
J'ai eu la chance de pouvoir voir, hier soir, au ciné-club de ma (petite) ville, le film « Dernier maquis », de Rabah AMEUR-ZAÏMECHE (2008) :
Dans un petit atelier de recyclage (fabrication) de palettes de transport, le patron (lui-même musulman) décide de créer une mosquée pour « ses » ouvriers (noirs et maghrébins). Les antagonismes de classes finissent par l’emporter sur l’apparence d’homogénéité à laquelle veut faire croire la religion, à travers l’idée de Oumma.
Film très intéressant et très beau qui montre (ce qui est exceptionnel aujourd'hui, pour un film de fiction) pratiquement exclusivement des ouvriers sur leur lieu de travail. Il montre aussi que ce qui divise la société n’est pas fondamentalement la religion, mais les oppositions de classes sociales. Ce qui se traduit, dans la religion musulmane, par la « discorde » au sein de la communauté des croyants (la Oumma), c’est-à-dire ce qui constitue la plus grande crainte, le plus grand péril, pour l’Islam.
Le patron, nommé étrangement « Mao », et qui se dit « bon muslim », manœuvre autour de la religion et cherche à s’en servir afin de mener au mieux ses affaires, qui ne vont pas si bien. Il crée une mosquée sur le lieu de travail, nomme lui-même l’imam, dont il cherche à faire son mouchard. Mais la lutte des classes revient inévitablement, par nécessité, et avec violence, comme le retour du refoulé, trop longtemps nié, comprimé. Elle est alors âpre et brutale, primaire même. Les ouvriers repartent du point zéro : « Combien il faut être pour faire un syndicat ? Ben… deux ! À deux on peut faire un syndicat bien sûr. » Alors la lutte est violente. Non, quand les ouvriers sont les maîtres, il « n’est plus chez lui ». Et s’il ne veut pas l’accepter, on le lui fait entrer dans la tête à coups de poings, en attendant mieux (ou pire). Et après, on fait quoi ? (fin du film).
Le film n’est pas un tract au service d’un discours politique bien structuré, comme le fut jadis, par exemple « La vie est à nous » de Jean RENOIR, film commandé par le PCF en 1936. Ici, on reste sur des questions. La lutte des classes est une évidence, mais sur quoi nous conduit-elle ? On n’en sait plus trop rien. La chute du Mur de Berlin, des « évidences » historiques, a emporté bien des certitudes, mais aussi bien des traditions d’organisation collective, aujourd’hui perdues. Imams et « chefs de villages » ont souvent remplacé les militants syndicaux. La classe ouvrière aussi a changé. Elle a bien souvent la peau plus foncée, d’autres coutumes, d’autres habitudes, et elle vient souvent de loin.
Et ce film est aussi d’une grande beauté, en dépit (ou à cause) de la laideur des lieux où il est tourné. Ces ouvriers toujours en bleus de travail, qui n’ont pour horizon que les piles de palettes (rouges !) qui montent jusqu’au ciel, avec juste un petit carré de bleu-nuages au-dessus, avec les avions qui assourdissent régulièrement, ces ouvriers qui n’ont que leurs bras et la poussière et les outils et les marchandises, qui sont autant de briques, de maillons de ce que les possédants appellent la mondialisation. Ces ouvriers qui n’ont d’autre horizon que le vendredi à la mosquée. Ces ouvriers qui sont toujours entre hommes (il n’y a pas une seule femme dans ce film), et qui tentent de régler leurs affaires d’hommes, ces ouvriers à qui la religion ne sert décidément à rien pour régler leurs affaires d’hommes, sinon comme symptôme de la division en classes qui les sépare.
Un film à voir (DVD paru), à faire connaître. Une vraie œuvre cinématographique, dotée d’une puissance politique exceptionnelle. Un antidote fort bien venu à l’heure du battage médiatique gouvernemental sur la « burqa » et la sinistre comédie de l’« identité nationale ».
Dans un petit atelier de recyclage (fabrication) de palettes de transport, le patron (lui-même musulman) décide de créer une mosquée pour « ses » ouvriers (noirs et maghrébins). Les antagonismes de classes finissent par l’emporter sur l’apparence d’homogénéité à laquelle veut faire croire la religion, à travers l’idée de Oumma.
Film très intéressant et très beau qui montre (ce qui est exceptionnel aujourd'hui, pour un film de fiction) pratiquement exclusivement des ouvriers sur leur lieu de travail. Il montre aussi que ce qui divise la société n’est pas fondamentalement la religion, mais les oppositions de classes sociales. Ce qui se traduit, dans la religion musulmane, par la « discorde » au sein de la communauté des croyants (la Oumma), c’est-à-dire ce qui constitue la plus grande crainte, le plus grand péril, pour l’Islam.
Le patron, nommé étrangement « Mao », et qui se dit « bon muslim », manœuvre autour de la religion et cherche à s’en servir afin de mener au mieux ses affaires, qui ne vont pas si bien. Il crée une mosquée sur le lieu de travail, nomme lui-même l’imam, dont il cherche à faire son mouchard. Mais la lutte des classes revient inévitablement, par nécessité, et avec violence, comme le retour du refoulé, trop longtemps nié, comprimé. Elle est alors âpre et brutale, primaire même. Les ouvriers repartent du point zéro : « Combien il faut être pour faire un syndicat ? Ben… deux ! À deux on peut faire un syndicat bien sûr. » Alors la lutte est violente. Non, quand les ouvriers sont les maîtres, il « n’est plus chez lui ». Et s’il ne veut pas l’accepter, on le lui fait entrer dans la tête à coups de poings, en attendant mieux (ou pire). Et après, on fait quoi ? (fin du film).
Le film n’est pas un tract au service d’un discours politique bien structuré, comme le fut jadis, par exemple « La vie est à nous » de Jean RENOIR, film commandé par le PCF en 1936. Ici, on reste sur des questions. La lutte des classes est une évidence, mais sur quoi nous conduit-elle ? On n’en sait plus trop rien. La chute du Mur de Berlin, des « évidences » historiques, a emporté bien des certitudes, mais aussi bien des traditions d’organisation collective, aujourd’hui perdues. Imams et « chefs de villages » ont souvent remplacé les militants syndicaux. La classe ouvrière aussi a changé. Elle a bien souvent la peau plus foncée, d’autres coutumes, d’autres habitudes, et elle vient souvent de loin.
Et ce film est aussi d’une grande beauté, en dépit (ou à cause) de la laideur des lieux où il est tourné. Ces ouvriers toujours en bleus de travail, qui n’ont pour horizon que les piles de palettes (rouges !) qui montent jusqu’au ciel, avec juste un petit carré de bleu-nuages au-dessus, avec les avions qui assourdissent régulièrement, ces ouvriers qui n’ont que leurs bras et la poussière et les outils et les marchandises, qui sont autant de briques, de maillons de ce que les possédants appellent la mondialisation. Ces ouvriers qui n’ont d’autre horizon que le vendredi à la mosquée. Ces ouvriers qui sont toujours entre hommes (il n’y a pas une seule femme dans ce film), et qui tentent de régler leurs affaires d’hommes, ces ouvriers à qui la religion ne sert décidément à rien pour régler leurs affaires d’hommes, sinon comme symptôme de la division en classes qui les sépare.
Un film à voir (DVD paru), à faire connaître. Une vraie œuvre cinématographique, dotée d’une puissance politique exceptionnelle. Un antidote fort bien venu à l’heure du battage médiatique gouvernemental sur la « burqa » et la sinistre comédie de l’« identité nationale ».