L. Trotsky, Comment la révolution s'est armée.

Re: L. Trotsky, Comment la révolution s'est armée.

Message par Cyrano » 20 Jan 2024, 13:31

La patrie socialiste est en danger !... Il y a un texte, avec le même titre, qui n'est pas dans le volume 1. C'est un texte contenant un décret du Conseil des Commissaires du Peuple daté du 21 février 1918. Ce décret a une destinée bizarre. Il est sur le site MIA, avec ce chapeau de présentation:
« — Lénine, Œuvres, t. 27, Éditions Sociales - Paris, Éditions en langues étrangères - Moscou, 1961, p. 38-42.
La paternité de ce décret a traditionnellement toujours été attribuée à Lénine selon l’historiographie officielle et les volumes des Œuvres de ce dernier. Il semblerait bien pourtant que ce soit à Trotski que l’on doive le premier jet de ce décret révolutionnaire. Cf. : Cinnella Ettore, État « prolétarien » et science « bourgeoise ». In : Cahiers du monde russe et soviétique, vol. 32, n° 4, Octobre- Décembre 1991, pp. 469-499 ; et plus précisément page 471 ainsi que la note n° 9 (commentaire du site "Smolny")
»
https://www.marxists.org/francais/lenin ... narkom.htm

Ce décret est pris avant la signature des accords de Brest-Litovsk. Alors, voyons donc ce décret tel qu'il est cité sur le site MIA :
Lénine - Trotsky
Sovnarkom (1918) : La patrie socialiste est en danger !
Décret du Conseil des Commissaires du Peuple - 21 février 1918



Afin de mettre le pays épuisé et martyrisé à l’abri des nouvelles épreuves qu’entraînerait la guerre, nous avons consenti un immense sacrifice et informé les Allemands que nous acceptions de signer leurs conditions de paix. Le 20 (7) février au soir, nos parlementaires ont quitté Réjitsa pour Dvinsk, mais jusqu’à présent pas de réponse. Visiblement, le gouvernement allemand ne se presse pas de répondre. Il ne veut manifestement pas faire la paix. Répondant aux injonctions des capitalistes de tous les pays, le militarisme germanique entend étouffer les ouvriers et les paysans russes et ukrainiens, restituer les terres aux grands propriétaires fonciers, les fabriques et les usines aux banquiers, le pouvoir à la monarchie. Les généraux allemands veulent instaurer leur « régime » à Pétrograd et à Kiev. La République socialiste des Soviets court un très grave danger. Jusqu’à l’heure où le prolétariat d’Allemagne se lèvera et triomphera, le devoir sacré des ouvriers et des paysans de Russie est de défendre avec abnégation la République des Soviets contre les hordes de la bourgeoisie impérialiste d’Allemagne. Le Conseil des commissaires du peuple arrête :

1. Toutes les forces et ressources du pays sont mises à la disposition de la défense révolutionnaire.
2. Il est du devoir de tous les Soviets et organisations révolutionnaires de défendre chaque position jusqu’à la dernière goutte de sang.
3. Les organisations des chemins de fer et les Soviets intéressés sont tenus de s’opposer de toutes leurs forces à l’utilisation par l’ennemi de l’appareil des transports ferroviaires ; en cas de retraite, de détruire les voies, de faire sauter et d’incendier les bâtiments des chemins de fer ; d’évacuer sans délai tout le matériel roulant - wagons et locomotives - vers l’Est, dans l’intérieur du pays.
4. Tous les stocks de blé et, en général, de vivres, de même que tous autres biens de valeur qui risquent de tomber entre les mains de l’ennemi, doivent absolument être détruits ; les Soviets locaux veilleront à l’exécution de ces mesures, sous la responsabilité personnelle de leurs présidents.
5. Les ouvriers et les paysans de Pétrograd, de Kiev et de toutes les villes, bourgades, villages et hameaux se trouvant sur la nouvelle ligne du front mobiliseront les bataillons pour creuser des tranchées sous la direction de spécialistes militaires.
6. On incorporera dans ces bataillons tous les membres de la classe bourgeoise aptes au travail, hommes et femmes, sous la surveillance des gardes rouges ; les récalcitrants seront fusillés.
7. Toutes les publications qui s’opposent à la défense révolutionnaire et prennent le parti de la bourgeoisie allemande, ainsi que celles qui cherchent à utiliser l’invasion des hordes impérialistes pour renverser le pouvoir des Soviets, sont interdites ; leurs rédacteurs et autres collaborateurs aptes au travail sont mobilisés pour le creusement des tranchées et autres travaux de défense.
8. Les agents de l’ennemi, les trafiquants, les pillards, les voyous, les agitateurs contre-révolutionnaires, les espions allemands, pris sur le fait, doivent être fusillés.
La Patrie socialiste est en danger ! Vive la Patrie socialiste ! Vive la Révolution socialiste internationale !

