Bon, je réagis à ton message :
a écrit :le "bouddhisme" (pour employer ce terme à défaut d'un autre) a quelques particularités dans sa philosophie et ses pratiques. Mais il a beaucoup en commun aussi avec, par exemple, certaines approches des philosophes grecs de l'Antiquité. En allant plus loin, on pourrait dire qu'il a davantage à voir avec la psychanalyse qu'avec les religions (au sens où l'entend ce terme habituellement). Ceci pour rendre la chose moins exotique.
Je ne vois pas pourquoi on emploierait un autre terme, c'est bien du bouddhisme qu'on parle, et c'est bien une religion ou plutôt une large famille de religions (comme l'islam ou le christianisme ne sont pas qu'une seule religion non plus). J'insiste parce qu'il faut savoir de quoi on cause, et ce n'est pas en faisant des rapprochements hors de propos qu'on peut dissimuler ce fait. Non, le bouddhisme ce n'est pas une version antique de la psychanalyse : c'est bien d'une religion qu'il s'agit avec toutes les caractéristiques d'une religion : avec un dogme (le Dharma), un fondateur mythique (le Bouddha) dont la vie serait une succession de miracles (comme celle de tous les fondateurs de religions si l'on en croit les traditions respectives), une tradition justement ou plutôt des traditions, et en plus des communautés monastiques, etc... et dans ce dogme et ces traditions beaucoup sont héritées de l'hindouisme (qui est bien une religion), comme la réincarnation et la notion de karma. Comme toute religion évidemment le bouddhisme charrie aussi son lot d'illusions et de croyances, comme justement la croyance en la réincarnation. Au passage, je remarque que ce sont souvent des occidentaux qui disent que le bouddhisme n'est pas une religion, mais des dizaines de millions d'asiatiques croyant et parfois pratiquant le bouddhisme le considèrent bien comme leur religion...
a écrit :la transformation intérieure de l'individu (que vise le bouddhisme) est non seulement compatible avec la transformation de la société, mais l'une doit aller avec l'autre, sinon on va aller toujours vers de grands échecs. Un des grands problèmes que nous a légués le XXe siècle est la question de la bureaucratisation (bureaucratisation des organisations ouvrières, phénomènes de déformation/dégénérescence après une révolution). Il me semble que la réflexion marxiste à ce sujet reste assez courte, et je prétends que la pensée bouddhique peut être d'un apport important dans ce domaine.
Débarquer sur un forum trotskyste et déclarer que les marxistes sont un peu courts sur la notion de la bureaucratie c'est un peu gonflé... bon passons. Qu'apporterait la "pensée bouddhiste" là dessus ? De nous dire que Staline est un vilain et que pour la peine il sera réincarné en poelle à frire ? Je te provoque mais c'est pour te faire remarquer que la "transformation intérieure de l'individu" prônée par le bouddhisme n'apporte aucune solution à ce problème là. Déja qu'il n'a pas empêché l'établissement d'un clergé privilégié dirigeant la théocratie du Tibet...
a écrit :la voie bouddhique ne consiste pas à fuir une "vallée de larmes" pour se réfugier dans un bel arc-en-ciel. Tout au contraire, elle consiste avant tout à abandonner les illusions et à voir les choses comme elles sont vraiment, y compris dans leur dureté. Elle amène à prendre conscience de l'état d'insatisfaction permanente, voire de souffrance, dans lequel nous vivons. Elle aide à analyser comment sont construits les pièges dans lesquels nous nous enfermons afin de nous en libérer. En ce sens, le bouddhisme pourrait reprendre à son compte la citation de Marx que tu donnes. Un proverbe zen dit d'ailleurs : "si tu rencontres le Bouddha, tue le !", ce qu'on pourrait traduire par : "ne remplace pas une illusion par une autre".
Alors la croyance en la réincarnation ce n'est pas une illusion par exemple ? j'insiste sur cette croyance là parce que sans elle tout l'édifice du bouddhisme s'écroule : ce que tu appelles "la transformation intérieure de l'individu" ne vise qu'à faire échapper cet individu au cycle karmique. Par conséquent, cela signifie que "l'individu" dont tu parles est en fait dans le bouddhisme identifié à son âme, laquelle se réincarnerait après sa mort. Voila quelle "libération" prône le bouddhisme : une libération post-mortem. Pour un matérialiste (même pas besoin d'être marxiste d'ailleurs), c'est tout simplement la plus grosse des illusions !
Et surtout, cela ne change en rien la situation dans laquelle se trouve cet individu. Quand bien même l'âme existerait et se réincarnerait (soyons fous !) la solution prônée par le bouddhisme est une solution individuelle, qui ne change rien à la "vallée de larmes"...
Quant au proverbe zen, il me semble plutôt qu'il apporte de l'eau à mon moulin puisqu'il assimilerait le bouddhisme à l'illusion... mais c'est le propre des proverbes religieux de pouvoir être interprétés dans tous les sens !
a écrit :Je parle là de ce que le Bouddha a enseigné. Mais il est vrai que pour des millions de pratiquants en Asie, le bouddhisme est autre chose que ce que le Bouddha a enseigné : c'est, comme le dit Marx, l'auréole qui surmonte la vallée des larmes, la voie pour accumuler des mérites par des bonnes actions et des offrandes dans l'espoir de préparer une renaissance favorable, ou même de renaître dans un paradis.
Je prend note que tu admets qu'il faut aujourd'hui critiquer le bouddhisme en tant que religion. Par contre je suis effaré par ton dogmatisme : Des dizaines de millions de bouddhistes se tromperaient sur la vérité de l'enseignement du Bouddha ! Mais qui es-tu pour le prétendre ? l'enseignement du Bouddha n'est connu que par des textes écrits après la date supposée de sa mort, parfois même plusieurs siècles après (comme pour Jésus et le christianisme d'ailleurs). Alors pourquoi vouloir séparer l'enseignement du Bouddha du bouddhisme, à part pour continuer à se bercer d'illusions...
(Bon, il est plus de 22h de ce côté de la Manche, demain je bosse, donc je vais me coucher).
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