Publié : 26 Mars 2004, 11:40
Tout est dans le titre
Ouvrez le feu, mais pas de trucs trop longs quand même
Ouvrez le feu, mais pas de trucs trop longs quand même
(Jacques Prévert @ Paroles (1945) a écrit :
LE TEMPS PERDU
Devant la porte de l'usine
le travailleur soudain s'arrête
le beau temps l'a tiré par la veste
et comme il se retourne
et regarde le soleil
tout rouge tout rond
souriant dans son ciel de plomb
il cligne de l'œil
familièrement
Dis donc camarade Soleil
tu ne trouves pas
que c'est plutôt con
de donner une journée pareille
à un patron ?
(Jacques Prévert @ Paroles (1945) a écrit :
PATER NOSTER
Notre père qui êtes aux cieux
Restez-y
Et nous nous resterons sur la terre
Qui est quelquefois si jolie
Avec ses mystères de New York
Et puis ses mystères de Paris
Qui valent bien celui de la Trinité
Avec son petit canal de l'Ourcq
Sa grande muraille de Chine
Sa rivière de Morlaix
Ses bêtises de Cambrai
Avec son océan Pacifique
Et ses deux bassins aux Tuileries
Avec ses bons enfants et ses mauvais sujets
Avec toutes les merveilles du monde
Qui sont là
Simplement sur la terre
Offertes à tout le monde
Éparpillées
Émerveillées elles-mêmes d'être de telles merveilles
Et qui n'osent se l'avouer
Comme une jolie fille nue qui n'ose se montrer
Avec les épouvantables malheurs du monde
Qui sont légion
Avec leurs légionnaires
Avec leurs tortionnaires
Avec les maîtres de ce monde
Les maîtres avec leurs prêtres leurs traîtres et leurs
Reîtres
Avec les saisons
Avec les années
Avec les jolies filles et avec les vieux cons
Avec la paille de la misère pourrissant dans l'acier des canons
(Nazim Hikmet @ Anthologie poétique (1947) a écrit :
SUR LA VIE
La vie n'est pas une plaisanterie
Tu la prendras au sérieux,
Comme le fait un écureuil, par exemple,
Sans rien attendre du dehors et d'au-delà
Tu n'auras rien d'autre à faire que de vivre.
La vie n'est pas une plaisanterie,
Tu la prendras au sérieux,
Mais au sérieux à tel point,
Qu'adossé au mur, par exemple, les mains liées
Ou dans un laboratoire
En chemise blanche avec de grandes lunettes,
Tu mourras pour que vivent les hommes,
Les hommes dont tu n'auras même pas vu le visage,
Et tu mourras tout en sachant
Que rien n'est plus beau, que rien n'est plus vrai que la vie.
Tu la prendras au sérieux
Mais au sérieux à tel point
Qu'à soixante-dix ans, par exemple, tu planteras des oliviers
Non pas pour qu'ils restent à tes enfants
Mais parce que tu ne croiras pas à la mort
Tout en la redoutant
mais parce que la vie pèsera plus lourd dans la balance
( Vladimir Maïakovski @ ECRIT POUR L'ANNIVERSAIRE DE LA COMMUNE DE PARIS, 1927 a écrit :
Les premiers communards
Ils sont rares qui encore y songent
à ces jours, ces combats, ces noms,
mais le cœur ouvrier garde
le souvenir sacré du grand jour.
Le capital alors était jeune,
les cheminées étaient moins hautes,
ils hissèrent le drapeau de la lutte
dans le Paris des Français.
Barattant l'espoir dans le coeur des gueux,
rongeant d'inquiétude les riches,
les paroles du socialisme vivant
jaillirent au-dessus de la terre.
Le monde bourgeois tout entier applaudit
du gras des paumes, quand il vit
en marche sur les routes,
ses gendarmes - les Versaillais.
Sans fouiller l'article des lois,
sans discussions, ni palabres,
Gallifet, leur Koltchak français,
mit au poteau la Commune.