Le Conseil des commissaires du peuple. Le 21 février 1918, Pétrograd.
«Pravda», n° 32, 22 février 1918
Cyrano
 
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Re: L. Trotsky, Comment la révolution s'est armée.

Message par Cyrano » 20 Jan 2024, 13:34

Sur le site MIA, on a un additif manuscrit (non publié) de Lénine à ce décret officiel:
https://www.marxists.org/francais/lenin ... dditif.htm
Source : Œuvres, t. 27, Éditions Sociales - Paris, Éditions en langues étrangères - Moscou, 1961, pp. 27-28 .
Lénine
Additif au décret du Conseil des Commissaires du Peuple
« La Patrie socialiste est en danger ! »

Pour la bonne et stricte exécution du décret du Conseil des commissaires du peuple en date du 21 février, il est arrêté ce qui suit :

1. Tout ouvrier ayant fourni ses huit heures de travail est tenu de travailler trois heures par jour (ou quatre heures et demie avec repos un jour sur trois) pour l’armée ou l’administration.
2. Toute personne appartenant à la classe riche ou aux catégories aisées de la population (revenu de 500 roubles ou plus par mois ou possession de 1 500 roubles ou plus en argent liquide) est tenue de se pourvoir sans délai d’un livret de travail dans lequel il devra être indiqué hebdomadairement si son possesseur s’est acquitté de sa part de travail pour l’armée ou l’administration. Les pointages seront portés, suivant le cas, par le syndicat, le Soviet des députés ouvriers ou le commandement du détachement local de la Garde Rouge.
Les livrets de travail pour personnes aisées seront délivrés à raison de 50 roubles pièce.
3. Les personnes ne figurant pas au nombre des ouvriers, mais n’appartenant pas aux classes aisées, sont également tenues d’avoir un livret de travail qui leur est délivré contre paiement de 5 roubles (ou 1 rouble, au prix de revient).
Les livrets de travail des personnes aisées contiennent des colonnes pour l’enregistrement hebdomadaire des recettes et des dépenses.
L’absence de livret de travail ou les mentions inexactes (et, à plus forte raison, les mentions entachées de fraude) sont punies selon les lois du temps de guerre.

Toutes les personnes possédant des armes doivent se munir d’une nouvelle autorisation émanant (a) de leur comité de maison local ; (b) des institutions indiquées au § 2. Faute de ces deux autorisations, la possession d’armes est interdite ; tout contrevenant à cette règle sera fusillé.
La dissimulation de réserves de vivres est punie de la même peine.
Dans l’intérêt d’une juste organisation du ravitaillement, tous les citoyens sont tenus de se grouper dans des sociétés de consommation... [1]

Écrit le 21 ou le 22 février 1918.
Publié pour la première fois le 22 décembre 1927, dans la « Pravda » n° 293.
Le manuscrit s’interrompt ici (N.d.R).
Cyrano
 
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Re: L. Trotsky, Comment la révolution s'est armée.

