'est une possibilité.
Donc, dans ces conditions, il est hors de question de garantir la sécurité des personnes fragiles à l'hôpital ou en ville en comptant sur la seule vaccination des soignants. Ce serait beaucoup trop dangereux. C'est pourquoi l'exclusion des soignants non vaccinés est une fausse solution. La solution c'est que chacun prenne le maximum de précautions quel que soit son statut vaccinal. Un soignant vacciné ou non vacciné ne présente pas de réel danger pour une personne fragile s'il est testé négatif et porte un masque : il faut donc s'assurer que ces conditions sont respectées. Le soignant vacciné devra se tester encore plus souvent, c'est tout.
Il en est de même pour tout un chacun au quotidien. Aujourd'hui, il y a encore trop de gens vaccinés qui, par leur manque de précautions dans la vie quotidienne, contribuent à la transmission. Il ne s'agit pas d'être un ayatollah des gestes barrière en toutes circonstances, ce serait impossible et invivable et une règle de base de toute médecine est d'abord d'être concrètement applicable. Il est impossible au quotidien de supprimer tous les risques (a fortiori pour des militants dont l'activité nécessite de rencontrer plein de gens !) et on ne va pas demander à chaque personne qui vit en famille de porter un masque tout le temps pour éviter les transmissions au sein du foyer alors que rien n'indique que quiconque soit contaminé ! Alors, pour réduire vraiment les risques de contamination et de transmission, sur un plan statistique, il faut choisir quels risques on accepte de prendre. On se teste avant d'aller voir ses parents ou grands-parents très âgés, mais si le résultat est négatif, on peut évidemment préférer les embrasser pour maintenir l'humanité de la relation, plutôt que de rester à distance avec un masque (sauf si on a la crève ou la gastro... Ne pas oublier le risque de grippe par exemple). On se teste avant de participer à un événement familial ou amical au cours duquel on sait qu'on ne pourra pas porter tout le temps de masque (repas...) mais dans l'abondance d'une foule inconnue, dans les transports ou les centres commerciaux, sauf à manger au restaurant, on porte systématiquement le masque. En n'oubliant pas une réalité : le masque est plus efficace pour protéger les autres que pour se protéger soi-même, or pratiquement plus personne ne le porte dans les transports.
Tu t'en prends aux infirmières libérales, des bobos qui seraient gavées aux médecines douces, antivax ne rechignant pas à vacciner à tour de bras. C'est un peu vachard pour des personnes qui étaient comme tout personnel sous les fourches caudines du pass sanitaire – et qui ont fait leur boulot, comme tout un chacun. Il ya avait aussi des infirmières de l'hosto qui se faisaient de la gratte en participant aux centres de vaccination – et même une infirmière retraitée de l'hosto, réticente au vaccin COVID, ne se gênait pas pour piquer, piquer.
Evidemment il ne s'agit pas de faire une généralité. Il y a des tas de personnels médicaux libéraux qui se sont comportés de façon tout à fait responsable. Mais le vrai problème des soignants libéraux ou pas et refusant le vaccin, ou faisant la promotion de fausses médecines, est : comment ces gens ont-ils pu devenir ce qu'ils sont sans que leur formation médicale les en empêche ? On peut toujours éliminer quelques soignants rétifs, à quoi bon si les écoles de médecine, de pharmacie, d'infirmières continuent d'en créer à tour de bras ? Il y a un vrai, vrai problème de formation des personnels médicaux, au-delà de leur nombre insuffisant. Il y a des choses qu'il ne faudrait pas laisser passer en amont. Et ce n'est pas simple, comme le montrent par exemple les récents déboires de Thomas C. Durand et de son émission youtube La Tronche en Biais pour avoir dénoncé une promotion scandaleuse de l'homéopathie prenant l'allure d'un cours, à la fac de pharmacie de Nancy : la direction de la fac a sanctionné les relations de cette émission avec la fac en lui interdisant toute collaboration, et non le cours en question qui continue d'avoir lieu.
Sinon, la question des vaccinés et non vaccinés a aussi empoisonné l'existence de nombreux travailleurs dans bien d'autres endroits que les hôpitaux. J'ai en tête une usine chimique d'environ 180 personnes dans le sud-ouest, comptant environ 30 syndiqués CGT (la CGT étant le seul syndicat de l'entreprise) et dont le syndicat s'est retrouvé avec 15 membres pro-vaccination et 15 membres anti-vaccination. C'était la première fois qu'une telle faille apparaissait dans un syndicat par ailleurs combatif, pour le plus grand bonheur de la direction. En tant qu'intervenant extérieur (pour le compte du syndicat) ayant toujours défendu la vaccination, j'aurais pu tomber dans le piège de me contenter de donner raison aux 15 pro-vax et d'insister pour que les 15 anti-vax changent d'avis. Cela aurait eu un effet désastreux en ne faisant que mettre de l'huile sur le feu et risquer encore davantage l'éclatement du syndicat. Il a fallu garder une boussole, merci à LO de me l'avoir fournie dans de telles circonstances compliquées (alors que je ne suis pas payé pour faire du LO). A la fois, j'ai pu expliquer calmement à quel point on ne pouvait pas faire confiance, ni au gouvernement, ni à Pfizer, ni aux capitalistes antivax défendant d'autres intérêts bien concrets tels que la vente de compléments alimentaires ou de bouquins ; qu'il fallait juger l'intérêt du vaccin uniquement sur la base des données scientifiques disponibles permettant de se faire une idée et que ces données, jusqu'à présent, étaient à mon avis en faveur du vaccin ; mais que le plus important pour les travailleurs de l'entreprise, ce n'était pas de savoir qui était pour ou contre le vaccin dans le syndicat, mais de rester soudés face au patron pour continuer à se défendre efficacement sur la question des salaires et des conditions de travail par exemple. Ce message a été parfaitement compris par les deux "camps" et la rupture n'a pas eu lieu (grâce aussi et surtout à la finesse de compréhension de la situation de la part de plusieurs militants syndicaux). Aujourd'hui cette histoire qui date de l'été dernier est devenue du passé.