Leurs voix sont-elles mortes tout à fait,
sont-elles étouffées pour toujours ?
Pour en être sûres, des dames, dans leurs yeux,
enfonçaient le bout de l'ombrelle.
De bon appétit le bourgeois bouffa la Commune,
s'essuya la lèvre à ses drapeaux.
Seul nous reste le mot d'ordre :
"Vaincre ! Vaincre —ou mourir ! "
Les Versaillais crachant sur Paris des balles
sont partis sonnant des éperons.
Et la faœ bourgeoise se remit. à luire,
mais notre Octobre vint !
La classe ouvrière est plus sage, et ça fait plus de monde,
nous sommes parés, contre mots et matraques.
Eux surent tenir une poignée de jours, -
nous autres tiendrons des siècles.
Au-dessus des soies bruissantes de leurs noms,
défilent les colonnes rouges.
portant en ce jour, pour la neuvième fois,
leur offrande de deuil et d'orgueil.
(Mario Benedetti @ Cotidianas a écrit :
SOY UN CASO PERDIDO
Por fin un crítico sagaz reveló
(ya sabía yo que iban a descubrirlo)
que en mis cuentos soy parcial
y tangencialmente me exhorta
a que asuma la neutralidad
como cualquier intelectual que se respete
creo que tiene razón
soy parcial
de esto no cabe duda
más aún yo diría que un parcial irrescatable
caso perdido en fin
ya que por más esfuerzos que haga
nunca podré llegar a ser neutral
en varios países de este continente
especialistas destacados
han hecho lo posible y lo imposible
por curarme de la parcialidad
por ejemplo en la biblioteca nacional de mi país
ordenaron el expurgo parcial
de mis libros parciales
en argentina me dieron cuartenta y ocho horas
(y si no me mataban) para que me fuera
con mi parcialidad a cuestas
por último en perú incomunicaron mi parcialidad
y a mi me deportaron
de haber sido neutral
no habria necesitado
esas terapias intensivas
pero qué voy a hacerle
soy parcial
incurablemente parcial
y aunque pueda sonar un poco extraño
totalmente
parcial
ya sé
eso significa que no podré aspirar
a tantísimos honores y reputaciones
y preces y dignidades
que el mundo reserva para los intelectuales
que se respeten
es decir para los neutrales
con un agravante
como cada vez hay menos neutrales
las distinciones se reparten
entre poquísimos
después de todo y a partir
de mis confesadas limitaciones
debo reconocer que a esos pocos neutrales
les tengo cierta admiración
o mejor les reservo cierto asombro
ya que en realidad se precisa un temple de acero
para mantenerse neutral ante episodios como
girón
tlatelolco
trelew
pando
la moneda
es claro que uno
y quizá sea esto lo que quería decirme el crítico
podría ser parcial en la vida privada
y neutral en las bellas letras
digamos indignarse contra pinochet
durante el insomnio
y escribir cuentos diurnos
sobre la atlántida
no es mala idea
y claro
tiene la ventaja
de que por un lado
uno tiene conflictos de conciencia
y eso siempre representa
un buen nutrimeto para el arte
y por otro no deja flancos para que lo vapulee
la prensa burguesa y/o neutral
no es mala idea
pero
ya me veo descubriendo o imaginando
en el continente sumergido
la existencia de oprimidos y opresores
parciales y neutrales
torturados y verdugos
o sea la misma pelotera
cuba sí yanquis no
de los continentes no sumergidos
de manera que
como parece que no tengo remedio
y estoy definitivamente perdido
para la fructuosa neutralidad
lo más probable es que siga escribiendo
cuentos no neutrales
y poemas y ensayos y canciones y novelas
no neutrales
pero advierto que será así
aunque no traten de torturas y cárceles
u otros tópicos que al parecer
resultan insoportables a los neutros
será así aunque traten de mariposas y nubes
y duendes y pescaditos