Reconstruire une vraie gauche

Tout ce qui touche de près ou de loin à l'actualité politique en France

Message par yzro » 15 Mai 2007, 09:17

Ottokar me demandait en réponse à un post dans un fil précédent ce que j'entendais par vraie gauche et ce que je retenais de Marx. N'ayans pas pu lui répondre (fil fermé), je lui ai envoyé un message qu'il m'invite a poster dans un nouveau sujet.

Quand je parle de la "vraie gauche" (j'admet ce n'est pas très explicite), c'est plus par opposition à celle que les médias définissent comme de gauche, c'est-à dire le parti socialiste qui n'a que le nom de socialiste.

Pour plus de précison, il serait souhaitable que Lutte Ouvrière et la Ligue trouvent un terrain d'entente sans oublier de réveiller au passage le Parti Communiste, bien esquinté par Hue (sans oublier que Marchais ne voulais plus parler de dictature du prolétariat bien avant l'épisode Robert…). Une gauche réellement Marxiste qui ne renie pas l'origine de son combat par fatalisme ou bien pour faire du marketing politique.

Quant à Marx, ce que j'en retiens, il serait dur de l'exposer en quelques lignes. En restant bref, Marx est la colonne vertebrale. On ne le lit pas pour le lire et l'enterrer. On le lit pour comprendre afin de définir une politique qui fonctionne. Ne serait-il pas mieux de faire comprendre aux personnes au SMIC bouffées par la propagande que travailler plus pour gagner plus n'est qu'un fantasme quand on connait le principe de la plue value ? Leur dire que le temps de travail, plus il s'allonge, plus le négrier profite du fruit du travail de ceux qui produisent ? Qu'il leur est impossible de jouir du fruit de leur travail dans un système de dictacture d'une classe sur l'autre, où la propagande du chacun pour soi n'est là que pour attiser les haines et empêcher les prises de conscience ? Il y a bien longtemps que le PC a arrêté de le faire. Pourtant il le faisait. Pourquoi ne pas y revenir ? C'est en ce sens que je pense que Marx doit revenir officiellement sur le tapis dans les partis de gauche. J'ai des sympathies pour LO car justement son discours s'en rapproche beaucoup plus que ce nouveau PC, qui donne l'impression de ne plus savoir qui il est (et pourtant si fort de par le passé, la propagande a bien marché). Avant Hue, et même si Marchais a décrété que la dictature du proletatriat ça ne passait pas dans notre pays de Poujade, je pensais que le PC jouerait son rôle. Grosse plante…

L'autogestion, merde, ça n'a que du bon. Les ouvriers de ce pays ont fini par tomber dans le piège parce qu'il n'y avais plus personne pour continuer ce qui a été commencé. Et le peu qui restait, la propagande s'est bien chargée de le stigmatiser en l'isolant et le faisant passer pour ringard. Je ne souhaite pas que l'écran plat et le crédit qui enchaîne soit l'aboutissement d'une vie pour les individus. On nous propose une existence au service, tenue par la peur, pour éviter la punition ultime du système bourgeois : l'exclusion, la misère, la souffrance. Il y a quand même mieux et moins fataliste que ça quand on est civilisé et c'est à la gauche de le dire.
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Message par elsa » 15 Mai 2007, 10:18

(yzro @ mardi 15 mai 2007 à 10:17 a écrit :Quand je parle de la "vraie gauche" (j'admet ce n'est pas très explicite), c'est plus par opposition à celle que les médias définissent comme de gauche, c'est-à dire le parti socialiste qui n'a que le nom de socialiste.

Pour plus de précison, il serait souhaitable que Lutte Ouvrière et la Ligue trouvent un terrain d'entente sans oublier de réveiller au passage le Parti Communiste, bien esquinté par Hue (sans oublier que Marchais ne voulais plus parler de dictature du prolétariat bien avant l'épisode Robert…). Une gauche réellement Marxiste qui ne renie pas l'origine de son combat par fatalisme ou bien pour faire du marketing politique.

Se positionner en terme de gauche ou de droite est extrêmement trompeur, et conduit à dissimuler les véritables antagonismes entre les différentes organisations. Pour paraphraser Marx, la politique dans la société capitaliste se résume à l'opposition fondamentale entre deux camps, celui du prolétariat, ou celui de la bourgesoisie. Ce qui distingue lo et la lcr du ps, ce n'est pas que ces organisations seraient plus à gauche, ou plus radicales, mais bien qu'elles ne situent pas dans le même camp.

