a écrit :Pactes de papier et confettis électoraux
Mis en ligne le 9 octobre 2012
Si le nouveau traité passe complètement inaperçu de l’opinion ouvrière, il met en ébullition le milieu militant, de la gauche de la gauche jusqu’à une partie des anticapitalistes et révolutionnaires. Florilège des arguments les plus courants.
« Le traité menace la souveraineté nationale »
Très en vogue au Front de Gauche, popularisé par Mélenchon, mais également central dans l’argumentation des lambertistes du POI, cette sentence ouvertement cocardière est faite pour chatouiller la fibre nationaliste des plus vieux staliniens. « L’Europe » ne chercherait rien de moins que mettre « la France » sous tutelle. Qui serait alors derrière ce coup d’Etat feutré ? L’Allemagne ? Un pas que certains n’hésitent pas à franchir…
Ce qui n’empêche pas la gauche de la gauche de s’émouvoir de la montée en puissance d’une opposition « de droite » (Mélenchon) ou même « raciste » (Besancenot) au traité européen. Il faudrait engager et gagner une « course de vitesse » pour imposer le véritable « non de gauche » au pacte budgétaire. Il sera pourtant difficile de séparer le bon grain de l’ivraie dans la défense de la « souveraineté nationale »…
« Le traité grave dans le marbre les politiques d’austérité »
Mais, même pour ceux qui reconnaissent que les institutions européennes sont en fait en grande partie dominées par la bourgeoisie et l’appareil d’État français (en partenariat avec la bourgeoisie et l’État allemands), l’idée qui se cache derrière cette « souveraineté nationale » confisquée par nos « souverains » actuels, est simple : si la « vraie gauche » arrivait au pouvoir, ces traités européens limiterait dramatiquement ses ambitions réformistes.
Cet argument est souvent illustré par le caractère dit « automatique » des sanctions en cas de dérapage budgétaire. Et d’invoquer le fait qu’il faudra désormais une « majorité qualifiée » au conseil européen pour refuser une sanction, et non plus pour la prendre. Ainsi, même avec quelques gouvernements bien intentionnés en Europe, cela ne suffirait pas à renverser les effets du TSCG. Non, il en faudrait une majorité qualifiée !
Imaginez le calvaire d’un Mélenchon président, forcé d’abandonner toutes les réformes sociales coûteuses qu’il voudrait mettre en place – croyez-le bien, bonnes gens – à cause d’une minorité non qualifiée de gouvernements de droite dans le reste de l’Europe. Une fable, bien entendu. Car combien de constitutions, de lois, de traités internationaux un gouvernement réellement au service des travailleurs devra-t-il piétiner pour prendre simplement quelques mesures d’urgence en faveur de la classe ouvrière ? Que pèsera ce bout de papier nommé TSCG si le rapport de forces bascule en faveur de notre classe ?
« Il faut un référendum »
C’est finalement sur ces rivages électoralistes qu’échoue le radeau de la méduse du « non » au TSCG. Plus qu’un moyen, ce référendum est en réalité la fin non avouée de ceux qui proposent cette campagne. Puisqu’il n’y a pas d’élections en 2013, il faut les inventer. Thomas Coutrot, coprésident d’ATTAC et tête de gondole des collectifs contre le pacte budgétaire ne s’embarrasse pas de détours : « Le plus probable est que ce traité ne serve à rien […] Un référendum permettrait d’avoir un débat sur la rationalité de tout ça, avec des arguments contradictoires. »
La bourgeoisie ratifie un traité factice, la gauche de la gauche en fait son objectif prioritaire dans l’espoir complètement vain d’obtenir de nouvelles élections. Ce serait drôle s’il n’y avait pas, bien loin de ce cirque, urgence à défendre les intérêts vitaux des travailleurs sur un terrain de classe.
R. P., 20 septembre 2012
a écrit :Les travailleurs d’Arkema Pierre-Bénite (Rhône) résistent au chantage patronal
Sur ce site lyonnais de l’industrie chimique, le patron tentait de monnayer un investissement contre une réorganisation qui représente une régression brutale pour les travailleurs [1]. 70 millions d’euros pour augmenter la production de PVDF [2], qui permettraient de dégager 36 millions d’euros de profit annuel en plus.
