L'enseignante qui s'est immolée par le feu...

Rien n'est hors-sujet ici, sauf si ça parle de politique

Message par abounouwas » 20 Oct 2011, 10:45

[quote=" (Escape @ mercredi 19 octobre 2011 à 16:39"]
Au fait les autres, vous en pensez quoi ? Parlez, prenez position, vous devez bien en penser quelque chose, de cette affaire ! --- Y a pas que yannalan qui a une opinion là-dessus, non ???
ici
abounouwas
 
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Message par Escape » 20 Oct 2011, 11:16

.

Merci, Abounouwas, de me répondre sur la question des valeurs, ce qui est très sartrien (et même marxiste).

J'ai lu attentivement ton intéressante contribution, avec laquelle je suis d'ailleurs en accord pour l'essentiel.

Je ne trouve qu'un point à y reprocher, c'est que cette analyse présente l'enseignant comme victime du mouvement du Grand Capital (grosso modo, c'est le sens de la > dans l'article), or cette analyse, toute juste qu'elle soit, a pour effet de détourner une part de notre juste réaction à cette injustice, en ne ciblant pas réellement les cibles les plus immédiates.

Je m'explique : si je suis dans un immeuble où des gens s'amusent à toutes sortes de trucs qui monopolisent leur attention, et que des incendiaires (que j'ai vus faire) y mettent le feu, est-ce que mon premier réflexe est de courir après les incendiaires pour les butter ou les capturer ?

Pas du tout ! Mon premier réflexe est d'éteindre le feu, si possible, et si ce n'est pas possible parce que l'incendie est déjà bien avancé, de faire sortir les gens dont l'attention est monopolisée en les mettant au courant de l'incendie, --- en les y sensibilisant.

Ici l'immeuble est le travail intellectuel de l'enseignant, l'incendie est la prolétarisation, les incendiaires sont le Grand Capital,... mais les gens occupés à autre chose dans l'immeuble, inconscients de l'incendie, c'est le peuple, les élèves, les parents d'élèves, les gens qui ne réalisent pas ce qui se passe.

Et ce sont eux qu'il faut toucher en premier, par un travail de conscientisation et de propagande. Pas les incendiaires...
Escape
 
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Message par Gaby » 20 Oct 2011, 13:29

(logan @ jeudi 20 octobre 2011 à 07:47 a écrit : Alors que c'est parfaitement sérieux de blamer quelqu'un de si desespéré qu'il en finit avec la vie sur son lieu de travail.

Bonne journée à toi.

Il ne s'agit pas juste de blâmer d'un point de vue moral abstrait (certains n'ont que l'empathie pour argument... mais je préfère ça aux délires sur le militantisme prêté à la personne concernée), il s'agit de reconnaître qu'il s'agit d'une agression envers les élèves. Des gens qui se suicident il y en a plein, celui qui le fait en emportant avec lui la santé mentale de jeunes ne fait pas exactement la même chose. Elle est plus proches du terrorisme que d'autre chose. Et ici, la cible, ce n'est pas même George Besse...
Gaby
 
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Message par abounouwas » 20 Oct 2011, 13:43

(Gaby @ jeudi 20 octobre 2011 à 13:29 a écrit : Elle est plus proche du terrorisme que d'autre chose.
:halalala:
abounouwas
 
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Message par Gaby » 20 Oct 2011, 13:48

Avec ton smiley condescendant, tu ne fais rien d'autre que simplement nier qu'il s'agit d'une violence psychologique pour ceux qui ont assisté à la scène... Tu voudrais en faire un acte propre, parce qu'il est triste... Tant pis, il y a une dimension qui t'échappe... Ce n'est pas surprenant qu'après certains en fassent une militante anticapitaliste, s'ils ne voient pas qu'elle n'avait aucune considération pour les enfants, perçus comme des ennemis...
Gaby
 
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Message par abounouwas » 20 Oct 2011, 13:56

t'es mignon, il t'échappe tout autant que le terme terroriste est une belle saloperie. en ce qui me concerne, je n'en fais une militante de rien, juste une collègue qui en est arrivée à une extrêmité pour des raisons qui ne doivent rien au hasard.
abounouwas
 
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Message par abounouwas » 20 Oct 2011, 14:00

de plus, il ne s'agissait pas d'enfants, mais d'élèves de lycée.
personne n'a nié sur ce fil - sauf erreur - qu'une telle scène soit psychologiquement violente. cette violence, toutefois, n'est pas un produit de l'exception.
abounouwas
 
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Message par Escape » 20 Oct 2011, 14:23

.