Tout au long de son histoire, le pc a joué un rôle très ambigu vis à vis des travailleurs. Il a alterné entre des périodes très "lutte de classes" et des périodes où il se postionne clairement du coté de la bourgeoisie, et utilise son crédit auprès des travailleurs pour museler toute contestation. Et si pour conserver son influence, le pc a contribué à faire vivre et à propager une partie des idées communistes, il n'en reste pas moins qu'au moments décisifs il a montré indiscutablement dans quel camp il se situait.

Le problème à l'heure actuelle n'est pas de reconstruire une "vraie gauche", à l'image de ce que pouvait être la gauche il y a trente ans, au moment où Mitterand surfait sur les espoirs de changements dans la population pour se faire élire et mener ensuite une politique de défense des intérêts de la bourgeoisie, avec le soutien actif du pc. Non, le problème est construire, et non pas reconstruire, un parti de défense des intérêts de travailleurs, un parti qui soit clairement dans le camp du prolétariat. C'est ce que se propose de faire lo, et aussi la lcr, bien que les deux divergent sur la stratégie à adopter.
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Message par meichler » 15 Mai 2007, 11:16

«Gauche», «droite», «camps» ? Ce sont des catégories élastiques, où chacun met ce qu'il veut. Il faut plutôt en revenir, surtout en matière politique (nature d'une organisation, d'un parti) aux catégories marxistes de classes.

Il y a des partis bourgeois, des partis issus du mouvement ouvrier (partis à l'origine constitués par les ouvriers, et qui ont été dominés par des appareils bourgeois, un programme devenu bourgeois et une politique entièrement au service de la bourgeoisie). Ces derniers furent (parfois) à l'origine des partis révolutionnaires qui ont dégénéré et sont passés du côté de la défense de l'ordre bourgeois, de la société bourgeoise, de l'Etat capitaliste (ex. social-démocratie soutenant la boucherie impérialiste à partir d'août 1914).

Aujourd'hui la faillite totale de ces partis issus du mouvement ouvrier, le PS, le PCF, s'étale au grand jour. Ils sont en pleine décomposition, sans que pour autant surgisse un courant d'organisation, de regroupement sur l'axe de la révolution prolétarienne.

Dans le moment actuel, contribuer à surmonter cette crise du mouvement ouvrier, passe par la clarté sur les objectifs. Ce qu'il faut aux travailleurs ce n'est pas "une vraie gauche" mais un parti ouvrier révolutionnaire, qui commence par affirmer que la société capitaliste est en crise profonde et conduit l'humanité à la catastrophe, à la barbarie. Qu'il est donc nécessaire d'en finir avec cette société pourrie et de combattre pour le socialisme. Qu'il faut pour cela un parti des ouvriers, des employés, qui soit aussi fidèle au prolétariat, aux intérêts de ceux qui n'ont que leur capacité de travail à vendre pour vivre, que le sont les Sarkozy et consorts aux intérêts du MEDEF et du grand capital financier.

Oui, un parti ouvrier révolutionnaire, c'est cela dont nous avons besoin. Le combat commence par le regroupement des travailleurs, des jeunes, qui cherchent les voies efficaces pour se défendre contre les attaques redoublées et accélérées de Sarkozy et son gouvernement.

Cela suppose d'abord le combat au sein des organisations syndicales, des entreprises, pour refuser, pour interdire que les dirigeants syndicaux aillent discuter tranquillement de la destruction des conquêtes ouvrières avec le bonaparte-nain de l'Elysée. Aucun "dialogue social" sur la liquidation des droits ouvriers, du droit de la jeunesse aux études !

