Trotsky invoque souvent l'exemple de la Révolution française. Voici qu'il prononce un discours devant le bataillon de sous-officiers de manoeuvre de Petrograd, automne 1918. Il parle de la Révolution française – on comprend très bien à quel point l'exemple français fut étudié par lui.
Il y a plus de cent ans, c’était la grande Révolution française qui a brisé l’ancienne armée monarchique. Et là aussi, les officiers, dans leur majorité, ont fui du côté des ennemis du peuple français, du côté de l’Angleterre contre la Révolution française, de même que maintenant, avec les capitalistes anglais, ils mènent contre nous une lutte malhonnête. Une partie des officiers français est passée du côté de l’Allemagne et nous savons que ces officiers ont lutté contre le peuple révolutionnaire franeais. lls appelaient les travailleurs français, le peuple ouvrier, les «sans-culottes». Et ces sans-culottes ont créé une véritable Armée rouge.
Où ont-ils pris leur personnel de commandement ? Parmi les caporaux, les sous-officiers. Et Napoléon devenu par la suite empereur, quand il était encore un général révolutionnaire, disait que «chaque soldat a, dans sa giberne, son bâton de maréchal»; c’est-à-dire que, dans un pays révolutionnaire, chaque soldat énergique et solide peut et doit, à l’instant du péril, occuper n’importe quel poste de commandement.
Ces maréchaux, anciens sous-officiers, dont beaucoup ne savaient même pas signer leur nom, sont devenus de grands capitaines révolutionnaires. Non seulement ils ont chassé les Allemands et les Anglais de leur pays, mais ils ont pris la tête de l’invincible armée française dans toute l’Europe et, où qu’ils allassent, ils ont porté des coups à la domination du servage et du clergé. Cela signifie que, là, a été créée une véritable armée populaire qui a fait naitre en son propre sein un véritable, un authentique personnel de commandement.
Une note du traducteur indique qu'il n'y a aucune preuve que Napoléon ait prononcé la phrase sur le bâton de maréchal. Le grade de Maréchal avait été aboli en 1793. Ce grade sera restauré en 1804.
Et moi, je rajoute une note à la note du traducteur: il semble que ce soit Louis XVIII qui est à l'origine de la formule, en 1819, s'adressant aux élèves de l'école polytechnique.
Trotsky ne connait pas uniquement les péripéties de la Révolution française, il connait même… Tartarin de Tarasconn !
«Les français ont plus que tout poussé à l'intervention japonaise. Mais il faut être en vérité un Tartarin ignorant pour s'imaginer que le Japon aspire à un conflit armé avec l'Allemagne.»
C'est dans un article du 4 juillet 1918, paru dans la presse. Devait pas y avoir beaucoup de russes qui connaissaient ce cher Tartarin.