par Louis » 25 Oct 2002, 14:31
dans rouge cette semaine :
Contrat d'intégration
Foutage de gueule
Chirac et Raffarin lancent le contrat d'intégration : les immigrés devront prendre des cours de français et d'instruction civique... prouver qu'ils "méritent" leur présence sur le territoire français.
Un énorme piège, ni plus ni moins. L'idée d'un contrat d'intégration, lancée par Chirac à Troyes sera concrétisée par Raffarin le 24 octobre lors de l'installation du nouveau Haut Conseil à l'intégration. Elle repose sur un postulat usé par les gouvernements successifs : pour mieux intégrer, il faut davantage exclure. Au nom d'une conception étroite de l'intégration fondée non sur l'égalité des droits, mais sur un devoir d'assimilation culturelle, le gouvernement continue de refuser la régularisation globale des sans-papiers. Vivre en France, ça doit se "mériter" quand on est étranger. Le "contrat" en question ne crée pas de droits nouveaux, mais subordonne des droits existants à des exigences nouvelles.
Il ne s'applique d'ailleurs qu'aux nouveaux arrivants entrés légalement en France, à "ceux qui ont vocation à être intégrés" comme dit Sarkozy. En gros, les "bons" immigrés, ceux qui sont utiles économiquement. A ceux-là, Chirac rappelle qu'ils ont des devoirs "dont le plus essentiel est de respecter les lois de la République". Rappelons à notre tour au roi de l'impunité présidentielle que respecter la loi s'impose à tous, pas prioritairement aux immigrés.
Dès son arrivée, le migrant se verrait proposer la signature d'un contrat comportant un apprentissage du français et une instruction civique. L'obtention de la carte de résident pour ceux qui entrent dans le cadre du regroupement familial ou une naturalisation ultérieure seront subordonnées à un certificat de maîtrise du français. Certains droits et prestations sociales en dépendront. Ce qui jusqu'ici était accessible de plein droit serait donc désormais conditionné à une "bonne intégration".
Yves Jego, le député-maire UMP de Montereau, qui a préparé par ses déclarations le terrain de Chirac à Troyes en proposant un "contrat d'accueil", ajoutait un "contrat d'enracinement" qui imposerait un délai de quinze années pour déboucher sur le droit de vote aux municipales ou sur la nationalité française. En d'autres termes, le droit de vote ne serait octroyé que quand on a aussi toutes les chances de devenir français. Sur ce sujet, Chirac ne s'engage pas.
Le plus affligeant est de constater à quel point ce piège grossier a parfois fonctionné. Le bilan calamiteux de la gauche plurielle en matière d'immigration contribue sans doute à l'illusion. Au bureau national du PS, Jack Lang, Arnaud Monteboug, Harlem Désir approuvent le contrat d'intégration. Tout en se déclarant prudent face à ce contrat d'intégration, Mouloud Aounit, secrétaire général du Mrap, salue l'initiative "courageuse et inattendue" de Jego.
Redescendons sur terre. Plusieurs pays européens pratiquent déjà les "contrats d'intégration" : Autriche, Danemark, Allemagne, Pays-Bas... En Autriche, la droite - y compris le parti fasciste de Jörg Haider - a voté en juillet une loi imposant aux immigrés non européens la souscription d'un contrat les obligeant à suivre des cours d'allemand sous peine de retrait des aides sociales, voire du permis de séjour. Même si Raffarin présentera probablement le "contrat d'intégration" de manière plus soft, comment ne pas voir dans cette contractualisation une mesure discriminatoire qui va de pair avec la déferlante électorale de la droite en Europe ?
Certes Chirac n'invoque plus "le bruit et l'odeur". Certes, il reconnaît aujourd'hui que "la France a pu s'enrichir, tout au long de son histoire des apports" de l'immigration. Mais il faut refuser cette injonction à s'intégrer qui repose sur une stigmatisation des immigrés. Pas d'intégration sans égalité des droits.
Emmanuel Sieglmann.
Rouge 1989 24/10/2002