Sortez des réunions avec ce gouvernement ! N'y allez pas ! Organisez la résistance, pas la résignation !
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Message par yzro » 15 Mai 2007, 12:42

Oui c'est vrai, les classes malgrés la propagande fataliste qui tient à dire qu'il n'y en a plus sont bel et bien là. Les nouveaux prolétaires se situant d'ailleurs dans tous les boulots précaires. C'est pour celà que Marx n'a pas pris une ride. Je pense que je vais arrêter d'utiliser le terme de "gauche" car il est vrai que c'est d'un parti ouvrier révolutionnaire dont on a besoin. Quant au PC je sais malheureusement qu'à certain moment de son histoire il a viré de cap. C'est plutôt la dynamique de l'enseignement des alternatives et l'organisation d'une lutte structurée contre le capital qui le rendait interressant. Mais il y a bien longtemps…
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Message par elsa » 15 Mai 2007, 13:35

C'est sûr que malgré tous ses défauts, le pc a vraiment contribué à la propagation d'idées et de valeurs du mouvements ouvrier. Son déclin ne profite à personne, bien au contraire.
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Message par artza » 15 Mai 2007, 14:13

(elsa @ mardi 15 mai 2007 à 14:35 a écrit :C'est sûr que malgré tous ses défauts, le pc a vraiment contribué à la propagation d'idées et de valeurs du mouvements ouvrier. Son déclin ne profite à personne, bien au contraire.

L'affaiblissement du PC et peut-être demain sa disparition comme parti politique militant au sein de la classe ouvrière ce n'est pas réjouissant pour l'unique raison qu'il est remplacé par rien.

C'est tout.
Maintenant c'est le PC, sa politique, ses "moeurs" qui sont responsables de la situation actuelle du mouvement ouvrier.

Il ne faut pas idéaliser ce passé.

Le PC ne donnait pas d'éducation socialiste à ses militants.
Le plus souvent ceci le rejoignaient parce qu'ils détestaient l'exploitation voir même parce qu'ils voulaient une société sans patrons, comme l'URSS d'où effectivement les patrons furent chassés.

Sur ces sentiments de classe sains le PC distillaient tous les poisons possibles, surtout le chauvinisme, en plus d'une grande puissance coloniale! A certaines périodes même la haine contre le peuple allemand et puis cerise sur le gâteau les illusions sur à peu près tout suivant les périodes, sur les élections, l'ONU, le PS, Mitterrand dont on fit un homme de gauche, qui aurait imaginé ça en 1957!

D'ailleurs très souvent ceux qui quittent le PC renoncent à "l'utopie" comme ils disent maintenant mais conservent bien fort le chauvinisme et toutes les illusions électoralistes, démocratiques parlementaristes etc.
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Message par meichler » 15 Mai 2007, 14:36

Le PC en France n'a jamais eu le temps de devenir un authentique parti ouvrier révolutionnaire, comme le fut le parti communiste bolchevik de Russie, au temps de Lénine et Trotsky, entre 1917 et 1923.

Pour faire vite :

Il ne fut constitué qu'en décembre 1920 (congrès de Tours) et fut profondément marqué dès l'origine : 1) par le poids de notables parlementaires issus de la SFIO en mal de respectabilité et de sièges électoraux, après leurs trahisons durant la guerre (le plus connu est Cachin, mais il y en eut beaucoup d'autres) et 2) par le poids des anarcho-syndicalistes dans le mouvement ouvrier français de l'époque, ce qui entraîna nombre de confusions sur la question du pouvoir et de déviations gauchistes et syndicalistes.

L'internationale communiste n'eut pas le temps de redresser la situation très confuse dans ce parti à ses origines. Dès 1923-24, elle dégénéra en un cours stalinien et bureaucratique, en particulier sous la conduite de Zinoviev à l'époque : "bolchévisation" (en fait soumission à, l'appareil de la bureaucratie russe en voie de constitution) et cours gauchiste du "front unique à la base".

Ainsi le PC de France (section française de l'internationale communiste) fut entraîné dans un cours qui l'éloigna rapidement de la voie authentiquement léniniste (Mort de Lénine en janvier 1924), puis en fit un simple instrument de l'appareil international de la bureaucratie du Kremlin. La dégénérescence et le cours politique du PC (qui deviendra rapidement le "Parti communiste français", et adoptera le chauvinisme et le drapeau tricolore) n'est à partir de là plus séparable des zig-zags de Staline et du Kremlin.

