Libé du 10 aout 2009 : Thierry Jonquet est mort

Message par Runner » 10 Août 2009, 17:46

Libération du 10/08/09

Thierry Jonquet est mort
L'une des figures incontournables du nouveau polar français est décédé dimanche à l'âge de 55 ans.

L'écrivain Thierry Jonquet, auteur d'une vingtaine de romans, notamment pour la Série noire, et de nombreuses nouvelles, est décédé dimanche à l'hôpital de La Salpêtrière à Paris.
Né en 1954 à Paris, Thierry Jonquet avait publié son premier roman, «Mémoire en cage», en 1982 dans la collection «Sanguine» chez Albin Michel.
Engagé politiquement à Lutte ouvrière puis à la Ligue communiste révolutionnaire, il travaille d'abord en milieu hospitalier, notamment en gériatrie et dans un établissement psychiatrique, où il est confronté à la mort et à la folie, qui deviendront les thèmes récurrents de ses romans.
Un auteur phare
Avec «Mygale» (1984), Thierry Jonquet rejoint la Série noire chez Gallimard. Il est alors l'une des figures du nouveau polar français, avec des romans très noirs, ancrés dans le réel, où se mêlent satire politique et critique sociale. Jonquet publie alors occasionnellement sous le pseudonyme de Ramon Mercader (l'assassin de Trotski).
«J'écris des romans noirs. Des intrigues où la haine, le désespoir se taillent la part du lion et n'en finissent plus de broyer de pauvres personnages auxquels je n'accorde aucune chance de salut», écrivait-il en 1998 dans "Rouge c'est la vie", récit de son engagement militant.
Il est notamment l'auteur de «La Bête et la belle», paru en 1985 sous le numéro 2000 de la Série noire, de «La vie de ma mère» (1994), dans lequel il évoque le parcours d'un élève en difficulté, des «Orpailleurs» (1993), de «Moloch» (1998) ou de «Jours tranquilles à Belleville» (2004).
Thierry Jonquet avait peu à peu brisé les codes du «roman noir» traditionnel pour décrire la détresse sociale, comme dans «Ad vitam aeternam» (2002) ou «Mon vieux» (2004), destins croisés d'un écrivain et d'un SDF poussés au crime.
Il est également l'auteur d'une dizaine de romans pour la jeunesse, publiés notamment dans des collections polars pour enfants, avec la série des «Lapoigne» (Nathan) ou «Les fantômes de Belleville».
Son dernier livre, «Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte», paru au Seuil en 2006, lui avait valu la médaille d'honneur de la Licra.
(Source AFP)
Runner
 
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Message par Vérié » 10 Août 2009, 18:20

Thierry Jonquet, après un bref passage à LO, a longtemps milité à la LCR, avant de la quitter et de rompre avec le communisme révolutionnaire. Il était devenu très hostile à son ancien organisation et aux idées communistes, car il ne croyait plus du tout à la possibilité de changer la société. Un profond pessimisme avait succèdé à l'espoir et l'enthousiasme révolutionnaire. Ce pessimisme et cette vision très sombre de la société se retrouvent dans ses romans, et en particulier dans les derniers, notamment Ils sont votre épouvante, où il exprime sa crainte des classes dites dangereuses, de la délinquance et des jeunes de banlieue. Ne croyant plus, ni à la révolution socialiste, ni même à la possibilité d'améliorer vraiment la société, il se voulait "réaliste" en réclamant une répression ferme pour la protéger de la barbarie de ces "classes dangereuses", et en particulier de l'antisémitisme. Politiquement, on peut dire que Jonquet était non seulement désenchanté mais désespéré.

En dépit de cette évolution, Jonquet se considérait toujours comme "de gauche" et "engagé" et il a toujours eu le courage de défendre publiquement ses opinions. Paradoxalement, ses romans de l'époque de son engagement à la LCR étaient très peu engagés et il insistait sur le fait que le rôle du romancier n'est pas de défendre ses positions politiques dans ses romans, alors que son dernier livre apparait comme un véritable pamphlet sécuritaire.
Voici un lien avec le site de Télérama qui lui consacre une longue chronique.

http://www.telerama.fr/livre/mort-de-thier...php#xtor=RSS-18
__

Rectif au post de Runner. Le dernier livre de Jonquet a reçu le Grand prix du CRIF et non celui de la LICRA.
Vérié
 
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Message par Vérié » 11 Août 2009, 09:38