Message par Cyrano » 20 Jan 2024, 13:36

La patrie en danger!
Si y'a des 18-24 ans sur ce forum, ça leur dira rien, si j'en crois un récent sondage. Mais pour les autres blanchis (ou pas blanchis) sous le harnais (s'il leur reste des cheveux, évidemment), ça devrait leur causer, cette formule.
C'était le titre d'une déclaration de l'Assemblée nationale française, le 11 juillet 1792 : le danger, c'était la Prusse et l'Autriche contre la jeune révolution française. Bien sûr, ce n'est pas dans les volumes des Ecrits militaires, mais je ne résiste pas au plaisir de citer cette adresse au français.
Les révolutionnaires russes écrivaient: « la victoire ou la mort ! », les révolutionnaires français écrivaient: « il ne s'agit pas de braver la mort. Nous devons vaincre! »
Terrible alternative! Toute ressemblance serait fortuite.
Une adresse aux Français…

Votre constitution repose sur les principes de la justice éternelle. Une ligue de rois a été formée afin de le détruire; leurs bataillons avancent, ils sont nombreux, soumis à une discipline rigoureuse et formés depuis longtemps à l'art de la guerre.

Ne sentez-vous pas une noble ardeur susciter votre courage? Laisseriez-vous des hordes étrangères se répandre comme un torrent destructeur sur votre campagne? Pour ravager notre récolte? Pour dévaster notre patrie par le feu et le meurtre? En un mot, vous enchaîner avec des chaînes teintes dans le sang de ce que vous tenez le plus cher?

Nos armées sont à peine achevées, un sentiment imprudent de sécurité a tempéré l'esprit du patriotisme trop tôt; le recrutement qui a été commandé n'a pas eu le succès escompté par vos représentants. L'agitation intérieure augmente la difficulté de notre position; nos ennemis se livrent à de folles espérances qui sont un outrage contre vous.

Dépêchez-vous, citoyens, sauvez la liberté et venger votre gloire. L'Assemblée nationale déclare que la patrie est en danger…

Vous avez juré de vivre librement ou de mourir. Nous savons que vous allez le garder et jure d'être un exemple pour vous. Mais il ne s'agit pas de braver la mort. Nous devons vaincre: et vous pouvez le faire, si vous renoncez à votre haine, si vous oubliez vos divergences politiques, si vous vous ralliez à la cause commune, si vous veillez à une activité inlassable au-dessus de vos ennemis, si vous évitez toute perturbation et la violence individuelle qui les engendre, si vous volez vers les frontières et dans nos camps, avec l'enthousiasme généreux de la liberté et le sentiment profond des devoirs du citoyen citoyen.

Hommes de France, qui depuis quatre ans luttent contre le despotisme, nous vous prévenons des dangers qui vous assaillent, afin de vous inviter à faire les efforts nécessaires pour les surmonter. Nous vous montrons le précipice, quelle gloire vous attend quand vous l'avez traversé! Les nations vous contemplent; surprenez-les par la démonstration majestueuse de vos forces et de vos grands traits, de l'unité, du respect de la loi, d'un courage inébranlable, et bientôt la victoire couronnera l'autel de la liberté de sa paume…
Cyrano
 
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Re: L. Trotsky, Comment la révolution s'est armée.

Message par Cyrano » 20 Jan 2024, 13:37

Revenez fin d'après midi, j'ai une petite suite à scanner prise dans le rapport du 29 juillet 1918.
Cyrano
 
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Re: L. Trotsky, Comment la révolution s'est armée.

Message par Cyrano » 20 Jan 2024, 16:33

J'ai oublié de mettre un extrait pour souligner combien Trotsky voyait des similitudes avec la Révolution française. Trotsky termine son rapport sur la patrie socialiste en danger:
J’ai rappelé la Révolution française. Oui, camarades, il nous faut faire revivre ses traditions dans toute leur étendue. Rappelez-vous comment les jacobins, dans une France encore en guerre, parlaient de la victoire totale alors que les Girondins leur criaient: «Vous dites ce que vous ferez après la victoire; est-ce que par hasard vous auriez conclu un traité avec Ia victoire?» L’un des Jacobins avait répondu: «Nous avons conclu un traité avec Ia mort». La classe ouvrière ne peut supporter la défaite. Nous, fils de la classe ouvrière, nous avons conclu un traité avec la mort, et par conséquent avec la victoire !
Cyrano
 
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Re: L. Trotsky, Comment la révolution s'est armée.

Message par Cyrano » 20 Jan 2024, 16:34

Il serait agréable de savoir ce que vous inspirent ces extraits... Ou bien, bof...
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Re: L. Trotsky, Comment la révolution s'est armée.