Ce n'est qu'à partir de 1934, de la politique de "front populaire", de la grève générale de juin 1936 que le PCF devint un vrai parti de masse de la classe ouvrière. Mais ce n'était déjà plus un parti orienté vers la révolution prolétarienne, mais vers l'étranglement de la révolution. Le Front populaire était une coalition avec la bourgeoisie (en particulier le parti radical, alors principal parti de la bourgeoisie française), pour empêcher les travailleurs de prendre le pouvoir par la révolution prolétarienne. Au nom de "la démocratie contre le fascisme" le front populaire (dirigé par le PC) fit rentrer le flot révolutionnaire de juin 1936 dans le lit de la "démocratie" bourgeoise", et conduisit ainsi les travailleurs à la défaite. Fin 1938, tous les acquis de juin 1936 étaient annulés, et même plus. En 1939, la guerre mondiale éclatait. En 1940, la chambre issue du front populaire votait les pleins pouvoirs à Pétain.

Etc... Etc...

En résumé : Le PCF a propagé durant des décennies une version frelatée et empoisonnée du "communisme" qui était en fait une version bleu-blanc-rouge du soutien inconditionnel à la bureaucratie criminelle du Kremlin. Il a plus fait de mal que de bien en ce domaine. Il a déformé des milliers et des milliers de travailleurs et de jeunes qui cherchaient vraiment la voie de la révolution prolétarienne, du socialisme, du communisme. Il en a souvent fait des apparatchiks cyniques, dans les parlements ou municipalités de l'Etat bourgeois, ou des bureaucrates syndicaux sans états d'âmes. Les dégâts, le gâchis, sont immenses pour des générations entières de militants ouvriers. Bien peu ont pu retrouver la voie de l'authentique organisation révolutionnaire. La plupart ont été démoralisés, découragés.

Le rétablissement du capitalisme en Russie au milieu des années 1990 a achevé ceux qui restaient. Aujourd'hui l'arrêt de mort du PCF en tant que parti est prononcé. L'exécution ne va plus tarder. Malheureusement, aucune tendance à un regroupement sur des bases révolutionnaires ne se dessine, en regard. Toutes les ruptures avec l'appareil se font sur l'axe d'une plus grande adapatation et insertion dans la société bourgeoise.

On peut lire à ce sujet (notamment) :

HUMBERT-DROZ Jules, «L'Œil de Moscou à Paris. Jules HUMBERT-DROZ, ancien secrétaire de l'Internationale communiste.», Éditions René JULLIARD («Archives»), Paris, 1964 (265 pages)

ROBRIEUX Philippe, «Histoire intérieure du parti communiste.», Éditions FAYARD, Paris 1980 à 1984, 4 volumes (583, 735, 544 et 974 pages)



Autre chose est : 1) L'essor puis la dégénérescence de la social-démocratie (au sens historique du terme) et la place qu'elle continue à occuper (sous des formes dégradées) de nos jours 2) L'espoir que représentait à ses origines, puis la dislocation, l'émiettement et la décomposition de la 4ème internationale et des courants se réclamant du trotskysme.

Quoi qu'il en soit, toute tentative d'aller vers un nouveau parti ouvrier révolutionnaire (aujourd'hui tout à fait hypothétique !) ne pourra se passer d'un bilan historique d'ensemble (dégageant les points forts et les crises majeures) du mouvement ouvrier et des organisations qui en sont issues, dans ce pays (en relation avec les grands courants internationaux). Faute de quoi les mêmes erreurs ressurgiront et tueront dans l'oeuf les "apprentis sorciers" espérant jeter l'histoire par-dessus bord.
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Message par yzro » 15 Mai 2007, 14:58

a écrit :
Quoi qu'il en soit, toute tentative d'aller vers un nouveau parti ouvrier révolutionnaire (aujourd'hui tout à fait hypothétique !) ne pourra se passer d'un bilan historique d'ensemble (dégageant les points forts et les crises majeures) du mouvement ouvrier et des organisations qui en sont issues, dans ce pays (en relation avec les grands courants internationaux). Faute de quoi les mêmes erreurs ressurgiront et tueront dans l'oeuf les "apprentis sorciers" espérant jeter l'histoire par-dessus bord.



A se demander d'ailleurs si la bourgeoisie réactionnaire ne fait pas tout pour occulter l'histoire. Car quand il s'agit d'aller contre les travailleurs pour préserver ses privilèges, elle sait regarder là où les courants progressistes ont fais des erreurs et analyser les mouvements. En tout cas merci pour les réfs des bouquins.
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