Que je n'aime pas voir des gens de gauche reprendre le langage de la classe dominante, --- qui étiquette de > tout ce qui vient nuire à sa primauté de droit (surtout depuis un certain jour de 2001)...

En vérité, il ne faudrait même pas parler de terrorisme dans ce cas précis, --- et je me demande aussi à quelle sorte de retournement il faut recourir pour ne pas voir que la prof est une victime, pour en faire une criminelle, et faire de ses élèves les victimes !

* * *


Mais puisque apparemment certains ne trouvent pas que cela crève les yeux, je propose qu'on envisage les choses plus en détail, sur les deux points suivants : (1°) LES STATUTS DE BOURREAU ET DE VICTIME, et (2°) QUI ATTAQUER EN PREMIER DE PAR LA LUTTE ?

(1°) LES STATUTS DE BOURREAU ET DE VICTIME


On sait qu'il y a des victimes, et il y a donc aussi des salauds qui leur font du mal. Bien. Mais passé ce simple constat, personne n'est assez naïf (j'espère !) pour imaginer que le monde est tout simplement divisé en deux parties bien étanches.

Il y a aussi des lâches par exemple, qui ne sont pas des bourreaux, mais qui laissent faire, parce qu'ils n'ont pas le courage de s'opposer à l'injustice. Même que ce sont eux les plus nombreux, et que c'est à cause d'eux, d'après La Boëtie, que la tyrannie prospère... Et Dante les condamne au premier cercle de l'Enfer : >. Pourquoi ? Parce que, au fond, c'est à cause d'eux que le système prospère, avec ses iniquités...

D'autre part, une personne qui est victime peut être *également* bourreau. C'est un des mystères de la nature humaine, qui est décidément très complexe, mais c'est comme ça. Une victime d'un système (par exemple, membre exploité par une famille maffieuse) peut servir ce système et convoyer son côté néfaste de manière passive (par exemple, en se laissant manipuler par sa famille pour contracter un mariage qui arrange celle-ci). Il y a une pléthore d'exemples en ce sens...

Bref, la roue du moteur c'est le bourreau, et le clou qu'on enfonce c'est la victime, mais entre les deux il y a aussi des tas de >.

ET POUR EN REVENIR À NOTRE ARTICLE, les élèves de la prof de Béziers étaient sûrement des victimes de l'époque et du Capital de par leur tendance au lumpen, ou à ce que vous voulez, mais c'étaient aussi sûrement (et inconsciemment) les courroies de transmission de la prolétarisation, en ce qu'ils répétaient sans conscience d'eux-mêmes les > de la société qui visent à détruire toute autorité de connaissance ou de science...

(2°) QUI ATTAQUER EN PREMIER DE PAR LA LUTTE ?


Comme je l'ai dit à Abounouwas, son message est essentiellement correct et j'y adhère pleinement, néanmoins il offre le désavantage de nous présenter un ennemi trop puissant et surtout trop lointain, --- ce qui a pour effet, en fin de compte, de rendre la lutte vaine ou nulle.

En effet, supposons que Sarkozy par exemple fasse passer une loi qui est l'émanation du Grand Capital (de par son principe)... Allez-vous dire aux gens : luttons contre Sarkozy ? ou luttons contre le Grand Capital ?

Les deux approches sont insatisfaisantes en dernier recours, car parler de Sarkozy sans mentionner le Grand Capital, c'est renoncer à une réflexion approfondie, tandis que, dans le cas où on prétend lutter contre le Grand Capital sans passer par son vicaire Sarkozy, on est face à un géant qu'on ne sait par où attaquer, une pure abstraction !