Message par com_71 » 20 Jan 2024, 18:45

Mais non, pas bof !
Ça a chez moi, entre autre, déclenché l'achat des 3 derniers volumes... qui viennent compléter ceux de l'Herne.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: L. Trotsky, Comment la révolution s'est armée.

Message par Cyrano » 20 Jan 2024, 21:00

C'est cool, ça! Tant mieux !
Un effet collatéral du forum (qui est un bon fournisseur de titres et d'envies de lire, faut le reconnaître!)

Les pages 230 à 286 sont des textes écrits prononcés traitent de la rébellion tchécoslovaque et de la prise, déprise, reprise de Kazan. On a en fin de volume, une chronologie des événements militaires importants de la période 1917-1918.

Je vous livre quelques textes au sujet de Kazan – Jean-Jacques Marie, dans son Histoire de la guerre civile se demandait si ce n'était pas le Valmy russe.
Comme Ottokar le disait, Trotsky rigolait pas…
Ordre du jour du président du Conseil militaire de la République et Commissaire du peuple aux affaires militaires et navales, n°18, 1918.

On m’a rapporté que le détachement des partisans de Petrograd avait abandonné sa position.
J’ordonne au commissaire Rosensgoltz de vérifier les faits. Les soldats de l’Armée rouge des ouvriers et des paysans ne sont ni des froussards ni des gredins. Ils veulent se battre pour la liberté et le bonheur du peuple ouvrier. S’ils reculent ou se battent mal, la faute en est aux commandants et aux commissaires.
Je donne cet avertissement : si une quelconque unité recule sans autorisation, le premier à être fusillé sera le commissaire, et en second le commandant.
Les soldats courageux, braves, seront récompensés selon leurs mérites et placés à des postes de commandement.
Les froussards, ceux qui ménagent leur peau, ceux qui trahissent n’échapperont pas aux balles.
J’en réponds devant l’Armée rouge tout entière.

Publié dans Izvestia V. Tsik, n°173, 14 aout 1918

Et… c'est pas des paroles en l'air! Un extrait de l'ordre du jour du 30 août 1918:
L'écrasante majorité des soldats révolutionnaires exige depuis longtemps un châtiment sans pitié pour les traitres.
Aujourd’hui, le pouvoir soviétique est passe de l'avertissement à l’action. Hier, en exécution de la sentence du conseil de guerre de la Ve armée du front-est, vingt déserteurs ont été fusillés.
Au premier chef ont été fusillés les commandants et commissaires qui ont abandonné les positions qui leur étaient confiées. Puis on a fusillé les menteurs lâches qui se faisaient passer pour malades. Enfin, ont été fusillés quelques déserteurs qui ont refusé de racheter leur crime en participant à la lutte ultérieure.
Tout soldat et matelot honnête lira la sentence avec une pleine satisfaction.
Dernière édition par Cyrano le 20 Jan 2024, 21:12, édité 1 fois.
Cyrano
 
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Re: L. Trotsky, Comment la révolution s'est armée.

Message par Cyrano » 20 Jan 2024, 21:06

Mais faut pas oublier l'adversaire. Trotsky s'adresse à eux.
Aux troupes rebelles de Kazan luttant contre l’Armée rouge des ouvriers et paysans, aux Tchécoslovaques trompés, aux paysans trompés, aux ouvriers trompés, le 26 aout 1918, Sviajsk

Au nom de quoi vous battez-vous ?
Les propriétaires, les capitalistes, les anciens officiers veulent retrouver leur pouvoir et leurs richesses.
Les boursiers français et japonais veulent récupérer leurs profits.
Et vous, soldats tchécoslovaques, ouvriers et paysans ?
Vous êtes trompés. Vous êtes de la chair à canon. Vous répandez le sang ouvrier pour les intérêts des riches.
Pour les gardes blancs rebelles, il n’y a pas de salut.
Kazan est entourée de toutes parts. Nos forces sont incomparablement plus nombreuses que les vôtres, sur terre, sur l’eau et dans les airs.
Vos chefs, après s’être emparés de l’or du peuple, se dépêchent de quitter Kazan. Ils sentent qu’ils sont perdus.
Soldats tchécoslovaques, paysans et ouvriers !
Voulez-vous périr avec eux ?

