par alex » 12 Oct 2004, 12:05
Je suis certain qu'en droit une accompagnatrice est considérée comme ayant une mission de service public momentanée; En conséquence le port du voile est incompatible et c'est tant mieux.
Par contre, le problème est élargie aux représentantes des parents d'élèves et ça me pose plus de problèmes car j'estime que chacun vote pour qui ils veut et on ne peut reprocher à des femmes de s'intéresser à ce qu'il se passe dans l'école de leur enfant, mais en même temps cela revient à une intrusion du voile dans l'enceinte scolaire...
L'école fait la tête aux mères voilées
Des établissements refusent de les voir servir d'accompagnatrices lors de sorties.
Par Ludovic BLECHER
mardi 12 octobre 2004
Après le foulard des lycéennes, celui des mères. Si l'autorisation accordée aux mères voilées d'entrer dans les établissements scolaires a été implicitement réaffirmée après le vote de la loi sur la laïcité, ces dernières ne sont pourtant pas toujours les bienvenues lorsqu'elles se proposent d'accompagner les sorties des enfants. Le ministère de l'Education nationale a beau être catégorique, assurant qu'il est «absolument illégal d'empêcher les mères voilées d'accompagner les enfants», il n'empêche : à plusieurs reprises, certaines mères se sont vu opposer une fin de non-recevoir. De fait, le libre arbitre du chef d'établissement et des rectorats semble prévaloir. Quinze jours après la rentrée, le problème s'est posé dans une école primaire de Villemonble (Seine-Saint-Denis). Jean-Marc Minetto, responsable des parents d'élèves et membre de la FCPE (principale fédération de parents d'élèves), est averti . «Visiblement, les consignes de l'inspecteur d'académie en début d'année étaient de refuser les accompagnatrices voilées : il fallait voir le moins de foulards possible aux alentours des écoles.»
Mauvaise lecture. L'inspectrice de l'Education nationale est saisie. Elle fouille les textes et, au final, fait rectifier le tir en autorisant la présence de l'accompagnatrice voilée. Dans une académie voisine, à l'inverse, on assume les interdits. L'explication du rectorat des Hauts-de-Seine témoigne pour le moins d'une mauvaise lecture de la circulaire d'application de la loi du 15 mars qui, d'après le texte, «ne concerne pas les parents d'élèves» : «L'an dernier, nous avons étudié le problème des sorties. La décision de l'inspecteur de l'Education nationale en charge de la circonscription de Nanterre a été de refuser aux femmes voilées d'accompagner les enfants. La loi sur la laïcité ne mentionnant pas les parents, il n'y a pas à revenir sur cette décision.» Une décision justifiée par le fait qu'une mère accompagnatrice se trouve dans une situation identique à un agent de l'Education nationale et «doit donc être soumise aux mêmes règles». «Question d'appréciation, surtout lorsqu'il s'agit d'accompagnatrices occasionnelles», rétorque un délégué de parents d'élèves.
Ces cas à la marge révèlent que l'application de la loi sur la laïcité bute sur de sérieux problèmes d'interprétation. Impossible, dès lors, d'éviter que par ricochet certaines femmes chargent ces décisions de sous-entendus, et se sentent stigmatisées. Lorsque Nabila, 27 ans, a été prévenue par la directrice de l'école maternelle de Romans-sur-Isère (Drôme) qu'elle ne pourrait pas conduire la classe de ses enfants à la bibliothèque, elle a bondi de colère.
Doute. «Je suis remontée comme jamais et prête à porter plainte. La loi ne concerne pas les parents. Ce qui me choque le plus, c'est que cette règle ne s'applique que dans les écoles classées REP [réseau d'éducation prioritaire]», dit-elle. Vrai et faux. Un courriel envoyé en juin par le chargé REP et politique de la ville à l'inspection académique de Valence a semé le doute dans la tête des directeurs d'école concernés. Extrapolant une déclaration du ministre de l'Education nationale précisant que les mères pouvaient accompagner leurs enfants à la maternelle dans la tenue de leur choix entre 8 h 30 à 9 heures, il a estimé qu'en dehors de ces horaires il fallait bannir le voile. D'où la position d'une directrice, un peu déboussolée : «J'applique la loi, j'interdis toutes les accompagnatrices voilées.» Jusqu'à ce que le rectorat, saisi peu après de l'affaire, reconnaisse, la semaine dernière, «un problème d'interprétation très local» et rappelle «clairement que la loi du 15 mars ne s'applique pas aux parents d'élèves».
Une quinzaine de jours après la rentrée, la FCPE a volé au secours des mères de famille musulmanes qui portent le foulard. «Aucune consigne écrite ministérielle n'a été donnée, contrairement à ce qu'affirment certains inspecteurs ou certains directeurs d'école, écrit alors la fédération dans un communiqué. Dans l'attente d'une clarification juridique, nous devons soutenir ces mères que l'on exclut arbitrairement.» A la fédération, on met également en garde contre d'autres invraisemblances qui pourraient survenir si les règles concernant les mères voilées ne sont pas clairement définies. Et d'imaginer, par exemple, le cas d'une femme en foulard, représentante des parents dans un conseil de discipline chargé de statuer sur l'exclusion d'une jeune fille qui refuse d'ôter son voile à l'école.
Grattage. Reste que, pour un grand nombre d'associations, ces difficultés autour de mères voilées symbolisent les tentatives d'élargir imperceptiblement le champ d'application d'une loi qui ne concerne pourtant que les élèves, les enseignants et le personnel administratif. «Sous couvert de la loi sur la laïcité, une impunité s'est mise en place depuis la rentrée, prétend Samy Debah, responsable du Collectif contre l'islamophobie en France. On a l'impression que si on peut gratter un peu plus de retraits de voiles, c'est toujours ça de gagné.»
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