(AFP a écrit :Une passagère d'avion rejugée pour s'être opposée à des expulsions
Par Par David ARRODE AFP - Mercredi 19 mars
PARIS (AFP) - Une passagère d'un vol Paris-Bamako, relaxée en première instance pour s'être opposée à l'expulsion de deux sans-papiers maliens en avril 2007, a été rejugée mercredi en appel où une amende de 1.000 euros a été requise contre elle.
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Marie-Françoise Durupt, 60 ans, est poursuivie pour "provocation à la rébellion" en compagnie d'un autre passager, dont le cas sera examiné ultérieurement par la cour d'appel de Paris.
La cour rendra sa décision le 16 avril.
Tous deux avaient été relaxés par le tribunal correctionnel de Bobigny (nord de Paris), le 4 septembre 2007, mais le parquet a fait appel.
Le 28 avril 2007, ils avaient pris place sur un vol pour Bamako au départ de l'aéroport parisien de Roissy, à bord duquel se trouvaient trois sans-papiers maliens et une escorte de policiers chargés de les reconduire à la frontière.
Mme Durupt est accusée par cinq des policiers d'avoir crié "A bas la police!" et d'avoir harangué les autres passagers pour qu'ils s'opposent à l'expulsion, ce qu'a contesté la prévenue mercredi devant la cour d'appel.
Cette éducatrice à la retraite a affirmé, peu avant le décollage, avoir entendu un sans-papier crier "j'étouffe !" et vu un policier lui placer un coussin sur la figure pour le maîtriser.
Elle s'est levée en même temps que d'autres passagers, dont beaucoup de Maliens, et a reconnu avoir dit: "J'ai honte d'être Française et honte de participer à ce genre de pratique".
Elle a assuré d'autre part que ses propos n'avaient pas pour autre préoccupation que "le respect des droits de l'Homme".
Mme Durupt ainsi qu'un autre passager avaient été débarqués avec deux des trois sans papiers. Le vol était finalement parti avec deux heures de retard.
Deux autres passagers sont venus mercredi confirmer la version de la prévenue. "C'était une réaction aux techniques policières plus qu'aux expulsions. Il n'y a eu aucune injure vis-à-vis des policiers", a assuré l'un d'eux. "C'est l'absence de réaction aux cris que nous avons entendus qui m'aurait paru anormale", a renchéri l'autre.
En outre, ce dernier témoin a confié avoir eu l'impression que les deux passagers débarqués par les forces de l'ordre avaient été "pris au hasard".
Pour l'avocate générale Marie-Jeanne Vieillard, les déclarations de cinq policiers permettent "d'identifier formellement Marie-Françoise Durupt" comme l'auteur d'un "appel explicite à débarquer les expulsés et à inciter à la révolte" les autres passagers.
En requérant 1.000 euros d'amende, la magistrate a souhaité qu'on "ne laisse pas prospérer ce genre de comportement" contre les reconduites à la frontière, qui sont une "procédure légale".
"Est-ce que nous sommes des citoyens actifs ou des citoyens moutons ?", a répondu l'avocate de Mme Durupt, Me Catherine Herrero, en plaidant la relaxe en faveur de sa cliente qui a exercé son "droit de protester, sans injure, sans violence" contre une action des policiers qu'elle considérait comme "illégitime".
Le Premier ministre français François Fillon a fixé en janvier à "au moins" 25.000 le nombre d'expulsions d'étrangers en situation irrégulière en 2008, un chiffre identique à celui de 2007.