Donc, la bonne méthode c'est d'attaquer les deux à la fois, ce qui veut dire qu'on attaque l'ennemi lointain en ciblant l'ennemi proche (ce qui a aussi l'avantage que c'est pédagogique, éducatif au niveau des masses). En effet, qui voudrait attaquer l'ennemi lointain en se désintéressant de la manière dont il se concrétise à notre échelle ne ferait qu'attaquer un fantôme.

ET POUR EN REVENIR À NOTRE ARTICLE, la prof a voulu frapper la courroie de transmission... pas même pour faire du tort à la courroie, mais pour créer une secousse dans tout le mécanisme, --- je perçois son acte comme une manière spectaculaire d'essayer d'éveiller les consciences.
Escape
 
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Message par Matrok » 20 Oct 2011, 14:40

(abounouwas @ jeudi 20 octobre 2011 à 13:56 a écrit :t'es mignon, il t'échappe tout autant que le terme terroriste est une belle saloperie. en ce qui me concerne, je n'en fais une militante de rien, juste une collègue qui en est arrivée à une extrêmité pour des raisons qui ne doivent rien au hasard.

Le terme "terroriste" peut choquer, mais si on en fait une militante comme Escape le suggère ou comme le sous-entendent tous ceux qui voudraient récupérer son geste, alors "terrorisme" c'est le terme adapté. Je comprends bien que pour toi ce n'est pas une militante, donc ce n'est pas une terroriste évidemment non plus. Mais cet argument là devrait frapper Escape qui nous écrit :
(Escape @ jeudi 20 octobre 2011 à 14:23 a écrit :ET POUR EN REVENIR À NOTRE ARTICLE, la prof a voulu frapper la courroie de transmission... pas même pour faire du tort à la courroie, mais pour créer une secousse dans tout le mécanisme, --- je perçois son acte comme une manière spectaculaire d'essayer d'éveiller les consciences.

Et bien ça, ce n'est rien d'autre qu'une apologie du terrorisme exemplaire - jusqu'aux mots utilisés, car "éveiller les consciences", c'est le bon vieux poncif cher aux terroristes partisans de l'"action directe". Et bien non, ce ne sont pas nos méthodes et on ne peut pas applaudir ça.
Matrok
 
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Message par Wapi » 20 Oct 2011, 15:50

C'est honteux d'employer ce terme de "terroriste". Celui qui l'aurait fait à l'AG des personnels se serait fait jeter à coups de pompes dans le train, et à juste titre !

Je remets ici la déclaration des collègues, qui donc a été acceptée au moins par la majorité, et qui est l'expression démocratique des personnels. Je la trouve très bien.

Il faut croire que beaucoup d'élèves étaient d'accord avec cette déclaration puisqu'elle a conduit à une forte mobilisation de leur part, à leur niveau, et avec leur expérience au cours d'une marche blanche de 2000 personnes à Béziers, puis d'une mobilisation à 800 à Montpellier, devant le rectorat.

Mais ça ne suffit pas encore à ceux qui pensent qu'ils sont légitimes pour dire aux personnes concernés ce qu'ils doivent penser de leur collègue et de son geste.
Il ne faudrait donc pas faire confiance aux élèves et aux personnels pour savoir ce qu'il faut dans la situation actuelle ?


a écrit :

Communiqué des personnels du lycée Maurice Janetti

Les personnels du lycée Maurice Janetti réunis en Assemblée Générale souhaitent faire part de la vive émotion suscitée dans l’ensemble de la profession par le suicide de leur collègue dans la cour du Lycée Jean Moulin de Béziers. Ils ont décidé d’un rassemblement jeudi 20/10 à 10h devant l’entrée du lycée, en solidarité avec la mobilisation du lycée Jean Moulin.

Ils ne tolèrent pas les propos du ministre Luc Chatel : il est anormal que lorsqu’un drame de cette nature survient, ce soit toujours vers la vie personnelle des intéressé-e-s que se tourne le regard des employeurs (à Orange, à France Telecom, chez Renault, à la SNCF, ...).