Re-Rectif : c'est bien la médaille de la LICRA. Remise en présence de Cukierman du CRIF, d'où ma confusion. :(

a écrit :
Le Crif en action

Cukierman au congrès de la Licra


(...)
Au cours du dîner de gala, la LICRA a remis son prix à Jacky Mamou, président du collectif urgence Darfour et sa médaille d’honneur au romancier Thierry Jonquet pour son livre « Ils sont votre épouvante, vous êtes leur crainte ». Astrid Betancourt a raconté avec émotion le calvaire de sa soeur d’Ingrid Betancourt, prisonnière des Farc en Colombie.
Plus de 400 invités ont pris part au dîner de l’organisation fondée par Bernard Lecache, dont le ministre délégué aux collectivités territoriales Brice Hortefeux ; les anciens ministres Nicole Guedj, Jacques Toubon et André Santini ; la première adjointe au maire de Paris Anne Hidalgo ; le président de SOS-Racisme Dominique Sopo, ainsi que le président du CRIF, Roger Cukierman, et son vice-président, Joseph Zrihen.
(...)
Vérié
 
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Message par emma-louise » 11 Août 2009, 11:41

Dans ses 2 derniers livres "Jours tranquilles à Belleville " et " Ils sont votre épouvante .. " , Jonquet est largué , déséspéré ...
mais il n'en reste pas moins que tous ses bouquins sont très bien ; il montre des zones obscures du coté de la mort , la vieillesse ou la folie rarement choisies comme cadre romanesque .
emma-louise
 
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Message par emma-louise » 12 Août 2009, 10:09

Dans la sélection que m'avais demandé une camarade l'an dernier , je lui avais passé : " Les orpailleurs " , "Le secret du Rabbin " , " Le bal des débris " et " Moloch "
emma-louise
 
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Message par emma-louise » 12 Août 2009, 10:10

Ainsi que " Rouge c'est la vie " qui n'a rien de ... noir !
emma-louise
 
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Message par pelon » 12 Août 2009, 14:01

Désolé de ne pas verser ma larme comme il convient quand quelqu'un meurt. Dire que Jonquet était désespéré est une manière sympa de présenter les choses. Une autre est de dire qu'il était devenu réac. Il ne croyait plus à la révolution mais il croyait encore à la répression.
Recevoir un prix de Cukierman c'est finalement une fin logique. Paix à son âme, parole d'athée.
pelon
 
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Message par Vérié » 12 Août 2009, 18:40

a écrit :
Dire que Jonquet était désespéré est une manière sympa de présenter les choses. Une autre est de dire qu'il était devenu réac. Il ne croyait plus à la révolution mais il croyait encore à la répression.

Bien sûr, ce n'est pas parce que quelqu'un meurt qu'on doit embellir ses positions politiques ou gommer celles qui nous dérangent. Néanmoins, il est permis de faire une sorte de bilan où l'on ne tient pas seulement compte des dernières positions de la personne en question.

Par exemple, si on évoque Victor Serge, on ne retient pas que les positions pro-impérialistes qu'il a défendues à la veille de sa mort. Dans le cas de Jonquet, oui, au cours de ces dernières années il était devenu de plus en plus réac sur pas mal de points et de plus en plus proche de personnalités pas très sympas du genre Finkielkraut. Il y a en effet une logique incontournable quand on rompt avec les idées révolutionnaires pour défendre la démocratie bourgeoise comme "moindre mal" et peu de gens y échappent. Mais, pendant toute une partie de sa vie, Jonquet a néanmoins milité à la LCR, puis à Ras le Front, et a défendu publiquement ses idées. On peut aussi retenir ça de lui. Il n'y a pas tellement d'écrivains ni d'artistes qui s'engagent publiquement dans des organisations d'extrême gauche.

Quant à ses livres, c'est évidemment une question de goût. Si l'on excepte le dernier et un ou deux autres où il exprime des idées douteuses, la plupart de ses romans étaient assez peu politiques. Jonquet se passionnait plutôt pour les faits divers sordides, c'est à dire ce que l'être humain et la société ont de plus noir. Et c'était surtout un excellent constructeur d'histoires. D'ailleurs son "métier principal" était celui de scénariste. A mon avis, ses premiers romans, les plus spontanés, les moins ambitieux, étaient de loin les meilleurs : Mygale, Mémoire en cage et même Du passé faisons table rase (criticable sur le plan politique) restent d'exellents polars particulièrement bien construits.

Alors, désespéré ou réac à la fin de sa vie ? Je dirais que le désespoir peut rendre réac... C'est une constatation, pas une plaidoirie pour l'excuser, car il possédait tout de même une très solide culture politique acquise notamment dans les organisations qu'il a fréquentées, LO puis la LCR...
Vérié
 
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Message par logan » 12 Août 2009, 19:57

Victor Serge, comparable à Jonquet?

Ca manque un peu de sens de la mesure, vérié :D
logan
 
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Message par emma-louise » 13 Août 2009, 08:38

Chacun est libre de ses commentaires , pas de problème ...
Celà dit j'ai l'impression d'ètre seul avec Vérié à avoir lu Jonquet ( ses romans et qqs interviews ) du coup j'ai l'impression qu'on veut simplifier ce qui est un écrivain ( qu'il soit proche ou pas de nous ) et sa vie .
emma-louise
 
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