La direction attendait de la réorganisation 2 millions d’euros d’économies sur notre dos. Au programme :
- Effectif constant malgré l’augmentation de la production.
- Une augmentation de la charge de travail.
- Une réorganisation des roulements des travailleurs postés, qui entraînait six à neuf week-ends travaillés supplémentaires par an, plus de difficultés à prendre ses congés, et une baisse des salaires. Les travailleurs touchés par cette mesure ont sorti leur calculette, et il n’était pas rare que cela représente 400 euros en moins sur la fiche de paye !
Sans oublier 25 emplois supprimés sur l’usine de Saint-Auban (Alpes-de-Haute-Provence).
Voilà ce que la direction appelle un accord « gagnant-gagnant ». On se demande bien ce qu’aurait donné un accord « gagnant-perdant » !
Cette attaque intervenant après une longue série de plans sociaux, la direction comptait sur notre abattement et sur le chantage à l’investissement, censé pérenniser le site, pour faire passer la pilule. Raté !
Après une grève le 17 février sur ces deux sites, les travailleurs de Pierre-Bénite voulant en découdre se sont donné le temps de convaincre le plus de collègues possible. Le mouvement s’est étendu du 11 octobre au 15 novembre, avec une interruption de huit jours. Au total, plus de 120 travailleurs ont fait grève au moins un jour, et 85 ont fait grève plusieurs jours, sur un site qui en compte plus de 600.
Contents de notre grève
Les grévistes sont fiers de leur action. Organisés comme jamais auparavant, nous n’avons pas cédé à la pression.
Les grévistes ont décidé de chaque étape de leur mouvement et ont choisi des délégués par secteur pour rencontrer la direction… cette dernière se plaignant du manque d’interlocuteur ! Quand le patron a sorti des « propositions » pour arrêter la grève, les délégués lui ont répondu qu’ils ne décidaient pas à la place des grévistes. Pas sûr qu’il voulait ce genre d’interlocuteur !
Sanctions, réquisitions, lock-out à peine déguisé… nous avons répondu à chaque tentative d’intimidation. Le 13 novembre, le patron a sorti un ultimatum pour la reprise du travail à 16 h 30. Résultat : neuf grévistes en plus à 16 h 30 précises ! Une bataille des nerfs que nous sommes loin d’avoir perdue.
Le chantage continue
Pour arrêter le mouvement, Arkema a fait descendre son directeur général sur le site pour annoncer le retrait de la réorganisation… et de l’investissement. Ce dernier se ferait maintenant en Chine ou aux États-Unis. Allons donc ! S’il était plus rentable d’investir ailleurs, la direction l’aurait déjà fait. Une tentative grossière d’opposer les salariés entre eux. En début d’année, elle avait déjà tenté de rendre les grévistes de Saint-Auban responsables d’un retrait (finalement temporaire !) des investissements à Pierre-Bénite. On peut tromper une personne mille fois, on peut tromper mille personnes une fois... mais on ne peut pas tromper mille fois mille personnes ! La direction a même prétendu que la grève s’opposait aux investissements. Plus le mensonge est gros…
Arkema ne fait que suivre la mode patronale actuelle, que le gouvernement-complice veut encadrer : se servir de l’inquiétude bien compréhensible des travailleurs sur leur emploi pour imposer une exploitation accrue [3]. À Pierre-Bénite nous avons relevé la tête. Nous étions certes minoritaires, nous avons tout de même fait reculer la direction… pour le moment. Et, si nous avons repris le travail, c’est avec la ferme intention de reprendre la lutte si la direction nous repasse le plat. Pour la faire reculer définitivement et, plus généralement pour faire reculer les patrons-maîtres-chanteurs, nous ne ferons pas l’économie d’un mouvement tous ensemble.
Le 17 novembre 2012, Maya PALENKE et Toni ROUVEL
[1] Cf. « Industrie chimique : plans sociaux en cascade chez Arkema », Convergences Révolutionnaires n° 80
[2] Polyfluorure de vinylidène, utilisé notamment pour la fabrication de films qui constituent la couche arrière des panneaux solaires, mais aussi pour les canalisations off-shore.
[3] - Cf. « Les accords de « Flexibilité » et de « Compétitivité » : Sarkozy en a rêvé, Hollande le fait », Convergences Révolutionnaires n° 83
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