Aujourd’hui les personnels de l'Education Nationale sont confrontés à la pression croissante d'une partie de la hiérarchie qui cherche souvent à les culpabiliser et à les rendre responsables des difficultés, à la dégradation des conditions de travail, aux détériorations successives du système éducatif.

Le ministère occulte le fait que les difficultés croissantes du métier sont aussi bien le résultat de certaines de ses décisions, que de son refus d’être aux côtés des personnels dans l’exercice de leur métier qu’il contribue à rendre de plus en plus difficile.

L’acte de notre collègue est symboliquement très fort et doit interpeller nos responsables sur les souffrances au travail de toute une profession. Les personnels ont à de nombreuses reprises alerté les responsables de notre pays et demandé des réponses. Il est urgent de répondre à leurs revendications : des moyens suffisants pour travailler dans des conditions satisfaisantes (effectifs par classe, temps de concertation…), recrutement de personnels en nombre suffisant, le retrait des réformes contestées et le respect des statuts des personnels, une réelle prise en charge de la difficulté scolaire.





Un article du Parisien sur la dernière mobilisation :


a écrit :

Suicide au lycée: 800 personnes dénoncent à Montpellier "le malaise enseignant"

Publié le 19.10.2011, 20h02


Environ 800 personnes, selon la police, ont dénoncé mercredi à Montpellier "le malaise enseignant" et rendu hommage à Lise Bonnafous, professeur décédé après s'être immolé par le feu au lycée Jean-Moulin de Béziers.

"Assez de mépris", "tous fragile" ou "quel avenir pour l'éducation?" inscrits sur des pancartes jaunes: le cortège ouvert par des élèves du lycée biterrois s'est dirigé vers le rectorat puis la préfecture, devant lesquels deux lettres ont été lues.
"La multitude de témoignages que nous recevons de nombreux établissements de France nous montrent que nous sommes tous dans la même situation. La parole est en train de se libérer sur le malaise enseignant: écoutez-la!", ont demandé les enseignants dans le premier courrier adressé au recteur Christian Philip.
"Nous nous interrogeons sur votre absence au lycée et aux obsèques de Lise" (célébrées mardi à Causses-et-Veyran)", ont ensuite déploré les professeurs dans une seconde lettre, rédigée avec les élèves et adressée au ministre de l'Education Luc Chatel pour "l'inviter à venir au lycée".
M. Chatel avait fait le déplacement à la sous-préfecture de Béziers le jour du drame mais n'était pas passé par le lycée.
Au cours de cette manifestation, organisée conjointement par le personnel de Jean-Moulin et les syndicats Snes, Snep, Snuep etl'ensemble des syndicats de la FSU Languedoc-Roussillon, les professeurs se sont aussi élevés contre la thèse du suicide d'une enseignante fragile psychologiquement.
"L'immolation se définit comme un symbole de résistance", ont relevé les professeurs dans un autre texte lu devant le rectorat, avant de déplorer des conditions de travail à l'origine de "39 suicides par an pour 100.000" enseignants ou de "dépressions qui concernent 40% des professeurs".
Le ministère de l'Education nationale a contesté mercredi soir ces chiffres. Citant une enquête de sa direction générale des ressources humaines (DGRH), ont été recensés "52 cas de suicides de septembre 2008 à septembre 2009 sur une population de 857.000 enseignants, soit un peu plus de 6 cas de suicides pour 100.000 enseignants".
"Rien ne semble indiquer en l'état une évolution à la hausse du taux de suicide sur ces dernières années", a déclaré à l'AFP une porte-parole du ministère.
"Nous avons écrit au ministre pour lui demander d'accorder à la rentrée une ou deux journées pour mettre à plat dans chaque établissement les problèmes et trouver des solutions", a précisé Bernard Duffourg, secrétaire académique du Snes, déplorant notamment le manque criant d'infirmières et de médecins.
Lise Bonnafous, 44 ans, qui enseignait depuis 10 ans au lycée Jean-Moulin à Béziers, le plus grand de l'agglomération, s'est immolée par le feu jeudi dernier dans la cour pendant la récréation, sous les yeux de nombreux élèves.
Mardi, une émouvante marche blanche avait rassemblé quelque 2.000 personnes à Béziers.
Wapi
 
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