ravine chien, comme toi la tribune de gatti and Co dans le mode m'a affligée...
pour info, y'a deux réponses dans le monde d'aujourd'hui :
CITATION POINT DE VUE
Vilain syllogisme, par Pierre Vesperini
LE MONDE | 20.08.03 | 12h38
L'histoire de Marie Trintignant éclaire, d'une lumière insoutenable, la violence faite aux femmes dans l'espace privé. Le Monde a publié à ce sujet des pages fort éclairantes. Voici à présent qu'il nous donne à lire dans ses éditions du 18 août "Bertrand Cantat reste des nôtres", signé par Hélène Chatelain, Claude Faber et Armand Gatti.
Dans ce texte, le travail critique a été remplacé par le témoignage d'une affection suffisamment aveugle pour se moquer de l'horreur vécue par Marie Trintignant et de la douleur de ses proches ; l'exercice de la raison a été remplacé par une stratégie sophistique cherchant à faire de Bertrand Cantat une victime au lieu d'un coupable. Ce texte, avant d'être un cri d'amour intempestif, cherche à former l'opinion publique. Sous l'entrelacs flou des formules à la mystique fumeuse se cache en effet un syllogisme très net :
a. - l'affaire Marie Trintignant est une tragédie semblable aux tragédies grecques (il y a des familles qui s'affrontent) ;
b. - or, dans une tragédie, personne n'est coupable, car personne n'est responsable de ses actes (les hommes sont victimes du destin) ;
c. -donc, Bertrand Cantat n'est pas coupable. CQFD.
Malheureusement, ce qui est arrivé à Marie Trintignant n'est pas une fiction destinée à divertir les hommes en les purifiant des passions de la terreur et de la pitié. De la part d'artistes chevronnés, confondre ici à dessein le théâtre et la réalité est le comble de la perversité et de la manipulation.
L'histoire de Marie Trintignant est un événement réel qui doit faire naître en chacun une réflexion sur le rapport entre responsabilité personnelle et action publique.
par Pierre Vesperini
Pierre Vesperini est assistant du directeur des éditions L'Arche.
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CITATION POINT DE VUE
Bertrand Cantat : le sens des mots, par Sandrine Treiner
LE MONDE | 20.08.03 | 12h38
"Ni spectateurs, ni voyeurs, ni juges", proclamaient d'une seule plume trois littérateurs (Le Monde du 18 août), écrivant que "Bertrand Cantat est aujourd'hui sur une scène qui n'est pas la sienne", qu'il "n'est pas fait pour le rôle qu'on veut lui attribuer" et qu'ils aiment "tout de lui, son regard sur le temps, ses épaules larges comme un horizon, sa poésie en forme d'étoile".
Ni spectateurs, ni voyeurs, ni juges, bien sûr, pas plus que nos trois chroniqueurs, nous ne savons précisément ce qui s'est passé cette nuit-là à Vilnius, qui en l'espèce importe peu ici. Ce qui importe, quand on publie des textes, en revanche, c'est le sens des mots.
Ni spectateurs, ni juges, ni voyeurs, ni poètes, surtout dès lors qu'il est question d'une violence sinistre, de la mort d'une femme, du naufrage de plusieurs familles.
Un peu de pudeur, tout de même ! La provocation a ses limites qui sont celles des mots que l'on emploie et du respect de la réalité, qui existe bien, non ? Quand bien même elle dérange. Ou alors comment une société saurait-elle se fixer quelques principes simples, intangibles ? Au-delà des passions privées, une règle : le respect de l'intégrité physique de l'autre.
La raison existe bel et bien, y compris dans cette sphère qui lui est la plus irréductible, celle du privé et de l'intime. Et heureusement.
Le sens des mots, le respect des réalités. Le programme ainsi annoncé est austère. Oui, on voudrait bien tous, parfois, que la vie ne soit pas aussi ce qu'elle peut être. Mais jusqu'à preuve du contraire, l'agresseur d'une nuit lituanienne n'est pas un autre que celui qui a agressé. Il n'est pas que cela, c'est l'évidence, mais en l'occurrence, puisque c'est de cette nuit qu'il est question, il est bien en vérité celui qui a frappé. Alors, que la réalité dérange, que l'on veuille l'effacer dans quelques pensées intimes et personnelles, bien sûr, mais prendre la plume pour ne faire de cet homme qu'un poète enrôlé dans un mauvais film où il n'aurait rien à faire est absolument scandaleux, parce que faux tout simplement.
Dans quelle fiction vivez-vous, de quelle amnésie, de quelle mauvaise foi, vous rendez-vous vous-mêmes coupables ? Maladie de notre époque, écrivez-vous, votre maladie à vous trois, en l'espèce. Alors quoi, ce n'est qu'un texte tout cela, quelle importance ? L'importance des textes, à mes yeux. On rit de tout, mais pas avec n'importe qui, dit l'humoriste. On peut tout écrire, mais pas avec cette arrogance le contraire de ce qui est. Il est des dénis offensants, des dénis qui rajoutent de la folie à la folie. La poésie - de pacotille, en l'espèce - se conjugue mal avec les rapports d'autopsie. Bertrand Cantat n'est pas concerné par cette réponse. Vous seuls, l'êtes. Ni voyeurs ni juges, sauf de vous trois qui avez franchi la limite du tolérable. Notre monde a davantage besoin de raison que de délires, et l'horreur se passait fort bien de votre tentative d'annulation. Le passé n'a de sens que d'être reconnu. La réécriture de l'histoire, sur le dos d'une femme qui est morte, est insupportable.
par Sandrine Treiner
Sandrine Treiner est journaliste et productrice artistique à France 3.
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