Je déclare à tous :
Le pouvoir soviétique ne fait la guerre qu’aux riches, aux agresseurs, aux impérialistes.
Aux travailleurs, nous tendons une main fraternelle. Chacun, parmi vous, qui passerez volontairement dans notre camp, rencontrera de notre part un pardon total et un accueil fraternel.
Des dizaines des vôtres sont déjà venus à nous. Aucun d’eux n’a souffert. Ils sont tous sains et saufs et en liberté.
Au nom du Conseil des commissaires du peuple, je vous donne un dernier avertissement.
Venez tous du côté des troupes soviétiques !

Sviajsk, 26 aout 1918.

Bonnes lectures! Et pas d'insomnie : on n'en est pas là, en France… soupir…
Quoique, l'insomnie : à Kazan, en août et début septembre 1918, Trotsky aurait pu être éliminé. La révolution aurait bel et bien vacillé.
Cyrano
 
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Re: L. Trotsky, Comment la révolution s'est armée.

Message par Ottokar » 21 Jan 2024, 10:40

Je conseille de relire à titre de complément les chapitres 33 à 37 de Ma Vie de LT, disponibles en ligne sur marxists.org. Il y a le récit fabuleux de ce meeting avec des "déserteurs" qu'il retourne et renvoie au front de Svjiask-Kazan à l'été 18, les débats de stratégie militaires qui sont des raisonnements politiques, etc. On y trouve aussi quelques précisions.

Par exemple, ce fameux commissaire communiste, fusillé à l'été 18. C'est le moment où la république est réellement en danger. L'Armée Rouge ne cesse de reculer, elle se démoralise. Kazan est tombé et si la ville n'est pas reprise, la route de Moscou est ouverte, la jonction des troupes de Sibérie, de cette fameuse "légion tchéco-slovaque" avec le débarquement anglo-français du Nord devient possible, Petrograd serait pris en étau, etc. Donc non, on ne rigole plus. Et au milieu de ce merdier, le commissaire et le commandant s'emparent de force, fusil à la main, d'un bateau de l'armée sur le fleuve... pour sauver leur peau, la précieuse vie de ces "responsables". Au moment où les troupes se posent des questions, où le moral flanche, où on intègre des nouvelles recrues, des paysans, c'est intolérable. La leçon a porté et il ne signale pas d'autres cas.

Le reste, je ne veux pas doucher l'enthousiasme du lecteur, mais depuis, j'ai lu d'autres textes. Dans ces 5 tomes, il y a davantage de proclamations que de réalisations. Ce sont de brillantes analyses, la politique recherchée par Trotsky et la direction politique du parti, pas forcément celle qui s'applique dans tous ses détails sur le terrain.

Juste une chose par exemple : pour s'assurer de la fidélité des ex-officiers de l'armée tsariste intégrés à l'Armée Rouge, un décret prévoit de prendre en otage leurs familles. Pas terrible sur le plan des principes, mais la guerre non plus c'est pas terrible. malgré cela, certains trahissent et passent à l'ennemi. Mais JJ Marie note (dans "la guerre des blancs") que parmi tous les livres de mémoires des blancs en exil, pas un, pas un ne signale un cas où ces familles auraient eu des ennuis. La propre femme du baron Wrangel, le dernier chef des armées blanches en Crimée, vit sous non nom à Petrograd sans être inquiétée. Une autre femme de général blanc vit sous son nom de jeune fille et travaille au Soviet. Remplissant par mégarde une fiche en indiquant son état-civil, elle est renvoyée... et prise dans une autre administration. Elle est finalement juste internée, quatre mois, et relâchée quand son mari meurt au combat.

Et on pourrait donner d'autres exemples, sur les chiffres réels de l'armée, les menaces vis-à-vis des déserteurs, l'appel à ne pas fusiller les prisonniers, la discipline, etc. Il y a ce qui est dit... et ce qui est fait au niveau des unités de cette armée qui compte théoriquement jusqu'à 5 millions d'hommes, dispersés sur un front de 8000 kms.

Tout cela dit, c'est formidable et on sent le souffle de la période... et l'esprit de Trotsky, sa culture, son humanité, sa hauteur de vue, sa profondeur.
Ottokar
 
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